Voulez-vous que je vous chante
Écrite au XIIe ou au XIIIe siècle, cette chanson de trouvère est une « reverdie », c’est-à-dire une chanson de printemps et d’amour. Comme dans beaucoup d’œuvres de cette époque, la figure de l’auteur est présente dans la première strophe qui présente le sujet et le genre du poème.
Voulez-vous que je vous chante
Un chant d’amour avenant ?
Vilain ne le fit mie, (1)
Mais le fit un chevalier
A l’ombre d’un olivier
Entre les bras s’amie (2)
Chemisette avait de lin
Et blanc pelisson d’hermin (3)
Et bliaut de soie ; (4)
Chausses (5) elle avait de glaïeuls
Et souliers de fleurs de mai,
Etroitement chaussée.
Ceinturette avait de feuilles
Qui verdit quand le temps meuille, (6)
D’or était boutonnée ; (7)
L’aumônière (8) était d’amour
Ses cordons étaient de fleurs :
Par amour avait été donnée.
Elle chevauchait une mule ;
D’argent était la ferrure, (9)
La selle dorée :
Sur la croupe par-derrière,
Avait planté trois rosiers
Pour lui faire ombrage.
Ainsi s’en allait en un pré :
Chevaliers l’ont rencontrée,
Bien l’ont saluée,
- Belle, où êtes-vous née ?
- De France (10) suis la louée,
Du plus haut parage. (11)
Le rossignol est mon père,
Qui chante sur la ramée (12)
Au plus haut bocage ;
Et la sirène est ma mère,
Qui chante en la mère salée
Au plus haut rivage.
-Belle, vous êtes bien née :
Bien êtes apparentée
Et de haut parage,
Plût à Dieu notre père
Que vous me fussiez donnée
A femme épousée !
1)ce n’est pas un vilain qui la composa 2)entre les bras de son amie 3)manteau d’hermine, fourrure blanche 4)corsage / sorte de longue tunique de laine ou de soie portée au Moyen Âge par les femmes et les hommes 5) Partie du vêtement masculin qui, autrefois, selon la mode, couvrait le corps de la ceinture jusqu'aux genoux (haut-de-chausses) ou jusqu'aux pieds (bas-de-chausses) 6)quand il pleut 7) Muni de boutons et qui donc se ferme au moyen de boutons 8)petite bourse portée à la ceinture 9)fer à cheval 10) de l’Île-de-France pays de la langue d’oïl, langue des trouvères 11)de grande noblesse 12)branche, rameau
Anonyme, Chanson de trouvère, XIIe ou XIIIe siècle