dimanche 10 décembre 2017

François Mitterrand " Lettres à Anne" Éditions Gallimard 2016


La Lecture, c'est Mon Salut !




"Qui me demanderait la première partie en l'amour, je répondrais que c'est savoir prendre le temps; la seconde de même & encore la tierce : c'est un point qui peut tout" 

Montaigne Essais, livre III, chapitre V




Le premier souvenir  qui m'a tout de suite frappé dès que j'ai commencé l'attachante  lecture de ce roman épistolaire,  n'a été ni La Nouvelle Héloïse de Rousseau,  ni Les poèmes à Lou d'Apolllinaire,  ni  les poèmes d' Aragon ... ni Eluard  ...


mais Clément Marot


Anne, par jeu, me jeta de la neige
Que je cuidais froide certainement.
Mais c’était feu : expérience en ai-je,
Car embrasé je fus soudainement.
Puisque le froid brûle pareillement
Comme le feu, où trouverai-je place
Pour n’ardre point ? Anne, ta seule grâce
Éteindre peut le feu que je sens bien,
Non point par eau, par neige ni par glace,
Mais par sentir un feu pareil au mien.

parce qu' à partir d' "un bel été" (1962) Mitterrand n'a   cessé 
d 'avouer cet amour irrépressible pour Anne: 1218 lettres d'un amoureux fou pour cette fille, Anne Pingeot,  rencontrée lorqu'elle n'avait que 19 ans et lui 44 (!!!)

Le désir de cette rencontre littéraire m'était venu à la suite d'un article de Franz-Olivier Giesbert dans Le Magazine Littéraire de décembre 2016, qui louait cette langue,  cette ferveur,  cette incadescence qui font de l'ancien Pésident "un sacré grand écrivain".

La lecture  a dépassé les attentes et  je ne suis qu'au début ...

EXTRAITS 

"Vous sur la plage du premier jour, votre visage au soleil tandis que je vous lisais Aragon, votre regard du soir des Justes, votre confiante liberté de notre seul dimanche le long du Palais Royal, dans le petit café, votre profil grave, votre main ouverte ou demeurant à mi-chemin, comme suspendue à son élan,  ont projeté en moi une telle résonance que la joie que j'en reçois est sans prix ... je le sais désormais et n'en puis douter, ce que j'ai de vous compte pour moi tellement plus, par la résonance, que ce n'est pas d' être privé de vous que de détenir seulement  (merveilleux seulement) ce qui m'est déjà donné.

(lettre 20,  datée mercredi 8 janvier 1964 )



Vendredi 17 janvier 1964

Par ce beau soleil, que je pense à vous! Mais j'aurais pensé à vous de la même façon  si la pluie ou le brouillard s'étaient emparés de l'Île-de-France, Ce vendredi cruel s'achève.

Je rêvais  d'un autre déroulement, d'une belle suite d'heures. Allons, il faut remiser les rêves.

Dimanche 2 février 1964

Pour vous exprimer ce que je dois à notre journée de vendredi il me faudrait recourir à l'apologue ou à la parabole et je comprends pourquoi les Orientaux préfèrent le symbole et l'image au style direct. En racontant la joie (ou la peine) du monde et des choses, ils se racontent.
Moi, je n'évoquerai que la présence aimée d'un visage et la confiance d'un regard clos, et je me tairai. À ce qui s'inscrit dans le coeur, qu'ajouter ?


9 février 1964
19 heures 
Ne dites plus jamais mieux avant . Moi j'aimais avant. Et j'aime maintenant. Et d'une certaine manière j'aime davantage maintenant parce que maintenant contient avant et lui ajoute la vérité de deux êtres  - et non celle de deux ombres, fussent-elles heureuses comme l'est la lumière
   


Cette Correspondance amoureuse, par sa longévité, son intensité, son exclusivité, sa clandestinité et surtout sa qualité littéraire, défie  la raison politique. Si elle confirme le talent singulier du Mitterrand écrivain, qui fut notre dernier président à vénérer la langue française, user du subjonctif passé, connaître le chromatisme des métaphores et pouvoir écrire, comme ici, de vibrants poèmes d’amour, elle corrige, en le réévaluant à la hausse, en lui ajoutant soudain un tremblé inédit, le portrait doré à l’or fin du monarque florentin, volage, infidèle et cynique.





C’est un philosophe, c’est un poète qui se ressource à la fois dans l’image d’un paysage et dans le regard de sa bien-aimée", affirme Antoine Gallimard pour expliquer sa décision de publier cette correspondance amoureuse réunie dans un ouvrage de 1 280 pages.



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À ce qui s'inscrit dans le coeur, qu'ajouter ?



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Par hasard j'ai retrouvé grâce à 
une émission sur ARTE
la chanson  de Sardou que le Président chérissait
et je me disais que sans aucun doute 
'il n'est pas mort,  il dort et
 il n'a  pas fini d'en finir 







Ne m'enterrez pas encore.
Je n'suis pas mort :
Je dors.

Et n'encombrez pas ma mémoire
De vos regrets de vos histoires :
Je dors.

Rangez-moi dans vos souvenirs
Mais j'n'ai pas fini d'en finir :
Je dors, je dors.

Gardez vos larmes et vos cris,
Que l'on m'ait aimé ou haï :
Je dors.

Si par hasard, sait-on jamais,
J'avais un ami qui m'aimait,
Tant pis.
Qu'il m'oublie :
Je dors.

Maître des ombres et des lumières,
Combien dure une éternité ?
Combien de fois faudra-t-il faire
La même route pour arriver ?
Combien de lunes à  disparaître ?
Combien d'hommes encore à  renaître ?
En attendant, je dors.

Je n'veux pas qu'on m'ensevelisse.
Je n'veux pas être piétiné.
Je dors.

J'aimerais qu'un océan rugisse
Tous ses chevaux sur des rochers.
Je dors, je dors.

Et ne couvrez pas ma mémoire
De chrysanthèmes, de femmes en noir :
Je dors.

Si quelque part, sait-on jamais,
J'avais un ami qui m'aimait,
Tant pis.
Qu'il m'oublie.
Je dors, je dors, je dors.



Ne vous en faites pas !
...
J'ai Mes Livres !