"I Quaderni del Cairoli" (2011)
Emmanuel Kant, Qu’est-ce que les lumières ? (1784)
Les lumières, c’est pour l’homme sortir d’une minorité qui n’est imputable qu’à lui. La minorité, c’est l’incapacité de se servir de son entendement sans la tutelle d’un autre. C’est à lui seul qu’est imputable cette minorité dès lors qu’elle ne procède pas du manque d’entendement, mais du manque de résolution et de courage nécessaires pour se servir de son entendement sans la tutelle d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement : telle est donc la devise des Lumières.
La paresse et la lâcheté sont causes qu’une si grande partie des hommes affranchis depuis longtemps par la nature de toute tutelle étrangère, se plaisent cependant à rester leur vie durant des mineurs ; et c’est pour cette raison qu’il est si aisé à d’autre de s’instituer leurs tuteurs. Il est si commode d’être mineur. Si j’ai un livre qui a de l’entendement pour moi , un directeur spirituel qui a de la conscience pour moi, un médecin qui pour moi décide de mon régime etc., je n’ai pas besoin de faire des efforts moi-même. Je ne suis point obligé de réfléchir, si payer suffit ; et d’autres se chargeront pour moi l’ennuyeuse besogne. […]
Il est donc difficile pour tout homme pris individuellement de se dégager de cette minorité devenue comme une seconde nature. Il s’y est même attaché et il est alors réellement incapable de se servir de son entendement parce qu’on ne le laissa jamais en fait l’essai. Préceptes et formules, ces instruments mécaniques destinés à l’usage raisonnable ou plutôt au mauvais usage de ses dons naturels, sont les entraves de cet état de minorité qui se perpétue.
Mais qui les rejetterait ne ferait cependant qu’un saut mal assuré au-dessus du fossé même plus étroit, car il n’a pas l’habitude d’une telle liberté de mouvement. Aussi sont-ils peu nombreux ceux qui ont réussi, en exerçant eux-mêmes leur esprit, à se dégager de cette minorité tout en ayant cependant une démarche assurée.
Qu’un public en revanche s’éclaire lui-même est davantage possible ; c’est même, si seulement on lui en laisse la liberté, pratiquement inévitable. Car, alors, il se trouvera toujours quelques hommes pensant par eux-mêmes, y compris parmi les tuteurs officiels du plus grand nombre, qui, après voir rejeté eux-mêmes le joug de la minorité, rependront l’esprit d’une estimation raisonnable de sa propre valeur et de la vocation de chaque homme a penser par lui-même. […]
Mais ces Lumières n’exigent rien d’autre que la liberté ; et même la plus inoffensive de toutes les libertés, c’est-à-dire celle de faire un usage public de sa raison dans tous les domaines.
Trad. J. Mondot, université de Saint-Étienne, 1991
Dans ce texte Kant présente la conception qui est à la base de la philosohie des Lumières : la liberté.
Pour Kant la liberté est la condition essentielle de l'action humaine, exercée à travers la raison. Quand il écrit cet article, il est très intéressé à la préparation de la Révolution Française, fondée sur des théories anticipées par les Lumières.
Par cette philosophie, selon Kant, l'homme sort d'une condition de “minorité”, c'est à dire d'une situation dans laquelle il ne se sert pas de son entendement. L'homme est coupable de cette minorité, parce qu'il vit passivement sous la tutelle de “tuteurs” sans avoir le courage de s'en libérer.
Il est aussi “commode d'être mineur”, car on ne doit pas faire l'effort de penser. En parlant de la minorité, Kant fait aussi une critique au principe d'autorité: les “tuteurs” desquels il parle sont les savants de la Scolastique ou bien soumis aux systèmes politiques absolus.
Ils souhaitent que les gens restent dans leur ignorance pour mieux les contrôler. On retrouve cette critique aussi au XVII siècle, dans la période de la Révolution scientifique, surtout avec Bacon, qui invite les hommes à se servir de leur raison, plutôt que de l'autorité des anciens pour connaître la réalité, mais c'est une exhortation encore au niveau théorique. Avec les Lumières, l'invitation à utiliser sa raison est plus pratique, a une signification morale aussi. Kant synthétise leur message en deux mots: “sapere aude”, aie le courage d'utiliser ton entendement librement “dans tous les domaines”. C'est-à-dire qu'on doit examiner la réalité entière avec la raison, et donc, à partir d'un changement intellectuel, le passage de la “minorité” à la “majorité”, on arrive à avoir un rôle actif dans le monde: exercer sa liberté signifie s'affranchir des autorités intellectuelles et avoir une partie active dans tous les domaines de la société. Ces philosophes soutiennent donc la notion d' “engagement”: ils analysent la réalité et proposent des changements concrets. Ils exaltent le modèle politique libéral anglais parce qu'il garantit les droits civils et politiques aux citoyens. Montesquieu propose la séparation des pouvoirs de l'État, Voltaire une monarchie éclairée.
Dans le domaine religieux les Lumières n'acceptent pas les convictions de la Contre-réforme et l'autorité de l'Eglise; dans celui économique les physiocrates proposent le modèle du libéralisme économique.
Il s'agit d'une utilisation de la raison dans un but pratique, le progrès de la société.
La condition nécessaire pour cet examen complet est la confiance en sa raison. Kant ne parle jamais d'une différence d'entendement entre les hommes, mais d'une différente utilisation de leur raison. Selon les Lumières la raison est le trait qui rend égaux tous les hommes et constitue la source de leur dignité. C'est une conception qui trouve ses fondements dans la situation historique: avec les Révolutions anglaises, les parlements et les classes sociales les plus actives avaient affirmé leur droits contre l'absolutisme en proposant non seulement un modèle politique libéral exemplaire, mais aussi une réflexion profonde sur le rôle et les droits de l'homme et sur sa liberté civile et culturelle (Habeas Corpus, Bill of Rights).
Les philosophes des Lumières ont repris cette pensée, ce qui démontre leur attention aux mouvements politiques, mais ils ont souligné que la révolution culturelle doit se développer par le haut pour que les gens soient conscients de cette dignité et puissent l'exercer.
Leur rôle donc est celui d'émanciper l'intelligence humaine, pour rejoindre l'état de majorité duquel Kant parle.
Kant conclut son analyse par une considération optimiste: le message des Lumières exige seulement la liberté intellectuelle, qui est inoffensive, mais qui aura un impact révolutionnaire.
Tous les événements historiques les plus importants du XVII et du XVIII siècle, c'est-à-dire l'émancipation religieuse, la naissance du modèle libéral anglais et aussi de celui démocratique aux États-Unis, l'affirmation de la bourgeoisie, la naissance de l'industrie et la Révolution scientifique, trouvent leur expression culturelle dans la pensée des Lumières, un message de liberté intellectuelle pour utiliser la raison humaine dans tous les domaines pour le progrès social.
Kant aime ce message d'émancipation de la minorité, qui était devenue une “seconde nature” pour les hommes, et assiste à la conséquence la plus importante de ce mouvement: la Révolution Française, expression de la révolte contre le système de l'absolutisme, qui était fondé sur l'oppression de la raison humaine.
“Sapere aude” est un message très simple, qui fait référence à la forme de liberté “la plus inoffensive”, mais aussi qui peut changer le monde.
Andrea Caloni
“Les Lumières n’exigent rien d’autre que la liberté”. C’est ce concept que Emmanuel Kant soutient avec conviction dans le texte « Qu’est ce que les Lumières ? » :l’homme des XVIII et XIX siècles a besoin de liberté. La liberté est défendue par les Lumières comme le droit nécessaire pour l’homme de penser et de s’exprimer sans limites dues à la politique et à la religion. En effet, depuis le XVIII siècle, en Europe se diffuse une volonté d’émancipation par la connaissance, qui remet en cause la tradition, vue comme un ensemble de préjugés, et qui voit la raison comme moyen pour arriver à la vérité. La liberté est donc entendue aussi comme un refus des préjugés, des anciennes convictions et elle affirme l’usage public et critique de la raison dans touts les domaines du savoir.
Par rapport au texte, on peut relever que c’est la volonté et la nécessité de sortir d’une période caractérisée par la « minorité », c’est-à-dire l’incapacité de l’homme de se servir de sa raison sans l’aide des autres, le fil rouge de la pensée de Kant. Par contre, les Lumières sont celles qui veulent sortir de cette minorité, ce sont les hommes qui veulent essayer d’accroître la connaissance dans toutes les compétences et qui ont le courage de se servir de leur propre entendement sans la tutelle des convictions précédents, c’est-à-dire la philosophie scolastique, les connaissances aristotéliques et les préceptes de l’église. En effet, on peut affirmer que surtout la « scolastique » était un système caractérisé par des dogmes qui étaient acceptés passivement per les hommes. L’homme du Moyen Age et les étudiants qui voient dans la scolastique et dans le système aristotélique la vérité sur la réalité et sur le monde ne sont pas capables de sortir de cette minorité, puisqu’ils manquent de résolution et du courage nécessaire pour penser eux-mêmes. « Sapere aude » : Kant et les Lumières exhortent à avoir le courage de connaître, sans ni peur ni préjugés.
Ensuite, l’auteur affirme la difficulté de sortir de la minorité : « il est si commode d’être mineurs». La paresse et la lâcheté sont les causes pour lesquelles l’homme décide de laisser aux autres la possibilité de devenir leurs tuteurs. Aussi, on n’est pas obligés de réfléchir par soi-même si on est dans la condition dans laquelle on peut se baser sur des dogmes déjà formulés et sur des personnes qui pensent à notre place (l’utilisation de la raison est parfois très épuisante). Cette minorité est devenue très influente par rapport au «progrès » de l’humanité (qui reste presque nul si l’homme reste en minorité!) et on n’a pas l’habitude de se servir de son propre entendement parce qu’on n’a jamais la possibilité d’essayer de penser, si on est habitués à accepter , sans sens critique, les impositions des autres. Mais, en conclusion, Kant soutient aussi que « On se trouvera toujours des hommes pensant par eux-mêmes » si on leur laisse la liberté, qui est la condition qui permet d’utiliser la raison : voilà la majorité et le parcours qui arrive au progrès de l’humanité. Donc, d’après Kant l’aspect le plus important est la liberté d’ordre intellectuelle, qui se manifeste dans les droits civils de l’homme. Pour exercer le libre arbitre, la liberté de penser et de s’exprimer, l’homme doit avoir la volonté et le courage, c'est-à-dire des qualités morales, qui lui permettent le progrès et l’émancipation : les qualités morales supportent les qualités intellectuelles.
On peut donc affirmer que les Lumières veulent remettre en cause la société, caractérisée par la « minorité », pour permettre le libre examen des les connaissances anciennes, qui apporte le progrès. Kant est sans aucun doute le philosophe le plus important de l’âge des Lumières, mais on doit relever que la volonté de justifier et expliquer la réalité par la raison est née au XVI siècle avec la révolution scientifique et ensuite s’est développée avec Descartes et le rationalisme. D’abord, les humanistes et les hommes de la renaissance donnent une grande importance à l’action humaine qui favorise le progrès vers le bonheur et la richesse.
En conclusion le processus d’émancipation de l’homme de la subordination complète à Dieu, des préjugés et de la tradition, par la raison et la liberté, et donc par l’action humaine, se développe depuis le XV siècle et trouve en Kant son sommet.
Martina Guglielmi
De 1784 à 1786 le philosophe prussien Emmanuel Kant publie des articles pour expliquer l’essence des Lumières, un courant culturel et philosophique, qui s’est répandu en Europe au XVIIIe siècle. Les philosophes des lumières font confiance uniquement à la raison humaine, instrument qui peut reconnaître le vrai savoir en appliquant la méthode scientifique. Kant est le dernier et plus grand représentant des lumières. Il écrit le texte « qu’est-ce que le lumières ? » avec une visée didactique quelques années avant la Révolution française et quelques années après la Révolution américaine, deux événements qui affectent beaucoup sa pensée. Kant exalte le modèle politique libéral anglais et le modèle démocratique américain ; il soutient l’engagement politique et la valeur inconditionnelle de la raison. Il admire la lutte du peuple français pour s’affranchir d’une monarchie dominant, pour chercher la démocratie et pour retrouver la liberté.
Dans cet exposé Kant cherche à donner le principe essentiel des Lumières : la liberté. A son époque il y avait des problèmes importants, en particulier le pouvoir politique était encore lié à une domination absolue et à la religion. La puissance de l’église influait énormément sur la liberté personnelle des gens. Dans ce contexte selon lui, il était encore plus nécessaire de comprendre l’importance de la liberté politique, d’esprit, intellectuelle, soutenue par le Lumières.
Kant préconise la raison pour accéder à la liberté : celui qui peut profiter librement de sa raison, celui qui est responsable pour lui-même et qui pense par soi-même est « majeur » ; au contraire celui qui est soumis et dépendant des autres est « mineur ». Le « mineur » n’est pas capable de choisir par soi-même, il a besoin de « tuteurs », c’est-à-dire de quelqu’un qui dirige son entendement en absence d’émancipation et de jugement autonome.
Kant analyse la cause de cette minorité et il affirme que la faute de cela est imputable seulement à l’homme, parce que il ne manque pas d’entendement, il manque plutôt du courage nécessaire. La liberté implique l’angoisse du choix et la responsabilité ; au contraire être « mineur »est plus facile et confortable, c’est le refus de sa propre responsabilité, c’est le choix de profiter de tous ceux qui peuvent réfléchir et décider à notre place. Kant parle d’obéissance volontaire qui produit une minorité intellectuelle.
Selon l’auteur certains hommes préfèrent la dépendance à cause de leur paresse et leur lâcheté et après longtemps la minorité devient comme une seconde nature. Il est très difficile de se libérer de la minorité, quand elle se présente comme normal et permanente, quand elle devient une habitude : dans ce cas l’homme devient réellement incapable de se servir de son entendement parce que il n’a jamais essayé de le faire. Kant donc semble avoir une conception pessimiste en ce qui concerne la possibilité de l’homme de sortir de la minorité : il peut être libéré, mais il y a encore des échecs, c’est un « saut mal assuré au dessus du fossé ».
Cependant, Kant termine le texte avec optimisme, parce qu’il croit qu’il y aura toujours quelqu’un capable d’utiliser sa raison, de se délivrer de sa « minorité ». On peut suppléer à la dépendance, on peut retrouver sa dignité qui réside dans l’usage de la raison. Les philosophes des Lumières connaissent déjà le plaisir de la libre réflexion, ils représentent une sorte d’idéal ; donc « qu’est-ce que le Lumières ? » : sortir de la minorité grâce au courage et à la volonté de liberté.
Grâce à cette conclusion, la fonction didactique de ce texte est bien résumée par la phrase « sapere aude ! », qui se cache déjà dans l’incipit de l’exposé. L’optimisme conclusif est une invitation à se servir de l’entendement propre de chaque homme et à sortir de la minorité, en ayant le courage d’être libre.
Antonella Innocenzio
Le texte proposé, écrit en 1784 par Emmanuel Kant, s’ouvre par une énonciation qui est à la fois la réponse au titre « Qu’est-ce que les Lumières ? » et constitue, en même temps, la thèse de son analyse : « les lumières, c’est pour l’homme sortir d’une minorité qui n’est imputable qu’à lui. »
Voilà comment Kant, dès la première ligne synthétise avec efficacité les Lumières, la portée révolutionnaire de ce mouvement et met en opposition la philosophie du XVIII siècle à la tradition philosophique européenne. Kant part de l’idée de « minorité », une condition d’ignorance et de paresse philosophique dans laquelle l’homme se trouve depuis le Moyen Age : selon le philosophe prussien les hommes n’ont jamais eu le courage et la volonté nécessaires pour se servir librement de leur pensée. Par paresse et par commodité ils ont suivi la « tutelle » de la philosophie d’Aristote ou de Platon, si l’on fait référence aux philosophes des siècles XVe et XVIe qui en reprennent des éléments, ou encore à la vision de l’univers, toujours dominée par la vision d’Aristote et de Tolomé.
Si Kant critique et désapprouve l’inactivité intellectuelle humaine, il n’en fait pas la seule fautive de cet état de minorité : l’auteur accuse aussi l’éducation scolastique et sa philosophie, en la considérant comme créatrice et continuatrice de « préceptes et formules » qui « sont les entraves de cet état de minorité ». Kant soutient donc la nécessité pour l’homme d’oser se servir librement de son intelligence : « Sapere aude ! » voilà ce que représentent les Lumières.
Bacon et Descartes, au XVII siècle, avaient déjà anticipé une « tabula rasa » des systèmes philosophiques classiques envers une nouvelle et libre recherche. La philosophie scolastique est en effet devenue une « seconde nature » qui empêche l’homme de penser librement, simplement parce que sa formation intellectuelle l’en rend incapable et quand bien même il arriverait à faire libre usage de son entendement, il serait perdu et désemparé.
Il existe cependant une différence entre les courants de pensées de Bacon et de Kant : alors que l’Anglais a comme but le contrôle de la nature à travers sa connaissance –l’on est encore dans une phase de pré-révolution scientifique- et bien que Descartes ait déjà commencé à élargir le rationalisme à tous les domaines du savoir, ce n’est qu’avec les Lumières que les sciences acquièrent leur caractère d’universalité. Cette idée est partagée par Voltaire qui dit qu’il ne faut pas « être dupe de tous les mensonges, de toutes les illusions auxquels l’homme se trouve exposé ».
Le XVIII siècle est donc le siècle des « combats » de nombreux savants pour l’universalité de la connaissance et de la liberté : en politique à travers Montesquieu et Voltaire, en économie avec Adam Smith ou Quesnay ou encore en droit avec, entre autres, Cesare Beccaria ; bref, la culture s’étend à tous les aspects du savoir jusqu’à son sommet, en 1751, avec la parution de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.
Voilà comment Kant explique, par cet article, cette révolution du savoir, cet éclairement culturel de l’obscurité de l’ignorance du passé -d’où le nom de Lumières- en invoquant la liberté, et, par ailleurs, toutes les libertés, comme le dit Daniel Roche : « l’avancée décisive consiste à admettre l’universalité de la liberté, à passer des libertés à la liberté . »
Et finalement Kant conclut en souhaitant la liberté de penser, qu’il définit comme la plus inoffensive, mais celle qui nous permet, en reprenant Pascal, de nous anoblir, de nous affirmer pleinement en tant qu’hommes, car, après tout, « toute notre
dignité consiste en la pensée . »
David Leorati
Kant peut être considéré comme le philosophe qui a atteint l'apogée de l'époque des Lumières. Il écrit une série d'articles à propos de la philosophie des Lumières dont le plus important est “Qu'est-ce que les Lumières?” publié en 1784. Dans cet article, il affirme deux principes fondamentaux de la philosophie morale, c'est-à-dire la liberté et la raison critique. Ces deux principes sont liés par une relation à double sens: la liberté est la condition qui permet à l'homme d'utiliser sa raison, alors que la raison permet à l'homme d'exercer sa liberté. Kant donne, donc, un aperçu de la situation du XVIIIe d'un point de vue intellectuel, en affirmant, enfin, que l'homme, s’il est libre, peur sortir de sa condition d'ignorance et passivité.
Dans la première partie du texte, Kant expose les deux conceptions de “majorité” et “minorité”: par ces deux mots il indique, respectivement, le progrès intellectuel, lié à l'utilisation de la raison critique, et, de l'autre coté, l'incapacité de l'homme “de se servir de son propre entendement”. Sa thèse est que l'homme, même s'il peut utiliser sa raison, ne se délivre pas de la tradition parce qu'il n'a pas de courage ni de volonté. Dans ce passage, il y a une critique évidente à la philosophie scolastique, qui, même après la révolution scientifique du XVIIe, est encore acceptée et cause un arrêt du progrès intellectuel. Selon Kant, ce sont les Lumières qui, avec la promotion de la raison critique, constituent pour l'homme la possibilité de sortir de sa minorité, qui est une condition “commode” mais qui mortifie la raison humaine.
Dans la deuxième partie, l'auteur analyse le fait que l'homme, n'ayant jamais été habitué à l'utilisation de sa raison, a beaucoup de difficultés à dépasser sa condition de minorité. “Préceptes et formules”, c'est-à-dire les dogmes religieux et, dans le domaine politique, les régimes absolues, conduisent l'homme à une attitude de passivité: il y a donc beaucoup d'erreurs de jugement et beaucoup de préjugés dans la pensée de ceux qui essayent de se délivrer par la tradition. Il y a aussi peu de penseurs qui ont réussi, c'est-à-dire des philosophes des Lumières et des savants de la révolution scientifique.
Bien que la situation soit fort négative , dans la dernière partie du texte il émerge une vision optimiste: Kant manifeste sa confiance en l'homme, qui, s'il est laissé libre de s'exprimer, a une tendance naturelle à penser par soi-même.
En conclusion, c'est donc la liberté que les Lumières veulent réaliser, parce que la liberté est la condition préalable à l'usage de sa propre raison. Toutefois, cette liberté doit être aussi supportée par des qualités morales, parce qu'il est nécessaire d'avoir du courage pour affirmer l'indépendance de la raison critique. Le message des Lumières est donc “Sapere aude” (“ose savoir”), une devise qui jouera un r
ôle bien important dans cette période du XVIIIe siècle, caractérisée, surtout en France, par l'absolutisme au niveau politique, par le mercantilisme, expression qui souligne le manque de liberté, au niveau économique, et par la philosophie scolastique au niveau intellectuel.
Laura Tripaldi