vendredi 19 septembre 2014

BAC BLANC - Essai bref de Eleonora Rizzo : La tentation de l’ailleurs : voyage réel, voyage imaginaire (ESABAC 2011)




Prova di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE

a)      saggio breve

Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole).



La tentation de l’ailleurs : voyage réel, voyage imaginaire


Pour quelle raison le thème du voyage nous fascine tellement ? On rêve de quoi donc, lorsque on  en entreprend  un, qu’est-ce qui nous pousse à tout quitter , quel est, enfin, le but de notre recherche ?  Je trouve, quelque part, c’est le désir de la liberté, le  goût de se croire détaché d’une réalité qui nous suffoque. L’aventurier, l’homme qui se construit sa propre fortune, c’est l’image de laquelle chacun rêve quand on ressent les chaînes de la vie de tous le jours.

Arthur Rimbaud personnifie pleinement la figure du vagabonde qui accomplit son pèlerinage solitaire autour du monde à la  recherche de l’idéal. Dans sa poésie « Ma Bohème »  il professe son dévouement à la « Muse » poétique dont il se proclame le « féal » . Son voyage se traduit dans une recherche continue. La vie du poète n’est qu’un doux  vagabondage sous un ciel étoilé. La Nature lui rend de petits attentions de mère empressée : « je sentais des gouttes/ De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ». Si ses poches sont «  crevées » et vides des biens matériaux, la chanson des étoiles lui remplisse le cœur. Il n’y a que le paysage, toujours différent, le poète et ses rimes éparpillées par terre comme témoignages d’un esprit libre et heureux. Contrairement à cette condition de déracinement que beaucoup plait à Rimbaud, Du Bellay, poète classique du XVI siècle, songe à une vieillesse tranquille parmi les lieux de son enfance dans le village de Liré. Pour lui le voyage représente une étape fondamentale dans le parcours existentiel de chacun, mais qui autant que conquête «  d’usage et raison », va terminer avec le retour entre ses propres parents pour y passer le reste de son âge.  Le poète est conscient d’un bagage de traditions et d’affections qui le lient indissolublement à son pays natal. Même la grandeur de la ville éternelle, Rome, lui évoque la douceur des petites maisons à l’ « ardoise fine ». Cette comparaison avec la tradition classique est reprise dans la figure d’Ulysse, le héros grec prototype du voyageur, qui, selon la version la plus connue du mythe, réussit à faire retour à sa « Petrosa Itaca » après de nombreuses aventures.  Dante, dans le XXVI chant de l’Enfer dont Ulysse est le protagoniste, choisit une deuxième version de l’histoire qui se termine avec la fatale chute du héros et son bateau au-delà des colonnes d’Hercule.  Dans ce cas-là le poète souligne le désir qui pousse l’homme à voyager jusqu’au limite du monde, à tout quitter pour achever une connaissance totale. Il s’agit défier Dieu même,  dans sa curiosité inquiète de tout voir Ulysse néglige ses devoirs de père de famille et pèche de « hybris ». L’Odyssée peut être considérée l’ancêtre des romans d’aventure du XIX siècle, tel que « Voyages extraordinaires » de Jules Verne qui avait doué ses livres de cartes géographiques qui pourraient rendre son roman le plus croyable possible. Le grand public de ces années aimait ces descriptions des pays exotiques et inconnus parce qu’ils faisaient rêver à des réalités lointaines, hors de l’ennui d’un vie bourgeoise.
Le thème du voyage irréel est présent aussi dans le poème en prose « Anywhere out of the world » qui appartient au recueil « Le Spleen de Paris » de Charles Baudelaire.  Il s’agit d’un dialogue impossible entre le protagoniste et son âme dont certaines thématiques rappellent « Il Dialogo della Natura e di un Islandese » de Leopardi. Baudelaire  exprime  une vision profondément pessimiste de la vie qui est comparée à un « hôpital » où les malades ne font que se plaindre pour la position de leur lit, dans le ridicule espoir que dans un autre place il vont guérir de leurs souffrances.

 Les hommes sont donc caractérisés par un insatisfaction existentielle qui cache une profonde angoisse.
L’âme pèlerine dans le monde sensible ne trouve aucun soulagement à ses souffrances, la vanité de tous projets révèle la seule solution qui nous appartient : la mort. «Caelum non animum mutant qui trans mare currunt », je trouve que les mots du poète latin Horace expriment la même morale que celle de  Baudelaire : le voyage  peut nous conduire n’importe  où ... sauf à  se termine hors de ce monde.



ELEONORA RIZZO




  


Documento 1
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestui-là1 qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison
Vivre entre ses parents le reste de son âge.

Quand reverrai-je, hélas! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province et beaucoup davantage?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine,

Plus mon Loire2 gaulois que le Tibre Latin,
Plus mon petit Liré3 que le mont Palatin
Et plus que l’air marin la douceur angevine.

Joachim Du Bellay,« Heureux qui comme Ulysse… », Les Regrets (1558).

1.« celui-là ».
2. Le nom du fleuve était masculin au XVIème siècle.
3. Village natal de Du Bellay.



Documento 2
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal1;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur!

Arthur Rimbaud, « Ma Bohème », Poésies  (1871).
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1. féal : partisan, ami dévoué et fidèle


Documento 3
Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu'il guérirait à côté de la fenêtre. Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme.
« Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d'habiter Lisbonne? Il doit y faire chaud et tu t'y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l'eau; on dit qu'elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal qu'il arrache tous les arbres. Voilà un paysage selon ton goût; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le liquide pour les réfléchir! »
Mon âme ne répond pas.
« Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter la Hollande, cette terre béatifiante? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as souvent admiré l'image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons? »
Mon âme reste muette. […]
 « En es-tu donc venue à ce point d’engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal? S'il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort. - Je tiens notre affaire, pauvre âme! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l’extrême bout de la Baltique; encore plus loin de la vie, si c'est possible; installons-nous au pôle. Là le soleil ne frise qu’obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d'un feu d’artifice de l’Enfer! »
Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie: « N'importe où! n' importe où! pourvu que ce soit hors de ce monde! »
Charles Baudelaire, « Anywhere out of the world (N'importe où hors du monde) », Petits poèmes en prose, (1862).

Documento 4
 […] Quando (90)
mi diparti' da Circe, che sottrasse
me più d'un anno là presso a Gaeta,
prima che sì Enea la nomasse, (93)

né dolcezza di figlio, né la pieta
del vecchio padre, né 'l debito amore
lo qual dovea Penelopé far lieta, (96)

vincer potero dentro a me l'ardore
ch'i' ebbi a divenir del mondo esperto
e de li vizi umani e del valore; (99)

ma misi me per l'alto mare aperto
sol con un legno e con quella compagna
picciola da la qual non fui diserto. (102)

L'un lito e l'altro vidi infin la Spagna,
fin nel Morrocco, e l'isola d'i Sardi,
e l'altre che quel mare intorno bagna. (105)

Io e ' compagni eravam vecchi e tardi
quando venimmo a quella foce stretta
dov' Ercule segnò li suoi riguardi (108)

acciò che l'uom più oltre non si metta;
da la man destra mi lasciai Sibilia,
da l'altra già m'avea lasciata Setta. (111)

"O frati", dissi "che per cento milia
perigli siete giunti a l'occidente,
a questa tanto picciola vigilia (114)

d'i nostri sensi ch'è del rimanente
non vogliate negar l'esperienza,
di retro al sol, del mondo sanza gente. (117)

Considerate la vostra semenza:
fatti non foste a viver come bruti,
ma per seguir virtute e canoscenza".
 (120)
Dante Alighieri,  « Inferno »  (Canto XXVI), La Divina Commedia.

« … Quand je quittai Circé, qui me retint caché plus d’un an, là, près de Gaëte, avant qu’ainsi Énée la nommât, ni la douce pensée de mon fils, ni la piété envers mon vieux père, ni l’amour qui devait être la joie de Pénélope, ne purent vaincre en moi l’ardeur d’acquérir la connaissance du monde, et des vices des hommes, et de leurs vertus. Mais, sur la haute mer de toutes parts ouverte, je me lançai avec un seul vaisseau, et ce petit nombre de compagnons qui jamais ne m’abandonnèrent. L’un et l’autre rivage je vis, jusqu’à l’Espagne et jusqu’au Maroc, et l’île de Sardaigne, et les autres que baigne cette mer. Moi et mes compagnons nous étions vieux et appesantis, quand nous arrivâmes à ce détroit resserré où Hercule posa ses bornes, pour avertir l’homme de ne pas aller plus avant : je laissai Séville à ma droite; de l’autre déjà Septa  m’avait laissé. Alors je dis: « O frères, qui, à travers mille périls, êtes parvenus à l’Occident, suivez le soleil, et à vos sens à qui reste si peu de veille, ne refusez l’expérience du monde sans habitants. Pensez à ce que vous êtes: point n’avez été faits pour vivre comme des brutes, mais pour rechercher la vertu et la connaissance ».

Traduction de Lamennais, 1855 (éd. de 1883).

« Le globe terrestre » Affiche  de J. Hetzel  éditeur des « Voyages extraordinaires » de Jules Verne (1890).
Jules Verne le dit lui-même: ses Voyages Extraordinaires sont des «romans géographiques» dont le but est de «peindre […] le monde entier sous la forme du roman, en imaginant des aventures spéciales à chaque pays, en créant des personnages spéciaux  aux milieux où ils agissent » (Souvenirs d’enfance et de jeunesse, écrits en 1890, Cahiers du Musée Jules Verne, Nantes, 1990). L’écrivain avait même exigé de son éditeur Hetzel que ses livres incluent des cartes géographiques pour aider le lecteur à suivre les tribulations de ses héros.







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