Épreuve ESABAC 2012
La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
Paul Éluard, Capitale de la douleur, (1926)
COMPRÉHENSION
1) Sur quelle figure géométrique se construit ce poème?
Ce poème a une structure circulaire (Ringkomposition) car
il s’ouvre et se conclut avec le sens de la vue. Dans le premier vers le poète
affirme que les yeux de la personne à qui il s’adresse font «le tourde [son]
coeur». De la même façon, à la fin du poème les yeux sont nommés au v. 14 et
représentés au v. 15 par les regards, tandis que le coeur est évoqué par le
sang qui coule
2 ) À qui le poète s’adresse-t-il? Repérez et analysez
les marques de l’énonciation
Le poète s’adresse à son être aimé. Il souligne ce lien en disant que les
yeux de la femme aimée sont imprimés dans son coeur (v.1) et donnent une
signification à sa vie (v.5). Son attachement est exalté par l’utilisation des
adjectives possessives (tes yeux) en anaphore. En plus on comprend mieux que le
profond sentiment qui lie Eluard à celle à qui il parle est l’amour quand au
vers 14-15 il déclare son dépendance de ses yeux: le « moi » du poète et le « toi » se fondent enfin dans le «leurs» du v.
15.
3) Repérez et étudiez les mots et expressions appartenant
au champ lexical de la lumière
Dans ce poème les yeux de la femme aimée sont souvent comparés à la lumière.
On commence en les appelant « auréole du temps » (v.3) et puis, dans la strophe
suivante, « feuilles de jour » (v. 6), « bateaux chargés du ciel » (v.9). Ils
sont même la source des couleurs (v.10). La comparaison la plus incisive est
celle du v.8, qui inclut un vers entier: ils sont rapprochés à des ailes qui
couvrent le « monde de lumière ». dans la dernière strophe, enfin, en climax,
le poète crée un parallélisme avec la lumière produite par les « aurores »
(v.11) et les « astres » (v.12)
INTERPRÉTATION
1) Comment le poète relie-t-il le regard de la femme à la
nature et au cosmos?
1)Le poète relie le regard de la femme à la nature et au cosmos par la juxtaposition
de mots appartenant à ce champ lexical:
il crée donc des phrases nominales. Dans la deuxième strophe en particulier
tous les sens sont nommés: la vue et le toucher des « feuilles », l’ ouïe du
vent et des bruits, l’odorat des parfums. Les yeux sont comparés ainsi aux
éléments naturels d’un locus amœnus.
2) En quoi peut-on parler d’un éloge amoureux ? Démontrez
que la forme et le contenu de ce poème se font écho à cette fin.
Le poème peut être considéré un éloge amoureux. Eluard ouvre at conclut sa
composition avec la femme aimée, mais le personnage qu’on trouve n’est pas le
même qu’au début, car il est agrandie de toutes ses qualités. La parenthèse de
la deuxième strophe fait imaginer au lecteur les lieux plus beaux possibles: la
tranquillité domine, tout est en harmonie et la lumière rejoint chaque coin.
Ainsi quad au v.14 l’être aimé retourne, on est fascinés par lui et on comprend
la dépendance du poète et du monde entier de cette femme pure et innocente. La
composition circulaire donc, exalte l’aimée et crée une ambiance de suspension
onirique.
RÉFLEXION PERSONELLE
En évoquant l’être aimé, souvent les poètes s’adressent
en même temps à l’humanité. Développez
ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres poétiques que vous avez
lues (300 mots environ)
Des mots doux, des promesses d’amour éternel, depuis la naissance de la littérature
les poètes ont souvent voulu exprimer leur intense amour en éternisant le
souvenir d’eux-mêmes ainsi que de l’être aimé. Mais la relation entre les deux
amants peut influencer aussi la vie d’autres hommes, ou bien de l’humanité
entière. Dans la littérature latine Catulle, en parlant à sa Lesbia, lui
déclare son amour sans bornes. Cependant ce sentiment si grand crée le désir
chez les vieux qui souhaiteraient éprouver
une telle émotion, mais ils ne peuvent plus à cause de leur âge et de leur caractère. Comme
des antagonistes donc, ils chuchotent de la relation entre Catulle et Lesbia («
rumoresque senum severiorum » ) et ils la maudissent ( « ne quis malus invidere possit » ). Mais le
poète n’a pas encore déclaré sa totale dépendance de l’être aimé. Ce passage est bien visible dans
la poésie courtoise et surtout chez les poètes du Stilnovo, en Italie. La femme aimée est complètement idéalisée: pure,
innocente et belle, elle répand son bonheur à quiconque la voit quand elle marche
par la ville. On parle en effet de « donna
angelo » (femme angélique). Chez Dante, elle devient même la personnification
de la Théologie qui donne la salut à tous les hommes. Les hommes ainsi comme
les anges, sont fascinés par elle et ils sont sous l’autorité de ses paroles. Virgile
aussi, âme infernale, ne réussit pas à résister à ses yeux qui resplendissent
comme des rayons. Le thème de l’assujettissement complet du poète de la femme
aimée retourne aussi dans la littérature anglaise du XIXe siècle. Dans La
belle dame sans merci Keats représente
l’aimée comme une figure aimable avec des caractéristiques féeriques. Elle vit
en harmonie dan un locus amœnus, chante des chansons d’amour at aide les
chevaliers blessés. Mais, d’emblée, on se retrouve sur une colline grise, parmi
des cadavres. On découvre que tous les autres hommes qui comme nous ont été
persuadés par ses paroles maintenant sont tombés dans le désespoir. c’est la
dangereuse femme fatale.
Beatrice Falcone
Palerme, panorama depuis la coupole de Monreale
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