mardi 26 juillet 2016

Pierre Assouline "Le coeur palpitant du français" (Le Magazine Littéraire juillet-août 2016)



SOS  LATIN GREC 

LE HARA-KIRI CULTUREL ...


Pourquoi veut-on  tuer le grec et le latin ?







De quand datez-vous le début du XXe siècle ? 1900 ? 1901 ? 1914 ? 1918 ? Le critique Albert Thibaudet le fixait sans hésiter à 1902, année de la réforme scolaire qui déclassa les langues anciennes.
On voit par là combien sont profondes les racines du débat qui agite les professeurs, les pédagogues, les élèves et leurs parents depuis quelque temps. De quoi justifier le SOS lancé par Le Magazine littéraire à la veille de la rentrée.

Il ne s'agit pas de dénoncer la politique éducative d'un gouvernement ou même d'un ministre puisque, depuis des années, toutes tendances confondues, tous n'ont cessé de creuser la tombe des humanités gréco-latines. La polémique est récurrente, mais elle n'a jamais été aussi alarmante. Balayons d'emblée l'« argument », si l'on peut dire, de ceux qui dénoncent une nostalgie réactionnaire dans la défense des langues anciennes, associée aux académies et au « parler Vaugelas ». Les autres, soumis à l'idéologie du présentisme, plaident pour un enseignement qui se voudrait plus efficace et plus utile pour le marché du travail ; ils oublient au passage que les années scolaires ont ceci d'exceptionnel dans la vie d'un futur adulte qu'elles sont justement le seul moment d'une vie où l'esprit doit se former en liberté, dans le pur plaisir d'apprendre, dans le bonheur de la connaissance gratuite, hors de la tyrannie de la rétribution, du profit, de la rentabilité, du retour sur investissement. Le collégien et le lycéen auront toute leur vie pour méditer l'épigraphe que Jules Vallès fit figurer en tête du Bachelier, deuxième tome de sa trilogie autobiographique : « À ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim ! »

Il ne suffit plus de dire qu'elles ne sont pas des langues mortes, mais des langues anciennes. Il faut rappeler des vérités d'évidence un peu oubliées, à commencer par la première d'entre elles : le latin n'est pas une langue ancienne parmi d'autres mais par excellence celle qui est à l'origine du français. À ce titre, elle seule permet à notre langue de s'échapper de son stérile huis clos. Elle en est le coeur palpitant, la fait vivre, l'ouvre à l'extérieur.

Se priver petit à petit du latin, jusqu'à décourager de futurs enseignants dans cette voie-là, c'est prendre le risque de priver les générations à venir de la maîtrise du français comme outil. Ce qui serait aussi préjudiciable aux littéraires qu'aux scientifiques. De toutes parts et de tous milieux revient le même son de cloche : les étudiants ont de plus en plus de mal à maîtriser le français. À leur stade, c'est déjà trop tard ; c'est bien en amont qu'il faut agir. Or, sans le latin, on ne sait rien de la structure de la langue, de la grammaire, de l'étymologie, des aventures du sens dans l'histoire d'un mot. Le bricolage qui a abouti aux nouveaux programmes banalise l'enseignement du latin et du grec, jusqu'à les diluer confusément dans un magma optionnel. Pour la plus grande gloire du « globish », ce bâtard de l'anglais qui désole les Anglais eux-mêmes ? Misère... Il se dit du côté du ministère de l'Éducation que le but est de réduire les inégalités et les privilèges dans l'accès à la connaissance ; or c'est exactement l'inverse qui adviendra, avec ces humanités au rabais.

Le jour de la rentrée scolaire, un livre intitulé Le Bon Air latin paraîtra, qui achèvera de convaincre les sceptiques. Une oeuvre réunissant des latinistes, enseignants ou traducteurs, des linguistes et des écrivains, pour dire à l'unisson ce que notre langue doit au latin : sa respiration, son allure, son souffle, sa musicalité, sa stabilité, sa précision grammaticale, sa richesse lexicale... Et l'on voudrait nous couper de cet héritage ! Ce recueil pose clairement l'enjeu du débat : quel français voulons-nous ? La question est d'une brûlante actualité, à l'heure des polémiques sur l'identité. Reste à savoir si les princes qui nous gouvernent ont jamais brûlé du désir de maîtriser leur propre langue.


À LIRE : Le Bon Air latin, COLLECTIF, éd. Fayard, 
360 p., 20 E (à paraître le 27 août).

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mardi 19 juillet 2016

David Foenkinos : Le mystère Henri Pick



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J'ai bien apprécié "Charlotte", dont Alice et Valentina ont su tirer profit pour leur BAC, et mon arrivée à Cannes m'a conduit au rayon qui patiemment m'attend toujours à la FNAC

Et voilà que je découvre son dernier roman ...


Le  mystère Henri Pick

Jean-Pierre Gourvec bibliothécaire de son état à 



décide de recueillir tous les livres refusés par les éditeurs. Parmi ceux-ci, une jeune éditrice découvre ce qu'elle estime être un chef-d'oeuvre, écrit par un certain Henry Pick Les dernières heures d'une histoire d'amour ...

Le roman relate la fin d'un couple, mais aussi l'agonie du poète et romancier russe Pouchkine ... Le livre est publié, devient un best-seller, mais qui était vraiment Henri Peck, malheureusement décédé, et dont personne ne savait qu'il écrivait ? Est-il vraiment l'auteur de ces pages ?


Hymne à la lecture, au plaisir de lire et de s'évader, ce conte  est aussi une déclaration pour la liberté de création de l'écrivain et le droit d'être aimé pour ce que l'on est.

Difficile d'ébaucher l'histoire de ce roman sans en dévoiler les rebondissements et les nombreux effets. Le personnage central est le feu Henri Pick, auteur d'un manuscrit refusé qui une fois retrouvé et publié, est encensé non pas spécialement pour le contenu de ce roman mais plutôt pour son incroyable histoire de pizzaiolo auteur. Un vent de curiosité souffle autour de cet auteur en K, clin d'oeil à Kafka, Kerourac, Kundera ... David Foenkinos ...


lectures2benedicte

franceinfo

"Comme si la reconnaissance consistait à être compris. Personne n'est jamais compris, et certainement pas les écrivains. Ils errent dans des royaumes aux émotions bancales, et, la pluspart du temps, ils ne se comprennent pas eux-mêmes"




mercredi 13 juillet 2016

LICEO CLASSICO CAIROLI VARESE RESULTATS ESABAC 2016




BRAVO !

BRAVO BRAVO !!

BRAVO BRAVO BRAVO !!!

BRAVO BRAVO BRAVO BRAVO !!!!

BRAVO BRAVO BRAVO BRAVO BRAVO!!!!!




Voici les Résultats de l'ESAME DI STATO










 et de l' ESABAC













mardi 12 juillet 2016

EPREUVES ESABAC 2016 : LITTÉRATURE FRANÇAISE a) analisi di un testo "Lamento du jardinier" de Jean Giraudoux, Electre, 1936.







a) analisi di un testo
 Dopo avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione personale sul tema proposto.

 Entracte (1)
Lamento du jardinier


Moi je ne suis plus dans le jeu. C’est pour cela que je suis libre de venir vous dire ce que la pièce ne pourra vous dire. Dans de pareilles histoires, ils ne vont pas s’interrompre de se tuer et de se mordre pour venir vous raconter que la vie n’a qu’un but, aimer. Ce serait même disgracieux de voir le parricide s’arrêter, le poignard levé, et vous faire l’éloge de l’amour. Cela paraîtrait artificiel. Beaucoup ne le croiraient pas. Mais moi qui suis là, dans cet abandon, cette désolation, je ne vois vraiment pas ce que j’ai d’autre à faire! Et je parle impartialement. Jamais je ne me résoudrai à épouser une autre qu’Electre, et jamais je n’aurai Electre. Je suis créé pour vivre jour et nuit avec une femme, et toujours je vivrai seul. Pour me donner sans relâche en toute saison et occasion, et toujours je me garderai. C’est ma nuit de noces que je passe ici, tout seul, – merci d’être là, – et jamais je n’en aurai d’autre, et le sirop d’oranges que j’avais préparé pour Electre, c’est moi qui ai dû le boire – il n’en reste plus une goutte, c’était une nuit de noces longue. Alors qui douterait de ma parole! L’inconvénient est que je dis toujours un peu le contraire de ce que je veux dire, mais ce serait vraiment à désespérer aujourd’hui, avec un coeur aussi serré et cette amertume dans la bouche, – c’est amer, au fond, l’orange –, si je parvenais à oublier une minute que j’ai à vous parler de la joie. Joie et Amour, oui. Je viens vous dire que c’est préférable à Aigreur et Haine. Comme devise à graver sur un porche, sur un foulard, c’est tellement mieux, ou en bégonias nains dans un massif (2). Évidemment, la vie est ratée, mais c’est très, très bien, la vie. Évidemment, rien ne va jamais, rien ne s’arrange jamais, mais parfois avouez que cela va admirablement, que cela s’arrange admirablement… Pas pour moi… 

1)Entracte Il s’agit de la pièce Electre de Giraudoux, dans laquelle l’auteur reprend la fameuse légende des Atrides. Après le meurtre du roi Agamemnon, Egisthe a pris le pouvoir. Redoutant qu'Electre, fille d'Agamemnon, ne se révolte, il l'a promise en épouse au jardinier. Mais un étranger, qui n'est autre qu'Oreste, son frère, fait annuler ce mariage. Le jardiner se retrouve seul, sur scène, pendant l'entracte.
2)Massif : espace fléuri. 

Jean Giraudoux, Electre, 1936.

I. Compréhension
1. Etudiez la situation d’énonciation dans ce monologue. A qui s’adresse le jardinier?
2. Quel est le double sens du mot “jeu” (ligne 1)? Quelle est donc la fonction du jardinier à ce moment de la pièce?
3. Quels sont les sentiments du jardinier dans son «lamento»? Justifiez votre réponse en vous appuyant aussi sur les figures de style.

II. Interprétation
1. Montrez que dans ce passage l’illusion et la réalité se rencontrent.
2. Quelle perception de la vie exprime Giraudoux à travers son personnage? Justifiez votre réponse en vous appuyant en particulier sur le champ lexical des sentiments.

III. Réflexion personnelle
« Évidemment, la vie est ratée, mais c’est très, très bien, la vie » : cette phrase exprime une vision contradictoire de l’existence. Proposez une réflexion personnelle sur ce thème, en faisant aussi référence à vos lectures (300 mots environ).


 Introduction
     A la fin de l'année 1936, Jean Giraudoux écrit sa pièce Electre, représentée pour la première fois à Paris au printemps 1937. A cette époque, de nombreux écrivains, comme Cocteau, s'inspire des grands mythes de l'antiquité et poursuivent ainsi la tradition; mais Giraudoux fait une oeuvre originale en transformant le désir de vengeance en quête de la vérité. Le premier acte s’achève sur un long monologue du mendiant tandis qu’Oreste et Electre sont endormis. Le jardinier profite de l’entracte pour venir s’adresser directement aux spectateurs. Sa tirade présente l’originalité de se situer hors de la tragédie. Par la voix du jardinier, Giraudoux propose ses réflexions sur la nature de la tragédie après avoir donné une leçon d’humanité à travers son personnage. C’est cette leçon que nous allons étudier : le début du lamento.

Plan

I/ Le lamento, tradition et modernité

     La didascalie initiale nous indique que nous ne sommes plus dans la fiction, c'est l'entracte. Les premières paroles le prouvent : "je ne suis plus dans le jeu". Le jardinier s'adresse aux spectateurs. On peut le voir grâce aux apostrophes. Nous ne savons pas si c'est le personnage ou l'acteur qui parle. Il a un statut que l'on ne peut pas définir. Cette situation d'énonciation relève de la tradition car elle rappelle un peu la parabase. Giraudoux s'est inspiré du Coryphée de la tragédie grecque pour créer le lamento. On peut dire que le jardinier joue le rôle du Coryphée. Déjà à la ligne 2, il s'était proposé de développer ses idées. C’est la dernière fois qu’il prend la parole, après ce lamento, il ne réapparaîtra plus. La nuit est tombée, lui seul quitte la fiction.

     Il y a une ellipse théâtrale, l’ellipse de la nuit. Cet effet est une modernité dans le théâtre. C’est ici que le lamento est placé. Le jardinier a une position ambiguë entre la fiction et la réalité. Le jardinier vient rappeler que nous sommes dans la tragédie, et donc les personnages sont dominés par des forces supérieures (L.30-l.31). Il explique tout le chagrin qu’on lui a fait. Il se déclare, ce qui montre qu’il n’est pas tout à fait sortit de la fiction.

II/ Le jardinier, un homme du peuple

     La présence d’un personnage d’origine modeste ne correspond pas bien à la tragédie. Il y a beaucoup d’obstacles à la compréhension du discours. Premièrement, il s’excuse d’avoir des propos incohérents, il l’avoue, il est incapable de raisonner avec clarté. Son propos est rempli de digressions (ex : l.17-l.18) ; il fait beaucoup de répétitions (ex : «dire») et des commentaires sur ce qu’il dit.

     Il essaye de nous rapporter son expérience personnelle, celle-ci lui a donné l’idée d'une loi universelle : « Joie et Amour » l.25. Il a découvert cette loi en vivant le contraire. Il utilise des métaphores (porche, foulard et bégonias) pour mieux nous expliquer mais ces métaphores sont tellement obscures que l’on comprend encore moins ce qu’il veut nous dire. Dans ces métaphores, on pourrait voir que le porche représente les gens les plus haut placés dans la société, le foulard pour les plus modestes et les bégonias pour les gens comme lui.

III/ Une solitude pathétique

     Normalement le lamento est un air triste et plaintif, or ici le jardinier reste humble, il ne se répand pas. Il utilise beaucoup de présentatifs (« c’est »). Il s’exprime par antithèse avec des conjonctions (« et ») durant les lignes 11 à 15. La reprise des mêmes adverbes (« jamais, toujours) donne un rythme incantatoire dans les lignes 12, 13, 15 et 16. Le ton pathétique est atténué par des phrases courtes et simples souvent construites de la même façon, ainsi que par le vocabulaire familier qu’il emploie. Ce qui touche beaucoup, c’est qu’il est très sincère, il aime vraiment Electre. Il exprime des sensations physiques pour montrer da douleur sentimentale. Il a tiré une leçon d’espoir qui ne correspond pas du tout à la tragédie. C’est pour cela qu’il s’en allé de la pièce, il n’a plus rien à voir avec la tragédie.


Conclusion

     Le lamento du jardinier a une fonction dramatique importante qui permet la transition entre les deux actes. Le personnage, écarté de l’énigme et abandonné le soir de son mariage qui ne s’est pas fait, prend pour la dernière fois la parole entre la fiction et la réalité. Ce lamento, qui est l’expression de la douleur, se transforme cependant en message de confiance dans l’homme mais la fiction va continuer après sa sortie et le tragique viendra du fait qu’Electre refuse de transformer la Haine en Amour.







vendredi 8 juillet 2016

YVES BONNEFOY DISPARAÎT EN SON ARRIÈRE-PAYS



"Je m'éveillai, c'était la maison natale"




"Et tôt après le ciel 
Nous consentait 
Cet or que l'alchimie 
Aura tant cherché "

Comment devient-on le plus célèbre des poètes français contemporains, traduit dans le monde entier et tant de fois cité pour le Nobel ? Peut-être en fournissant, en plus des poèmes, leur appareil critique. Avec Yves Bonnefoy, mort à Paris vendredi, à l’âge de 93 ans, on pourrait en tout cas, plus que d’une œuvre, parler d’un véritable système.
Né en 1923 d’une mère institutrice et d’un père ouvrier monteur, son enfance se partage entre la maison familiale de Tours et celle, durant les vacances d’été, du grand-père maternel à Toirac (Lot). C’est le côté Combray et Guermantes du poète, le «Longtemps je me suis couché de bonne heure» devenant «J ’ ai souvent é prouvé un sentiment d ’ inquiétude, à des carrefours», fameux incipit du grand récit autobiographique de 1972, L ’ Arrière-pays (paru vingt ans plus tard en Poésie/Gallimard). Toute l’imposante dialectique conjointement développée dans ses écrits poétiques et critiques prend racine dans l’alternance entre ces deux lieux. Les premiers recueils importants (Anti-Platon en 1947, Du mouvement et de l ’ immobilité de Douve en 1953, Hier régnant d é sert en 1958) posent ainsi une géographie où le territoire de la banalité quotidienne s’oppose à un ailleurs idyllique, l’écriture étant, déjà, la seule expérience permettant de dépasser ce clivage. Ses deux dernières livres, Ensemble encore et l’Echarpe rouge, recueils de poèmes et de proses (Mercure de France, 2016), explorent à nouveau le «côté» du père et celui de la mère.



"Et la vie a passé mais te garda 
Vive mon illusion"


À distance respectable des concepts, qu’il soupçonnait d’écraser l’expérience, Yves Bonnefoy n’a cessé de chercher à constituer une « poétique de la présence », s’approchant au plus près de ce que Rimbaud nomme, dans Une saison en enfer, la « réalité rugueuse ». L’âpreté de la réalité l’a rattrapé : le poète longtemps pressenti pour le prix Nobel de littérature est mort ce vendredi 1er juillet à l’âge de 93 ans.





Poète, traducteur, critique d’art, professeur au collège de France, plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel de littérature, Yves Bonnefoy est mort le vendredi 1er juillet à Paris, à l’âge de 93 ans. Cet immense écrivain était un homme multiple. Malgré la diversité de ses activités, une même intuition semblait toujours guider sa démarche qu’il appelait « la vérité de parole », ou le souci de saisir « ce que la vie a d’immédiat ».
Dans l’intensité poétique, manifestant aussi une curiosité insatiable pour toutes les formes artistiques (il a écrit des essais sur Picasso, Balthus, Giacometti, Mondrian, Alechinsky), Yves Bonnefoy a construit une œuvre ouverte, à multiples entrées, dans laquelle l’expression est toujours approfondie par une exigence de pensée. Le poète se méfiait cependant du concept qui, pensait-il, nous écarte de l’essentiel : voulant à tout prix identifier nos expériences, il les limite, et nous prive, de surcroît, de la présence du monde. « La tâche du poète est de montrer un arbre, avant que notre intellect nous dise que c’est arbre », écrivait-il.












"J'ai souvent éprouvé un sentiment d'inquitude , 
à des carrefours"







"Écrire comme d'autres ont déssiné"


lundi 4 juillet 2016

Renata Gallina : ESSAI BREF "L’image de soi dans les Mémoires : À travers ses mémoires, l’écrivain / le narrateur veut présenter au lecteur sa véritable personnalité.








Qu’est-ce que c’est que vraiment une autobiographie ?
Et pourquoi les hommes ont besoin de raconter leur vie et partager leurs mémoires ?

D’abord il faut « se mettre à nu », devant des potentiels lecteurs mais surtout devant soi-même, et il faut analyser sa vie pour découvrir lentement la personne qu’on est devenu grâce (ou à cause de) aux événements pendant son existence : donc l’action de « se peintre » est la même dans le cas d’une autobiographie et d’un autoportrait parce que le sujet se pose face à un miroir (imaginaire et intérieur dans le  premier cas) et il décrit ce qu’il voit en s’observant.
C’est-à-dire que Gumpp utilise simplement un art différent pour rejoindre les mêmes objectifs que ceux qui écrivent une autobiographie.
Mais quels sont donc ses objectifs ? Quelles sont ses motivations ?
Montaigne explicite qu’il écrit ses « Essais » sans « aucune fin », mais seulement pour la « commodité particulière » de ses parents et de ses amis, afin qu’ils « nourrissent la connaissance » de lui-même après sa mort.
Au contraire Rousseau écrit ses « Confessions » pour « montrer […] un homme dans toute la vérité de la nature », pas pour racheter son passé ou se justifier, mais pour démontrer que, peut-être, une enfance meilleure aurait pu le rendre une personne différente : dans ce projet il est soutenu par la fonction cathartique de l’écriture et par le désir un peu narcissique de parler de soi.
De la même façon Vittorio Alfieri retrouve l’origine du « scrivere di se stesso » dans le « molto amor di se stesso » : en effet on n’a pas envie de décrire quelqu’un qu’on déteste.
Selon Alfieri cet amour narcissique est un « dono […] che la natura in maggiore o minor dose concede agli uomini tutti, ed in soverchia dose agli scrittori » : l’écrivain italien confesse qu’il écrit sa « Vita scritta da esso » pour ses lecteurs qui « avranno qualche curiosità di sapere qual io mi fossi”.
Donc dans leur Mémoires on peut trouver Rousseau « tel que » il fut (il arrive à dire que, au moment du Jugement Dernier, il ira devant l’Être éternel avec ses « Confessions » à la main). Montaigne affirme clairement : « Je suis moi-même la matière de mon livre » et « C’est moi qui je peins », Alfieri déclare qu’il va « vendere la vita » de soi-même.
Toutefois l’Empereur Hadrien, qui dans le roman de Marguerite Yourcenar s’adresse à son « cher Marc », ne se décrit pas dans toute la vérité, mais il « épargne des détails désagréables » et réfléchit, désormais vieux, sur son corps qui « finira pour dévorer son maître » et sur sa dignité de chef d’État, difficile à préserver pendant la maladie.

L’homme peut en conclusion avoir beaucoup de raisons pour écrire ses mémoires.Par exemple pour combattre la peur de l’oubli et de la mort, parce qu’on connaît bien la fonction éternisante de l’écriture, qui rend immortels les auteurs et leurs personnages. Grâce à l’écriture on peut aussi mieux se découvrir et se connaître, et donc on peut utiliser l’autobiographie comme une sorte de psychanalyse.
Encore, écrire sur soi-même peut servir à se libérer des passions en les exprimant, c’est-à-dire à se défouler. De plus, quelquefois on veut raconter des expériences de vie, des voyages, des maladies, parce que notre exemple pourrait être utile à l'avenir pour d'autres gens.
À la fin, peut-être, le désir de « vider le sac » avec quelqu’un (qu'il soit réel ou imaginaire) est la raison la plus prépondérante qui pousse l’homme à se raconter.



Henri Tachan "Quand je serai vieux..."



Lorsque je serai vieux, au terme du voyage,
Mes yeux regarderont encore le paysage,
Et je serai, bien plus qu'avant, émerveillé,
Car j'aurai de nouveau mes grands yeux d'écolier...

Ah! Que vienne le temps de la pause-vieillesse,
Que je retrouve enfin un peu de ma jeunesse!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée!

Lorsque je serai vieux, je pardonnerai tout:
L'apathie des moutons et la hargne des loups,
Et je me moquerai de ces chagrins d'amour
Qui me venaient, jadis, tous les sept ou huit jours...

Ah! Que vienne le temps de la pause-vieillesse,
Que des drames d'antan je me désintéresse!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée!

Lorsque je serai vieux, je fixerai les pierres,
Je humerai le vent et la pluie et la terre,
Et je m'arrêterai pour saluer un arbre,
Le vernis d'une feuille ou les veines du marbre...

Ah! Que vienne le temps de la pause-vieillesse,
Que je contemple enfin ce que les autres laissent!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée!

Lorsque je serai vieux, ma mie, tu seras vieille,
Et nous n'aurons, tous deux, plus de nez ni d'oreilles
Pour entendre leurs bruits, ni de dents pour nous mordre:
Il sera mort enfin, le temps de nos désordres...

Ah oui! Vienne le temps de la pause-tendresse,
Ma mie, ce joli temps, de la prime vieillesse...
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner,
Où ton cœur contre moi viendra dodeliner!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée.