Algarve cz
L'Ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
— Ô douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
Charles Baudelaire
Compréhension
1.
Quelles sont les deux périodes de la vie que le poète
évoque ?
Le
poète évoque la jeunesse dans la première strophe et la maturité, le début de
la vieillesse dans la deuxième, maturité dans laquelle le poète doit
s’appliquer à réparer les dommages de sa jeunesse.
2.
Qui est l’ennemi ?
Sous quelle forme allégorique est-il personnifié ?
L’ennemi est le temps, il est personnifié sous la forme
d’un parasite semblable à une sangsue qui se nourrit de notre sang, comme le
temps qui coule nous enlève la vie à petits morceaux.
Interprétation
1.
Montrez que le premier tercet reprend la métaphore de la
première strophe et en réoriente le sens. Quel est l’espoir ici exprimé ?
Le premier
tercet reprend la métaphore de l’orage dans l’image du sol lavé, qui est ce
qu’il reste du jardin auquel le poète fait référence dans la première strophe.
Dans le tercet il y a toutefois un nouvel espoir : que des fleurs nouvelles puissent croître après la dévastation de la
jeunesse, en s’alimentant de ce mal.
2.
Quel est le sentiment éprouvé à la fin du poème ? Par
quels procédés d’écriture est-il exprimé ?
La souffrance est le sentiment du poète à la fin du
sonnet ; elle est exprimée par la phrase exclamative et surtout par l’anaphore
de l’ expression « ô
douleur! », qui comme un cri désespéré transmet toute l’affliction de
Baudelaire face à la fuite du temps.
3.
Quel lien le poète semble-t-il établir entre les souffrances
de la vie et la création poétique ? En quoi cela renvoie-t-il au titre
même du recueil ?
Le poète instaure un possible lien entre la souffrance et
la poésie dans le premier tercet , il énonce sous forme de question que les
souffrance peuvent être nourriture pour la poésie (les fleurs). Le rapport avec
le titre du recueil est clair : dans «Les fleurs du mal » la préposition
« du » introduit le complément d’origine, les fleurs donc viennent du
mal.
Réflexion personnelle
La création poétique permet-elle d’échapper à l’angoisse
de la fuite du temps et de la mort ? Développez ce thème en vous appuyant
aussi sur d’autres œuvres que vous avez lues.
Plusieurs poètes
ont écrit dans le but d’échapper à la fuite du temps . Mais cette évasion des lois du temps et de la
vie est-elle possible ?
Il y a ceux qui répondraient oui, notamment Percy
Shelley, qui dans le sonnet : « Ozymandias », décrit la
ruine de toute puissance, empire ou règne; il reste seulement un désert là où
il y avait le grand empire de Ramses II (Ozymandias), la seul chose qui reste
est sa statue , donc une œuvre artistique. Pour lui l’art est le seul moyen qui
permet à l’homme d’achever l’éternité. Si pour Shelley l’art entier a cette
valeur, la poésie va néanmoins plus loin. Horace dans l’ode III, 30 a
écrit : « J’ai achevé un monument, plus éternelle que le bronze,
plus haut que la régale grandeur des pyramides ». Ainsi l’œuvre poétique
(le monument) est-elle la plus éternelle parmi les formes d’art en étant
immatérielle. Dans le même poème Horace exprime avec les
mots : « Non omnis moriar » la valeur de sa production
d’une façon explicite, elle lui permettra qu’une partie de lui continue à vivre
après sa mort.
L’objection qu’on peut faire à cette thèse est qu’il
pourrait être indifférent pour nous après notre mort d’être souvenus ,
cependant, même si la poésie ne peut pas nous consentir d’échapper à la mort
elle peut lénifier notre angoisse, en raison du fait que le désir d’être
remémoré est dans la nature humaine. Voilà pourquoi la valeur d’éterniser de la poésie
se réalise toute dans le présent, et non dans le futur.
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