"Je m'éveillai, c'était la maison natale"
"Et tôt après le ciel
Nous consentait
Cet or que l'alchimie
Aura tant cherché "
Comment
devient-on le plus célèbre des poètes français contemporains, traduit dans le
monde entier et tant de fois cité pour le Nobel ? Peut-être en fournissant, en
plus des poèmes, leur appareil critique. Avec Yves Bonnefoy, mort à Paris
vendredi, à l’âge de 93 ans, on pourrait en tout cas, plus que d’une œuvre,
parler d’un véritable système.
Né en 1923 d’une
mère institutrice et d’un père ouvrier monteur, son enfance se partage entre la
maison familiale de Tours et celle, durant les vacances d’été, du grand-père
maternel à Toirac (Lot). C’est le côté Combray et Guermantes du poète, le
«Longtemps je me suis couché de bonne heure» devenant «J ’ ai souvent é prouvé
un sentiment d ’ inquiétude, à des carrefours», fameux incipit du grand récit
autobiographique de 1972, L ’ Arrière-pays (paru vingt ans plus tard en
Poésie/Gallimard). Toute l’imposante dialectique conjointement développée dans
ses écrits poétiques et critiques prend racine dans l’alternance entre ces deux
lieux. Les premiers recueils importants (Anti-Platon en 1947, Du mouvement et
de l ’ immobilité de Douve en 1953, Hier régnant d é sert en 1958) posent ainsi
une géographie où le territoire de la banalité quotidienne s’oppose à un
ailleurs idyllique, l’écriture étant, déjà, la seule expérience permettant de
dépasser ce clivage. Ses deux dernières livres, Ensemble encore et l’Echarpe
rouge, recueils de poèmes et de proses (Mercure de France, 2016), explorent à
nouveau le «côté» du père et celui de la mère.
"Et la vie a passé mais te garda
Vive mon illusion"
À distance
respectable des concepts, qu’il soupçonnait d’écraser l’expérience, Yves
Bonnefoy n’a cessé de chercher à constituer une « poétique de la présence »,
s’approchant au plus près de ce que Rimbaud nomme, dans Une saison en enfer, la
« réalité rugueuse ». L’âpreté de la réalité l’a rattrapé : le poète longtemps
pressenti pour le prix Nobel de littérature est mort ce vendredi 1er juillet à
l’âge de 93 ans.
Poète,
traducteur, critique d’art, professeur au collège de France, plusieurs fois
pressenti pour le prix Nobel de littérature, Yves Bonnefoy est mort le vendredi
1er juillet à Paris, à l’âge de 93 ans. Cet immense écrivain était un homme
multiple. Malgré la diversité de ses activités, une même intuition semblait
toujours guider sa démarche qu’il appelait « la vérité de parole », ou le souci
de saisir « ce que la vie a d’immédiat ».
Dans l’intensité
poétique, manifestant aussi une curiosité insatiable pour toutes les formes
artistiques (il a écrit des essais sur Picasso, Balthus, Giacometti, Mondrian,
Alechinsky), Yves Bonnefoy a construit une œuvre ouverte, à multiples entrées,
dans laquelle l’expression est toujours approfondie par une exigence de pensée.
Le poète se méfiait cependant du concept qui, pensait-il, nous écarte de
l’essentiel : voulant à tout prix identifier nos expériences, il les limite, et
nous prive, de surcroît, de la présence du monde. « La tâche du poète est de
montrer un arbre, avant que notre intellect nous dise que c’est arbre »,
écrivait-il.
"J'ai souvent éprouvé un sentiment d'inquitude ,
à des carrefours"
"Écrire comme d'autres ont déssiné"
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