vendredi 29 juin 2018

Kendji Girac, Soprano : No Me Mirès Màs





Ravello Villa Cimbrone










No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Ne joue pas avec le danger
No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Y tu juegas con el peligro

Ça fait plus d’une semaine
Qu’il te décrit comme un poème
Il nous parle que de toi
Il vit sur un nuage
Depuis que tu vis dans ses bras
Il a retrouvé le sourire
Depuis que tu es son avenir
Tu es devenu sa joie
Mais tout a changé quand
J’ai compris qu’il parlait de toi
Mais qu’est-c’que j’ai fait au Bon Dieu?
Il n’y a eu qu’une seule nuit entre nous deux
Ne nous approchons plus du feu

No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Ne joue pas avec le danger
No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Y tu juegas con el peligro

Ça fait déjà plus d’une semaine
Et je n’ai plus trop de tes nouvelles
N'es-tu pas content pour moi?
Toi qui est mon ami
Je sens que tu t’éloignes de moi
À chaque fois que je suis avec elle
Vos regards ne sont plus les mêmes
Je deviens parano, toi mon ami
M’as-tu planté un couteau dans le dos?
Mais qu’est-c’que j’ai fait au Bon Dieu?
Y’a-t-il eu quelque chose entre eux?
Notre amitié a-t-elle pris feu?

No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Ne joue pas avec le danger
No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Y tu juegas con el peligro
Amigo, amigo, dis-moi que t’es réglo

Si je ne le suis pas, que Dieu me jette dans l’fuego
Alors dis-moi tout et soigne ma parano
Je l’ai aimé un soir avant que tu lui mettes l’anneau
Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit dans les yeux?
Parc’que je ne t’ai jamais vu aussi heureux
Tu es mon frère, plus aucune femme entre nous deux
Notre amitié m’est plus chère que ses beaux yeux
Mais qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?
Notre amitié a failli prendre feu
Plus aucune femme entre nous deux

No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Ne joue pas avec le danger
No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Y tu juegas con el peligro

No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Ne joue pas avec le danger
No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Y tu juegas con el peligro
Amigo, amigo
Amigo, amigo
Tu juegas con el peligro
Amigo, amigo
Amigo, amigo
Tu juegas con el peligro





lundi 25 juin 2018

Philippe Lançon : Le lambeau


"J'ai entendu sortir de la bouche de Chloé le mot qui allait désormais, en grande partie, me caractériser : le lambeau. On allait me faire un lambeau » (p.249)



« Lambeau, subst. masc.
1. Morceau d’étoffe, de papier, de matière souple, déchiré ou arraché, détaché du tout ou y attenant en partie.
2. Par analogie : morceau de chair ou de peau arrachée volontairement ou accidentellement. Lambeau sanglant ; lambeaux de chair et de sang. Juan, désespéré, le mordit à la joue, déchira un lambeau de chair qui découvrait sa mâchoire (Borel, Champavert, 1833, p. 55).
3. Chirurgie : segment de parties molles conservées lors de l’amputation d’un membre pour recouvrir les parties osseuses et obtenir une cicatrice souple. Il ne restait plus après l’amputation qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu’une épaulette à plat (Zola, Débâcle, 1892, p. 338). »

(Définition extraites du Trésor de la Langue Française)


Le Lambeau, époustouflant,  bouleversant,  roman de Philippe Lançon transforme les événements du 7 janvier 2015 en  récit autobiographique,  ce hoquet sanglant de l’histoire  et de ma propre vie (p.508),   tout en  dépassant la circonstance pour atteindre une  valeur universelle.
Le rôle de la lecture ou mieux de la relecture est au cœur du récit : Proust, tout particulièrement (la boîte à gâteaux, cette lampe magique qu’il m’était interdit de frotterKafta, Houellebecq, Genette, Sartre , Thomas Man, Céline
Lire, c‘est aussi vivre et faire revivre son  histoire,  ce qui lui pemet d’écrire :  en la décrivant … j’échappais à ma condition. Il m’avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état,  non seulement pour mettre à l’épreuve mon métier, mais aussi pour sentir ce que j’avais lu cent fois chez des auteurs sans toutefois le comprendre :  écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d’autre.

La poésie et la peinture aussi jouent un rôle majeur : Goya et ses Peintures noires, les poèmes de Gongora et les bouffons de Velasquez ces échantillons intenses et marginaux, intenses parce que marginaux de l’humanité,  Paul Valéry , Borges, Jules Laforgue, Isidore Ducasse, Fernando Pessoa ... 


Philippe Lançon en 2013

Philippe Lançon en 2013 © Getty / Bertrand Rindoff Petroff

On y retrouve  l'image du journaliste 

Dans le service, tout le monde semblait horrifié. Et j'étais la victime de ce qui horrifiat. Victime, moi? Un journaliste, peut être blessé ou tué en reportage, mais, victime,  il ne peut pas l'être. Un journaliste peut être une cible. Il n'est pas un sujet. Il n'est pas préservé de l'histoire qu'il couvre, mais il ne peut devenir le coeur de l'histoire elle-même. C'est une plante qui pousse dans l'angle mort de l'événement. Cette idée n'était pas un credo; c'était une sensation. Ce métier, m'avait-on appris, exigeait la discrétion. Comment être discret quand on est sous le regard de tous  sans rien contrôler de ce qu'on vit? (p.164)

que la mort de Tignous  éternise 

 Tignous est mort un stylo à la main comme un habitant de Pompéi saisi par la lave


La cathédrale de papier édifiée par Proust le suit de chambre en chambre car, outre le bonheur du texte, il y puise de quoi méditer sur le temps, l’élément qui irrigue tout son récit 
Le temps retrouvé de Philippe Lançon  Pierre Assouline




Le Lambeau est le récit de votre vie avant, pendant et surtout après l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, attentat au cours duquel vous avez été grièvement blessé. Vous écrivez à ce sujet, « tout était à la fois brumeux, précis et détaché ». Ce livre est-il une façon de dissiper cette brume ?
Il ne dissipe aucune brume. Il explore cette brume et il le fait avec les moyens du bord : dans mon cas, et depuis le début, écrire. C’est un acte de construction littéraire, qui s’accomplit parallèlement à la reconstruction chirurgicale.
Entretien Gallimard




Je suis toujours agacé par les écrivains qui disent écrire chaque phrase comme si c’était la dernière de leur vie. C’est accorder trop d’importance à l’œuvre, ou trop peu à la vie. Ce que j’ignorais, c’est que l’attentat allait me faire vivre chaque minute comme si c’était la dernière ligne : oublier le moins possible devient essentiel quand on devient brutalement étranger à ce qu’on a vécu, quand on se sent fuir de partout. J’en suis donc venu à penser à peu près la même chose que ceux qui m’agaçaient, même si c’est pour des raisons et dans des circonstances différentes : il faudrait noter les plus petits détails de ce qu’on vit, la moindre des choses moindres, comme si on allait mourir dans la minute qui suit ou changer de planète – la suivante n’étant pas plus hospitalière que celle qu’on a quittée. Ce serait utile pour le voyage, et comme un souvenir pour les survivants ; plus utile encore pour les revenants, ceux qui, n’étant pas plus morts que les autres, sont allés suffisamment loin ailleurs pour n’être plus tout à fait de retour ici, dans le monde où chacun continue de vaquer à ses occupations comme si la répétition des jours et des gestes avait un sens linéaire, établi, comme si ce théâtre était une mission. Les revenants liraient leurs notes, regarderaient vivre les autres, frotteraient leurs souvenirs et leurs vies. Ils compareraient le tout dans l’étincelle produite et, en s’y réchauffant, ils se rappelleraient peut-être qu’un jour ils ont vécu. (p.27)




Le Lambeau est un texte sur le temps… Le temps est le lieu plein d’un livre qui entreprend son récit, le « temps suspendu », « ni le passé, ni le présent, ni le temps retrouvé, ni le temps interrompu », ce temps sans nom, dans l’expérience pure, absolue et obscure, à la fois chronologique et circulaire, l’expérience paradoxale de l’absurde et d’une libération.
A la recherche du « temps interrompu » diacritik


Philippe Lançon, en 2012.





Qu’est-ce qui permet de tenir quand on a vu la mort de si près ? Quand on a aperçu la cervelle s’écouler du crâne d’un collègue et ami ? Quand on est défiguré et perclus de douleurs ? C’est là que le témoignage de Lançon a valeur universelle : on n’est plus le même mais on peut reprendre goût à la vie.
«Charlie» : Lançon, penser les plaies liberation




La tuerie : le plan court d’un film de deux minutes. Son prolongement pour Philippe Lançon ? Les longs plans séquences de ses séjours à l’hôpital. Deux ans pour lui reconstruire le visage, lui réapprendre à parler et à se nourrir !... Pour supporter son devenir-monstre avant son retour à l’humain : les lectures et la musique, Proust, Kafka, Bach … Qui a jusqu’alors échappé aux longs séjours en hôpital découvrira, notamment dans le récit que fait Lançon de ses longs mois passés dans l’hôpital des Invalides, un monde en marge de notre monde, un monde secret de souffrances physiques, de misère morale, dont il n’a pas idée.




C'est un livre d'une grande beauté esthétique. Très vite, on en vient à la scène fondatrice, inévitable, de la fusillade. C'est horrible à lire, mais il y a cette Danse de Matisse qui vient presque à sa rescousse et qui rend les choses lisibles. Après, quand il est aux Invalides, il y a Degas, Watteau... C'est esthétique mais ce n'est jamais esthétisant. Il cogne sans arrêt dans un réel absolument épouvantable. 
Patricia Martin    franceinter




Le livre de Philippe Lançon est une offrande, déposée au pied de tous ceux qui ont été touchés par les attentats et l'indicible violence, par la perte de ces figures qui les ont accompagnés comme des tontons, des frères, des amis, depuis l'enfance : l'indémodable bouille et les dessins grinçants de Cabu, les dessins de Wolinski que l'on regardait en cachette quand on était enfant, les unes de Charb, la voix de Bernard Maris sur France Inter le vendredi matin... écrit dans une langue magnifique, tendue comme une peau de percussion au début du livre, puis se relâchant au fil du récit, à mesure que l'étau se desserre, que se banalisent les événements, que la vie revient

vendredi 22 juin 2018

Maître GIMS - La Même - En duo avec Vianney





Castagnola Vigne et  genêts  à Costa Piana






Mes amis entendez la vie que j'ai eu
Où les gens m'attendaient, je n'suis pas venu
Si je les emmêle, si je dérange
C'est qu'je suis un pêle-mêle, un mélange
J'suis trop compliqué, je n'choisirai jamais
Que les deux côtés, ne me demandez
Pas où je veux aller, même les singes singent les sages
Et tous ces sages ont fait des cases où tous nous ranger

[Maître Gims & Vianney]
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même





[Vianney]
On prend des boîtes, on y range les gens qu'au fond jamais, jamais l'on ne comprend
Comme l'Homme est fait de mille boîtes, ces boîtes que l'on prend ne sont jamais assez grandes
J'ai suivi mille chemins et serré dix mille mains
On peut aimer Brel et Megui, aimer même nos ennemis

[Maître Gims]
J'suis trop compliqué, je ne rentrerai jamais
Dans vos petites cases, je vis au jour le jour
Alors je zigzague toujours avec ces lunettes noires

J'entends les gens se demander : "Quand est-ce que tombe le masque ?"

[Maître Gims & Vianney]
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même





[Vianney & Maître Gims]
T'es entré dans ma vie, ô ma liberté chérie
La vie, c'est des envies, l'envie avant les avis
T'es entré dans ma vie, ô ma liberté chérie
La vie, c'est des envies, l'envie avant les avis
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même

[Maître Gims & Vianney]
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même
Eh, eh, aye, aye
Aye, aye, aye
Si je vous gêne, bah c'est la même
Si je vous gêne, bah c'est la même





mercredi 20 juin 2018

Pau Valéry "Palme" - Charmes (1926)

La lecture de Philippe Lançon Le lambeau, hospitalisé suite aux blessures du 7 janvier 2015  ( Comment se reconstruire, dans sa chair et dans sa tête, lorsqu’on a survécu au bouleversement intime que représente un attentat ?) me renvoit à ce beau poème méditerranéen de Paul Valéry, 





À Yeannie

De sa grâce redoutable
Voilant à peine l’éclat,
Un ange met sur ma table
Le pain tendre, le lait plat;
Il me fait de la paupière
Le signe d’une prière
Qui parle à ma vision:
-Calme, calme, reste calme!
Connais le poids d’une palme
Portant sa profusion!

Pour autant qu’elle se plie
À l’abondance des biens,
Sa figure est accomplie,
Ses fruits lourds sont ses liens.
Admire comme elle vibre,
Et comme une lente fibre
Qui divise le moment,
Départage sans mystère
L’attirance de la terre
Et le poids du firmament!

Ce bel arbitre mobile
Entre l’ombre et le soleil,
Simule d’une sibylle
La sagesse et le sommeil.
Autour d’une même place
L’ample palme ne se lasse
Des appels ni des adieux…
Qu’elle est noble, qu’elle est tendre!
Qu’elle est digne de s’attendre
À la seule main des dieux!

L’or léger qu’elle murmure
Sonne au simple doigt de l’air,
Et d’une soyeuse armure
Charge l’âme du désert.
Une voix impérissable
Qu’elle rend au vent de sable
Qui l’arrose de ses grains,
À soi-même sert d’oracle,
Et se flatte du miracle
Que se chantent les chagrins.

Cependant qu’elle s’ignore
Entre le sable et le ciel,
Chaque jour qui luit encore
Lui compose un peu de miel.
Sa douceur est mesurée
Par la divine durée
Qui ne compte pas les jours,
Mais bien qui les dissimule
Dans un suc où s’accumule
Tout l’arôme des amours.

Parfois si l’on désespère,
Si l’adorable rigueur
Malgré tes larmes n’opère
Que sous ombre de langueur,
N’accuse pas d’être avare
Une Sage qui prépare
Tant d’or et d’autorité:
Par la sève solennelle
Une espérance éternelle
Monte à la maturité!

Ces jours qui te semblent vides
Et perdus pour l’univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts.
La substance chevelue
Par les ténèbres élue
Ne peut s’arrêter jamais
Jusqu’aux entrailles du monde,
De poursuivre l’eau profonde
Que demandent les sommets.

Patience, patience,
Patience dans l’azur!
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr!
Viendra l’heureuse surprise:
Une colombe, la brise,
L’ébranlement le plus doux,
Une femme qui s’appuie,
Feront tomber cette pluie
Où l’on se jette à genoux!

Qu’un peuple à présent s’écroule,
Palme!… irrésistiblement!
Dans la poudre qu’il se roule
Sur les fruits du firmament!
Tu n’as pas perdu ces heures
Si légère tu demeures
Après ces beaux abandons;
Pareille à celui qui pense
Et dont l’âme se dépense
À s’accroître de ses dons!


Ce poème est une sorte de parabole qui dit le lent mûrissement de l’oeuvre d’art. Image à la fois méridionale, biblique et gréco-romaine, très caractéristique des «inspirations méditerranéennes» de Valéry, la palme, qui attend, dans l'azur, avec une patience inlassable, la chute de ses fruits enfin parvenus à leur maturité, nous dit à quel prix se conquiert la perfection du chef-d'œuvre : labeur persévérant, lente maturation, attente calme et confiante des circonstances favorables. La palme, récompense du triomphateur, représente aussi l'espérance de l'artiste au moment où il met le point final au recueil de “Charmes”. Ces vers terminent en effet l'ouvrage : dédiés «à Yeannie» (Mme Paul Valéry), ils constituent l'hommage du poète à l'épouse qui a su favoriser sa création littéraire, en même temps qu'ils rappellent, comme une ultime profession de foi, la poétique de Valéry.
L’heptasyllabe confère au poème sa fluidité impaire.


André Durand, Le comptoir littéraire




mardi 12 juin 2018

Antoine Pol : Les passantes - De Georges Brassens à Fabrizio De André



Antoine Pol.



Encore une fois tout revient à Baudelaire 

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !





Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu’on connaît à peine
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais

A celle qu’on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main

A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n’est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal

A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d’un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant

A ces timides amoureuses
Qui restèrent silencieuses
Et portent encor votre deuil
A celles qui s’en sont allées
Loin de vous, tristes esseulées
Victimes d’un stupide orgueil.

Chères images aperçues
Espérances d’un jour déçues
Vous serez dans l’oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l’on a manqué sa vie
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre
Aux coeurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu’on n’a jamais revus

Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir.

 Extrait Des Emotions poétiques