mardi 26 août 2014

BAC BLANC : ESSAI BREF "NOYADES: FUITES DE LA VIE ... FUITES DE SURVIES"



LICEO CLASSICO “E. CAIROLI” VARESE

SEZIONE ESABAC

BAC BLANC 

Prova di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE

2a Liceo (quatrième année)

  saggio breve
Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (300 mots).


Noyades : Fuites de la vie … Fuites de survies


  
Lampedusa : la presse italienne déplore le "massacre de la honte"
  
Le Monde Europe, le 4 octobre 2013
"Vergogna", la honte. Aucun autre mot ne saurait mieux résumer le sentiment des éditorialistes de la presse italienne au lendemain de la nouvelle tragédie de l'île de Lampedusa. Il s'affiche sur toutes les unes et dans les titres des dossiers consacrés, vendredi 4 octobre par les quotidiens, au naufrage d'un bateau de migrants qui a fait au moins 130 morts et 200 disparus.
"Le massacre de la honte" titrait en une le quotidien de gauche La Repubblica (centre gauche), rappelant qu'il s'agit de la "plus grande tragédie en mer des clandestins", avec des enfants et des femmes enceintes parmi les victimes sur cette île devenue "le cimetière des migrants". Au-dessus d'une photo montrant les dizaines de cadavres recouverts de linceuls verts, le quotidien consacre huit pages à la tragédie que le pape François, en visite vendredi à Assise, dans le centre du pays, a lui aussi qualifiée de "honte".



Le premier jour du mois d’Athyr, la deuxième année de la deux cent vingt-sixième Olympiade…C’est l’anniversaire de la mort d’Osiris, dieu des agonies. Le long du fleuve des lamentations aigües retentissaient depuis trois jours dans tous les villages (…)
Le soir précédent Lucius m’invita à souper sur sa barque. Je m’y rendis au soleil couchant. Antinous refusa de me suivre. Je le laissais au seuil de ma cabine de poupe, étendu sur sa peau de lion, occupé à jouer aux osselets avec Chabrias. Une demi-heure plus tard, à la nuit close, il se ravisa et fit appeler un canot. Aidé d’un seul batelier il fit à contre-courant la distance assez considérable qui nous séparait des autres barques. Son entrée sous la tente où se donnait le souper, interrompit les applaudissements  causés par les contorsions d’une danseuse. Il s’était accoutré d’une longue robe syrienne, mince comme une pelure de fruit, toute semée de fleurs et de chimères. Pour ramer plus à l’aise, il avait mis bas sa manche droite. La sueur tremblait sur cette poitrine lisse. Lucius lui lança une guirlande qu’il attrapa au vol. Sa gaîté presque stridente ne se démentit pas un instant, à peine soutenue d’ une coupe de vin grec. Nous rentrâmes ensemble dans mon canot à six rameurs, accompagnés  d’en haut du bonsoir mordant de Lucius. La sauvage gaîté persista. Mais au matin il m’arriva de toucher par hasard un visage glacé de larmes. Je lui demandais avec impatience la raison de ses pleurs. Il répondit humblement en s’excusant sur la fatigue. J’acceptais ce mensonge. Je me rendormis. Sa véritable agonie a eu lieu dans ce lit et à mes côtés. Le courrier de Rome venait d’arriver. La journée se passa à le lire et à y répondre. Comme d’ordinaire, Antinous allait et venait silencieusement dans la pièce. Je ne sais pas à quel moment ce beau lévrier est sorti de ma vie. Vers la douzième heure, Chabrias, agité, entra. Contrairement à toutes les règles, le jeune homme avait quitté la barque sans spécifier la longueur et le but de son absence. Deux heures au moins avaient passé depuis son départ. Chabrias se rappelait d’étranges phrases prononcées la veille. Une recommandation  faite  le matin même et qui me concernait. Il me communiqua ses craintes. Nous descendîmes en hâte sur la berge. Le vieux pédagogue se dirigea d’instinct vers une chapelle située sur le rivage, petite et difficile d’accès, isolée qui faisait partie des dépendances du temple, et qu’Antinous et lui avaient visitée ensemble. Sur une table à offrandes les restes d’un sacrifice étaient encore tièdes. Chabrias y plongea les doigts et en retira, presque intacte, une boucle de cheveux coupés. Il ne nous restait plus qu’à explorer la berge. Une série de réservoirs qui avaient dû  servir autrefois à des cérémonies sacrées communiquaient avec une anse du fleuve. Au bord du dernier bassin, Chabrias aperçut dans le crépuscule qui tombait rapidement un vêtement plié, des sandales. Je descendis  les marches glissantes. Il était couché au fond, déjà enlisé par la boue du fleuve.
  
Marguerite Yourcenar : Mémoires d'Hadrien (1951)



Quand nous habitions tous ensemble

Ces poèmes, que Hugo fit paraître à Paris et à Bruxelles et dont la composition commença dès 1834
et s’étala sur près de vingt ans, sont, selon la préface, les «mémoires d’une âme». Ils assument la
remémoration, traditionnelle dans le lyrisme  («une destinée est écrite là, jour après jour»), de la mort
de Léopoldine.

Quand nous habitions tous ensemble
Sur nos collines d'autrefois,
Où l'eau court, où le buisson tremble,
Dans la maison qui touche aux bois,

Elle avait dix ans, et moi trente ;
J'étais pour elle l'univers.
Oh! comme l'herbe est odorante
Sous les arbres profonds et verts !

Elle faisait mon sort prospère,
Mon travail léger, mon ciel bleu.
Lorsqu'elle me disait: Mon père,
Tout mon coeur s'écriait : Mon Dieu !

À travers mes songes sans nombre,
J'écoutais son parler joyeux,
Et mon front s'éclairait dans l'ombre
À la lumière de ses yeux.

Elle avait l'air d'une princesse
Quand je la tenais par la main.
Elle cherchait des fleurs sans cesse
Et des pauvres dans le chemin.

Elle donnait comme on dérobe,
En se cachant aux yeux de tous.
Oh ! la belle petite robe
Qu'elle avait, vous rappelez-vous ?

Le soir, auprès de ma bougie,
Elle jasait à petit bruit,
Tandis qu'à la vitre rougie
Heurtaient les papillons de nuit.
Les anges se miraient en elle.
Que son bonjour était charmant !
Le ciel mettait dans sa prunelle
Ce regard qui jamais ne ment.

Oh! je l'avais, si jeune encore,
Vue apparaître en mon destin !
C'était l'enfant de mon aurore,
Et mon étoile du matin !

Quand la lune claire et sereine
Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,
Comme nous allions dans la plaine !
Comme nous courions dans les bois !

Puis, vers la lumière isolée
Étoilant le logis obscur,
Nous revenions par la vallée
En tournant le coin du vieux mur ;

Nous revenions, coeurs pleins de flamme,
En parlant des splendeurs du ciel.
Je composais cette jeune âme
Comme l'abeille fait son miel.

Doux ange aux candides pensées,
Elle était gaie en arrivant... -
Toutes ces choses sont passées
Comme l'ombre et comme le vent !
Villequier, 4 septembre 1844
 Victor Hugo Les Contemplations (1856)




La ballata degli annegati
Il fiume racconta leggende mentre veloce va al mare,
le narrano piano le onde e i pioppi le stanno a ascoltare.
Non tutti le posson sentire, bisogna esser stanchi del mondo,
gettarsi nell'acqua e morire, dormire per sempre sul fondo.
Ascolta !
Le sue parole d'amore nell'acqua ora sono sincere,
da quando tu dormi qua sotto hai sognato che mai,
 mai lui ti ha lasciato.

Bisogna venirci di sera con l'animo oppresso dal pianto
per sentire la nenia leggera di un triste e di un lugubre canto.
Chi sei? Il mio nome era Gianni, nuotavo a vent'anni appena,
ma qui avrò sempre vent'anni. E tu? Mi prese una piena
su a monte, non fui mai trovato. E tu? Da solo una sera,
per me era peso il passato e l'acqua sembrava leggera.

Riposa,
dimentica quello che è stato, il tempo quaggiù s'è fermato
ormai tu non puoi che dormire e ascoltare le storie del fiume che va verso il mare.

Il fiume racconta leggende mentre veloce va al mare,
le ascoltano gli annegati e al vento le fanno cantare,
e al vento le fanno cantare, e al vento le fanno cantare...







ESSAI BREF : Est-ce que la poésie permet d'échapper aux espaces qui emprisonnent





«  Le noir cerveau de Piranèse
Est une béante fournaise
Où se mêlent l'arche et le ciel ,
L'escalier, la tour, la colonne ;
Où croît, monte, s'enfle et bouillonne
L'incommensurable Babel »

 V. Hugo Les MagesLes Contemplations (1856).










"Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir
fait au moins le tour de sa prison?"

Marguerite Yourcenar L'oeuvre au noir (1968)







VIZAVI

Essai bref:





Sur Le Tasse en prison d'Eugène Delacroix

Le poète au cachot, débraillé, maladif,  

Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d'un regard que la terreur enflamme
L'escalier de vertige où s'abîme son âme.

Les rires enivrants dont s'emplit la prison    5  
Vers l'étrange et l'absurde invitent sa raison;
Le Doute l'environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.

Ce génie enfermé dans un taudis malsain,  
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l'essaim  10  
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,

Ce rêveur que l'horreur de son logis réveille,  
Voilà bien ton emblème, Âme aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs!

Charles Baudelaire Les Épaves, XVI, (1866)










À Bruxelles, en 1873, Verlaine tira deux coups de feu
 sur Rimbaud avec lequel il avait une liaison. Il fut condamné
 et resta deux mois en prison, où il écrivit ce poème.
«  Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

La cloche dans le ciel qu'on voit
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

– Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De la jeunesse ?  »
 Paul Verlaine Sagesse« Le ciel est, par-dessus le toit… »,(1880)





«  Ma demeure est haute
Donnant sur les cieux ;
La lune en est l'hôte,
Pâle et sérieux :
En bas que l'on sonne,
Qu'importe aujourd'hui ?
Ce n'est plus personne,
Quand ce n'est pas lui !

Aux autres cachée,
Je brode mes fleurs ;
Sans être fâchée,
Mon âme est en pleurs :
Le ciel bleu sans voiles,
Je le vois d'ici ;
Je vois les étoiles :
Mais l'orage aussi !

Vis-à-vis la mienne
Une chaise attend :
Elle fut la sienne,
La nôtre un instant :
D'un ruban signée,
Cette chaise est là,
Toute résignée,
Comme me voilà !  »
Marceline Desbordes-ValmoreBouquets et Prières« Ma chambre », 1841





Nel viola della notte odo canzoni bronzee.
La cella è bianca, il giaciglio è bianco.
La cella è bianca, piena di un torrente di voci che muoiono nelle angeliche cune, delle voci angeliche bronzee è piena la cella bianca.
Silenzio: il viola della notte: in rabeschi dalle sbarre bianche il blu del sonno.
Penso ad Anika: stelle deserte sui monti nevosi: strade bianche deserte: poi chiese di marmo bianche: nelle strade Anika canta: un buffo dall’occhio infernale la guida, che grida. Ora il mio paese tra le montagne.
Io al parapetto del cimitero davanti alla stazione che guardo il cammino nero delle macchine, su, giù. Non è ancor notte; silenzio occhiuto di fuoco: le macchine mangiano rimangiano il nero silenzio nel cammino della notte.
Un treno: si sgonfia arriva in silenzio, è fermo: la porpora del treno morde la notte: dal parapetto del cimitero le occhiaie rosse che si gonfiano nella notte: poi tutto, mi pare, si muta in rombo:  Da un finestrino in fuga io? Io ch’alzo le braccia nella luce!! (il treno mi passa sotto rombando come un demonio).


Dino Campana Sogno di prigione




À Constantin Guys
I
«  De ce terrible paysage,
Tel que jamais mortel n'en vit,
Ce matin encore l'image,
Vague et lointaine, me ravit.

Le sommeil est plein de miracles !
Par un caprice singulier,
J'avais banni de ces spectacles
Le végétal irrégulier,

Et, peintre fier de mon génie,
Je savourais dans mon tableau
L'enivrante monotonie
Du métal, du marbre et de l'eau.

Babel
 d'escaliers et d'arcades,
C'était un palais infini,
Plein de bassins et de cascades
Tombant dans l'or mat ou bruni ;

Et des cataractes
 pesantes,
Comme des rideaux de cristal,
Se suspendaient, éblouissantes,
À des murailles de métal.

Non d'arbres, mais de colonnades
Les étangs dormants s'entouraient,
Où de gigantesques naïades
,
Comme des femmes, se miraient.

Des nappes d'eau s'épanchaient, bleues
Entre des quais roses et verts,
Pendant des millions de lieues,
Vers les confins de l'univers ;

C'étaient des pierres inouïes
Et des flots magiques ; c'étaient
D'immenses glaces éblouies
Par tout ce qu'elles reflétaient !

Insouciants et taciturnes,
Des Ganges
, dans le firmament
,
Versaient le trésor de leurs urnes
Dans des gouffres de diamant.

Architecte de mes féeries,
Je faisais, à ma volonté,
Sous un tunnel de pierreries
Passer un océan dompté ;

Et tout, même la couleur noire,
Semblait fourbi
, clair, irisé ;
Le liquide enchâssait sa gloire

Dans le rayon cristallisé.

Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges
De soleil, même au bas du ciel,
Pour illuminer ces prodiges,
Qui brillaient d'un feu personnel !

Et sur ces mouvantes merveilles
Planait (terrible nouveauté !
Tout pour l'œil, rien pour les oreilles !)
Un silence d'éternité.  »
II
«  En rouvrant mes yeux pleins de flamme
J'ai vu l'horreur de mon taudis,
Et senti, rentrant dans mon âme,
La pointe des soucis maudits ;
La pendule aux accents funèbres
Sonnait brutalement midi,
Et le ciel versait des ténèbres
Sur le triste monde engourdi.  »

Charles Baudelaire Les Fleurs du mal« Rêve parisien », (1861)