Voici un livre à ne pas rater!
97 Écrivains, "Amoureux des livres",
qui n'ont pas réussi ...
"par diverses raisons qui tenaient aux circonstances
au siècle de leur naissance, à leur caractère, faiblesse,
orgueil, lacheté ..."
Comme ce poète ... aux semelles de vent
"Ce Juan Opiedo, dont parle Borges, qui toute sa vie exerça la profession de cordonnier et qui sur chacune des semelles des chaussures qu'il rafistolait écrivait des vers de sa composition qui finissaient par disparaître peu à peu, usés par la marche sur les trottoirs de Buenos Aires" (p 63)
qui n'ont pas réussi ...
"par diverses raisons qui tenaient aux circonstances
au siècle de leur naissance, à leur caractère, faiblesse,
orgueil, lacheté ..."
Comme ce poète ... aux semelles de vent
"Ce Juan Opiedo, dont parle Borges, qui toute sa vie exerça la profession de cordonnier et qui sur chacune des semelles des chaussures qu'il rafistolait écrivait des vers de sa composition qui finissaient par disparaître peu à peu, usés par la marche sur les trottoirs de Buenos Aires" (p 63)
DE QUELQUES AMOUREUX
DES LIVRES
que la littérature fascinait,
qui aspiraient à devenir
écrivains mais en
furent empêchés par diverses raisons
qui
tenaient aux circonstances, aux siècles de leur
naissance, à leur caractère, faiblesse, orgueil, lâcheté,
mollesse, bravoure, ou bien encore au hasard qui
de la vie fait son jouet et entre les mains duquel
nous ne sommes que de menues créatures,
vulnérables et chagrines.
naissance, à leur caractère, faiblesse, orgueil, lâcheté,
mollesse, bravoure, ou bien encore au hasard qui
de la vie fait son jouet et entre les mains duquel
nous ne sommes que de menues créatures,
vulnérables et chagrines.
I
l y eut ainsi, depuis des siècles, vivant
dans une opaque et insoupçonnable
solitude, des créatures qui pensaient que
ce qui sourdait de leur cerveau et se traduisait
en un assemblage de mots pouvait à l’humanité
servir. La consoler, l’émouvoir, l’éclairer.
On
pardonna beaucoup au péché d’orgueil qui
animait ces êtres.
On les écouta souvent. On
les célébra parfois. On donna à des avenues
leurs noms. On sculpta dans le marbre et le
bronze leur visage et leurs mains. On les coucha
dans de grands dictionnaires, des encyclopé-
dies. Il fallait bien voir leurs efforts se prolonger
d’un écho. Mais au vrai, ils ne servirent à rien
qu’à distraire les mortels de leur temps. Et leurs
livres sont comme des mues tombées dans les
siècles aveugles et sourds. Car rien jamais
ne
change l’homme. Rien ne remodèle la pâte
dont il est fait,
pour une fois et pour toujours.
L’Histoire n’existe pas. Le
Temps n’est qu’une
illusion qui est l’autre nom de l’espoir. Car
il
7
en faut bien un. Sinon quoi? Mais comment
dire cela à
l’enfant quand il s’avance dans l’âge
de comprendre. Nous
sommes les dépositaires
de l’éternel mensonge. Nous le prolongeons.
Le monde est une brume de chaleur qui s’élève
dans le cœur d’un été qui n’est pas un été, mais
le rêve de ce
que pourrait être un été, s’il existait,
s’il existait vraiment, ailleurs que dans les livres
qui sont les matières fragiles de nos mémoires.
C’est cela qu’avait tenté de cerner Virgile
Maubert (1962-2006), dans son roman Le cercle,
autour duquel il avait tant tourné et tourné
qu’il n’était jamais parvenu à traduire ce qui
mordait
chaque nuit son sommeil et ses rêves,
son couple et ses heures,
et le roman, à sa mort,
n’était qu’un entassement de feuilles noircies
d’une écriture penchée, comme soufflée par le
vent
d’une tempête marine, que sa femme trouva
dans un tiroir de
son bureau, tandis que le
corps de Virgile – on était quelque
trente-sept
minutes après sa mort – se balançait encore au
crochet du lustre du salon éclairé par des six
ampoules basse tension qui donnaient à son
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teint des lueurs froides et un
peu vertes. Mais
Virgile Maubert, mort avant même d’être
Virgile Maubert car ce n’était là qu’un pseudonyme
qu’il
s’était choisi, et qu’il traîna dans
l’intimité familiale comme
une vieille pantoufle
de soie perdant d’année en année son
satiné
reflet, sa femme le moquant lorsqu’elle le voyait
écrire
– oh que nos proches, ceux que nous
aimons du plus profond
de notre cœur, peuvent
parfois être le miel qui nous contente
et l’acide
qui nous ronge! – lui disait, «Arrête de faire
ton
Virgile, viens plutôt m’aider à laver la vaisselle,
Benoît!» car l’écrivain, même si toutes les
légendes veulent nous faire croire
le contraire
est une créature coincée dans son siècle, qui
possède une âme mais aussi un estomac, des
intestins et un rectum,
et Virgile Maubert dont
nous tairons le nom véritable, disons
que c’était
un homme avec un nom d’homme véritable et
cela
est bien suffisant, avait désiré plus que tout
durant son petit
passage sur terre rejoindre la
communauté des littérateurs. Il
n’y était pas
parvenu. Il n’était pas le seul, ni le premier (p.7-9)