La vie aura passé comme un grand château triste que
tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant
aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait
pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on
n'en peut plus baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt
viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je
suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours
retombant dans les yeux
Et ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et
trop court que pour eux le vent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente
mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix
mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit
dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et
rebat sa faux comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur
de sang de lassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos
faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre
tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le
pli des habitudes
Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujours
comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants
leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne
discutaient même pas leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit
de s'arrêter un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente
mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix
mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit
dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et
rebat sa faux comme plâtre
Songez qu'on n'arrête jamais de se battre et qu'avoir
vaincu n'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme
de l'homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut
d'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le
mal où est le bien
Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil
insensé de la victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que
d'autres sont montés
Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on
les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse
commune de l'histoire
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente
mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix
mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit
dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et
rebat sa faux comme plâtre
Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder
le néant
En face pour savoir en triompher Le chant n'est pas
moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme
l'écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le
drame est l'ensemble des chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même
qu'une voix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase
interrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui-même Le chanteur a
fait ce qu'il a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner
comme une hypothèse
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente
mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix
mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit
dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et
rebat sa faux comme plâtre
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