L'amitié est une religion sans Dieu ni jugement dernier. Sans diable non plus.
Une religion qui n'est pas étrangère à l'Amour. Mais un Amour où la guerre et
lahaine sont proscrites, où le silence est possible.
Tahar Ben Jelloun
Montaigne rencontre Etienne de La Boétie, écrivain et poète en 1558. Il avait alors
vingt-cinq ans et son ami vingt-huit. Leur amitié sans faille fut brutalement interrompue
par la mort prématurée de La Boétie cinq ans plus tard.
[...] Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances(1)et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité(2), par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent(3) . En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi. »
Il y a, au-delà de tout mon discours et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale(4), médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous entendions l’un de l’autre, qui faisaient en notre affection plus d’effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel : nous nous embrassions par nos noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et réunion de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si liés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un à l’autre. Il écrivit une satire([5])latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence([6]), si promptement parvenue à sa perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre temps, et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. Celle-ci n’a point d’autre idée que d’elle-même, et ne se peut rapporter qu’à soi ; ce n’est pas une spéciale considération([7]), ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui, ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence([8])pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien ou mien.
[1]Relations 2 avantage, profit 3 se maintiennent ensemble 4 voulue par le destin 5 pièce de vers dans laquelle La Boétie célèbre son amitié avec Montaigne. 6 entente 7 estime 8 identité de désirs, convergence d’humeurs
Montaigne, « De l’amitié », Essais I, XXVIII
Non, ce n'était pas le radeau De la Méduse, ce bateau Qu'on se le dise au fond des ports Dise au fond des ports Il naviguait en pèr' peinard Sur la grand-mare des canards Et s'appelait les Copains d'abord Les Copains d'abord
Ses fluctuat nec mergitur C'était pas d'la litterature N'en déplaise aux jeteurs de sort Aux jeteurs de sort Son capitaine et ses mat'lots N'étaient pas des enfants d'salauds Mais des amis franco de port Des copains d'abord
C'étaient pas des amis de luxe Des petits Castor et Pollux Des gens de Sodome et Gomorrhe Sodome et Gomorrhe C'étaient pas des amis choisis Par Montaigne et La Boétie Sur le ventre ils se tapaient fort Les copains d'abord
C'étaient pas des anges non plus L'Évangile, ils l'avaient pas lu Mais ils s'aimaient toutes voiles dehors Toutes voiles dehors Jean, Pierre, Paul et compagnie C'était leur seule litanie Leur Credo, leur Confiteor Aux copains d'abord
Au moindre coup de Trafalgar C'est l'amitié qui prenait l'quart C'est elle qui leur montrait le nord Leur montrait le nord Et quand ils étaient en détresse Qu'leurs bras lancaient des S.O.S. On aurait dit les sémaphores Les copains d'abord
Au rendez-vous des bons copains Y avait pas souvent de lapins Quand l'un d'entre eux manquait a bord C'est qu'il était mort Oui, mais jamais, au grand jamais Son trou dans l'eau n'se refermait Cent ans après, coquin de sort Il manquait encore
Des bateaux j'en ai pris beaucoup Mais le seul qu'ait tenu le coup Qui n'ai jamais viré de bord Mais viré de bord Naviguait en père peinard Sur la grand-mare des canards Et s'app'lait les Copains d'abord Les Copains d'abord
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Nous nous plaignons quelques fois de nos amis pour justifier par avance de notre légèreté.
L’amitié la plus désintéressée n’est qu’un trafic où notre amour propre se propose toujours quelque chose à gagner.
Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner.
François de La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions diverses.
Deux hommes de la société mondaine, amis, sont en désaccord sur leurs
conceptions des relations sociales.
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ALCESTEJe veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
PHILINTELorsqu’un homme vous vient embrasser[1]avec joie, Il faut bien le payer de la même monnaie, Répondre, comme on peut, à ses empressements, Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.
ALCESTENon, je ne puis souffrir cette lâche méthode Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ; Et je ne hais rien tant que les contorsions De tous ces grands faiseurs de protestations, Ces affables donneurs d’embrassades frivoles, Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles, Qui de civilités avec tous font combat, Et traitent du même air l’honnête homme, et le fat. Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse[2]? Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse, Et vous fasse de vous un éloge éclatant, Lorsqu’au premier faquin, il court en faire autant ? Non, non il n’est point d’âme un peu bien située Qui veuille d’une estime ainsi prostituée ; Et la plus glorieuse a des régals peu chers Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers : Sur quelque préférence une estime se fonde, Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde. Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps, Morbleu ! vous n’êtes pas pour être de mes gens ; Je refuse d’un cœur la vaste complaisance Qui ne fait de mérite aucune différence ; Je veux qu’on me distingue ; et, pour le trancher net, L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait.
PHILINTEMais, quand on est du monde, il faut bien que l’on rende Quelques dehors civils que l’usage demande.
ALCESTENon, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié, Ce commerce honteux de semblants d’amitié. Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre Le fond de notre cœur dans nos discours se montre, Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments Ne se masquent jamais sous de vains compliments.
Molière, Le Misanthrope, Acte I, scène 1, vers 33-70.
[1]Embrasser signifie simplement « prendre dans ses bras », pour dire bonjour.
Stare insieme a te è stata una partita, va bene hai vinto tu, e tutto il resto è vita. Ma se penso che l'amore è darsi tutto dal profondo in questa nostra storia sono io che vado a fondo.
Ci vorrebbe un amico per poterti dimenticare, ci vorrebbe un amico per dimenticare il male, ci vorrebbe un amico qui per sempre al mio fianco, ci vorrebbe un amico nel dolore e nel rimpianto.
Amore, amore illogico, amore disperato, lo vedi sto piangendo? ma io ti ho perdonato. E se amor che a nullo ho amato, amore, amore mio perdona in questa notte fredda mi basta una parola.
Ci vorrebbe un amico per poterti dimenticare, ci vorrebbe un amico per dimenticare il male, ci vorrebbe un amico qui per sempre al mio fianco, ci vorrebbe un amico nel dolore e nel rimpianto.
Ci vorrebbe un amico per poterti dimenticare, ci vorrebbe un amico per dimenticare tutto il male, ci vorrebbe un amico qui per sempre al mio fianco, ci vorrebbe un amico nel dolore e nel rimpianto.
vivere con te è stata una partita il gioco è stato duro, comunque sia finita ma sarà la notte magica o forse l'emozione io mi ritrovo solo davanti al tuo portone.
Ci vorrebbe un amico per poterti dimenticare, ci vorrebbe un amico per dimenticare il male, ci vorrebbe un amico qui per sempre al mio fianco, ci vorrebbe un amico nel dolore e nel rimpianto.
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Deux vrais amis vivaient au Monomotapa L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre. Les amis de ce pays-là Valent bien, dit-on, ceux du nôtre. Une nuit que chacun s’occupait au sommeil, Et mettait à profit l’absence du soleil, Un de nos deux amis sort du lit en alarme ; Il court chez son intime, éveille les valets Morphée avait touché le seuil de ce palais. L’ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ; Vient trouver l’autre, et dit : « Il vous arrive peu De courir quand on dort ; vous me paraissez homme A mieux user du temps destiné pour le somme. N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu, En voici. S’il vous est venu quelque querelle, J’ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle Etait à mes côtés : voulez-vous qu’on l’appelle ? - Non ; dit l’ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point Je vous rends grâce de ce zèle. Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ; J’ai craint qu’il ne fût vrai, je suis vite accouru. Ce maudit songe en est la cause. » Qui d’eux aimait le mieux ? que t’en semble, lecteur ? Cette difficulté vaut bien qu’on la propose. Qu’un ami véritable est une douce chose ! II cherche vos besoins au fond de votre cœur ; II vous épargne la pudeur De les lui découvrir vous-même. Un songe, un rien, tout lui fait peurQuand il s’agit de ce qu’il aime.
La Fontaine, « Les deux amis », Fables, livre VIII.
Entre l'amour et l'amitié Il n'y a qu'un lit de différence, Un simple "pageot", un "pucier" Où deux animaux se dépensent, Et quand s'installe la tendresse Entre nos corps qui s'apprivoisent, Que platoniquement je caresse De mes yeux ta bouche framboise, Alors l'amour et l'amitié N'est-ce pas la même romance ? Entre l'amour et l'amitié Dites-moi donc la différence...
Je t'aime, mon amour, mon petit, Je t'aime, mon amour, mon amie...
Entre l'amour et l'amitié ils ont barbelé des frontières, Nos sentiments étiquetés, Et si on aime trop sa mère Ou bien son pote ou bien son chien, Il paraît qu'on est en eau trouble, Qu'on est cliniquement freudien Ou inverti ou agent double, Alors que l'amour et l'amitié Ont la même gueule d'innocence, Entre l'amour et l'amitié Dites-moi donc la différence...
Je t'aime, mon amour, mon petit, Je t'aime, mon amour, mon amie...
Entre l'amour et l'amitié La pudeur a forgé sa chaîne, A la barbe du Monde entier Et de ses gros rires gras de haine, Bon an, mal an, les deux compagnes Se dédoublent ou bien s'entremêlent, Comme sur la haute montagne Le ciel et la neige éternelle, Entre l'amour et l'amitié Se cache un petit bout d'enfance, Entre l'amour et l'amitié Il n'y a qu'un lit de différence...
Je t'aime, mon amour, mon petit, Je t'aime, mon amour, mon amie!
Que sont mes amis devenus Que j'avais de si près tenus Et tant aimés Ils ont été trop clairsemés Je crois le vent les a ôtés L'amour est morte Ce sont amis que vent me porte Et il ventait devant ma porte Les emporta Avec le temps qu'arbre défeuille Quand il ne reste en branche feuille Qui n'aille à terre Avec pauvreté qui m'atterre Qui de partout me fait la guerre Au temps d'hiver Ne convient pas que vous raconte Comment je me suis mis à honte En quelle manière Que sont mes amis devenus Que j'avais de si près tenus Et tant aimés Ils ont été trop clairsemés Je crois le vent les a ôtés L'amour est morte Le mal ne sait pas seul venir Tout ce qui m'était à venir M'est advenu Pauvre sens et pauvre mémoire M'a Dieu donné, le roi de gloire Et pauvre rente Et droit au cul quand bise vente Le vent me vient, le vent m'évente L'amour est morte Ce sont amis que vent emporte Et il ventait devant ma porte Les emporta
Rutebeuf (1230-1285)
Amis Les mêmes matins d'hiver, Les mêmes yeux entr'ouverts, Les mêmes détresses, (1) Les mêmes genoux griffés (2) Pour trouver à l'arrivée La même maîtresse, On se répétait sans cesseAmis, Amis, Contre tous les coups du sort De la journée, On sera deux. Amis, Amis, A la vie comme à la mort, Plus emmêlés (3) Que nos cheveux.
Quand, trop vite, on a grandi, On se retrouve transi. (4) Loin des jeux de billes, Sous nos boutons de malheur A se torturer le coeur Pour la même fille, Est-ce assez pour qu'on oublie ?
Amis, Amis, On a le sens de l'humour Quand sont trop lourds Ces chagrins-là. (5) Amis, Amis, A la vie comme à l'amour. Chacun son tour Les portera.
Tant d'histoires partagées, De coups de cœur échangés, D'amour et d'insultes Pour ne pas s'apercevoir Qu'on est dix ans sans se voir Dans tout ce tumulte Pour se retrouver adulte.
Amis, Amis, On n'a plus rien à se dire. On a fini Par arriver, Amis, Amis, Doucement à devenir Deux abrutis, (6) Deux étrangers.
1)Angoisse, grande peine d'esprit, de cœur, causée par la pression excessive de difficultés,
de circonstances douloureuses, dramatiques
2)Qui porte des griffures, marqué, comme par un coup de griffes # B[En parlant de vêtements,
d'articles de luxe] Qui porte la marque d'un créateur ou d'un diffuseur
3)Mêler ensemble.Emmêler des fils, des ficelles #Au fig.Embrouiller.Emmêler une affaire
4)Au fig.Pénétré par un sentiment, une émotion paralysants.Transi de peur /Amoureux, amant transi.Amoureux, amant que ses sentiments rendent timide, paralysent # Saisi, engourdi par le froid
5)Souffrance morale, déplaisir dont la cause est un événement précis.
6)Dont les qualités typiquement humaines (physiques, morales et surtout intellectuelles) ont été
gravement diminuées / Personne tout à fait stupide