dimanche 24 mars 2019

Louis Aragon : La Rose et le Réséda












La Rose et le réséda


Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
Tous deux adoraient la belle 
Prisonnière des soldats 
Lequel montait à l'échelle               5
Et lequel guettait en bas 

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
Qu'importe comment s'appelle 
Cette clarté sur leur pas                 10
Que l'un fut de la chapelle 
Et l'autre s'y dérobât 

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
Tous les deux étaient fidèles          15
Des lèvres du coeur des bras 
Et tous les deux disaient qu'elle 
Vive et qui vivra verra 

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas                 20
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat 
Fou qui songe à ses querelles 
Au coeur du commun combat         25

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
Du haut de la citadelle 
La sentinelle tira 
Par deux fois et l'un chancelle        30
L'autre tombe qui mourra 

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
Ils sont en prison Lequel 
A le plus triste  grabat                    35
Lequel plus que l'autre gèle 
Lequel préfère les rats

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
Un rebelle est un rebelle                40
Deux sanglots font un seul glas 
Et quand vient l'aube cruelle 
Passent de vie à trépas 

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas                45
Répétant le nom de celle 
Qu'aucun des deux ne trompa 
Et leur sang rouge ruisselle 
Même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel                50
Celui qui n'y croyait pas 
Il coule il coule il se mêle 
À la terre qu'il aima 
Pour qu'à la saison nouvelle 
Mûrisse un raisin muscat             55

Celui qui croyait au ciel 
Celui qui n'y croyait pas 
L'un court et l'autre a des ailes 
De Bretagne ou du Jura 
Et framboise ou mirabelle           60
Le grillon rechantera 

Dites flûte ou violoncelle 
Le double amour qui brûla 
L'alouette et l'hirondelle 
La rose et le réséda                     65


Deux vers qui reviennent sans cesse comme un refrain (« Celui qui croyait au ciel / Celui qui n'y croyait pas »), une histoire de « belle / Prisonnière » qu'il faut libérer, des mots qui sonnent comme des comptines, proverbes ou extraits de contes populaires... ce poème paraît bien léger.
Pourtant il célèbre le courage des hommes qui réussirent à dépasser leurs petites convictions personnelles de religion et de politique afin d'oeuvrer ensemble pour une noble cause : la libération de la France pendant l'Occupation durant la seconde guerre mondiale. Communistes et catholiques se retrouvèrent en effet pour combattre, pour souffrir et pour mourir ensemble dans l'espoir de jours meilleurs. Louis Aragon leur rend ici un hommage dans ce poème écrit en 1943 alors que lui-même était communiste et clandestin.
Ainsi la « rose », c'est le rouge qui symbolise le communiste anticlérical, celui qui ne croit pas au ciel, c'est-à-dire à Dieu. Le « réséda » est au contraire la couleur blanche qui représente la noblesse.
Ce poème fut publié une première fois en 1943 puis de nouveau en 1944, cette fois avec la dédicace suivante : « A Gabriel Péri et d'Estienne d'Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru ». Quatre hommes. Deux communistes et deux catholiques. Tous des résistants, tous morts fusillés par les Allemands.

Appel au rassemblement pour la liberté, hommage aux résistants emprisonnés et tombés pour la France, ce poème très célèbre est porteur aussi d'espoir : celui de retrouver un jour la joie dans les foyers.






Rosiers : Identifier, résoudre les problèmes









dimanche 17 mars 2019

Commentaire dirigé : Michel Houellebecq : La Carte et le Territoire, 2010.






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Liceo classico Cairoli Varese
SEZIONE ESABAC
BAC BLANC
Prova di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE
                                   
Svolga il candidato una delle seguenti prove a scelta tra:
a)    analisi di un testo
b)   saggio breve

a)Analisi di un testo
Dopo avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione personale sul tema proposto.

Michel Houellebecq se met en scène dans son roman. Il reçoit la visite d’un peintre célèbre, Jed Martin. L’écrivain et le peintre dialoguent entre deux verres de vin.

Houellebecq hocha la tête, écartant les bras comme s’il entrait dans une transe tantrique1 – il était, plus probablement, ivre, et tentait d’assurer son équilibre sur le tabouret de cuisine où il s’était accroupi. Lorsqu’il reprit la parole, sa voix était douce, profonde, emplie d’une émotion naïve. « Dans ma vie de consommateur, dit-il, j’aurai connu trois produits parfaits : les chaussures Paraboot Marche, le combiné ordinateur portable – imprimante Canon Libris, la parka Camel Legend. Ces produits je les ai aimés, passionnément, j’aurais passé ma vie en leur présence, rachetant régulièrement à mesure de l’usure naturelle, des produits identiques. Une relation parfaite et fidèle s’était établie, faisant de moi un consommateur heureux. Je n’étais pas absolument heureux, à tous points de vue, dans la vie, mais au moins j’avais cela : je pouvais, à intervalles réguliers, racheter une paire de mes chaussures préférées. C’est peu mais c’est beaucoup, surtout quand on a une vie intime assez pauvre. Eh bien cette joie, cette joie simple, ne m’a pas été laissée. Mes produits favoris, au bout de quelques années, ont disparu des rayonnages, leur fabrication a purement et simplement été stoppée – et dans le cas de ma pauvre parka Camel Legend, sans doute la plus belle parka jamais fabriquée, elle n’aura vécu qu’une seule saison… ». Il se mit à pleurer, lentement, à grosses gouttes, se resservit un verre de vin. « C’est brutal, vous savez, c’est terriblement brutal. Alors que les espèces animales les plus insignifiantes mettent des milliers, parfois des millions d’années à disparaître, les produits manufacturés sont rayés de la surface du globe en quelques jours, il ne leur est jamais accordé de seconde chance, ils ne peuvent que subir, impuissants, le diktat2irresponsable et fasciste des responsables des lignes de produit qui savent naturellement mieux que tout autre ce que veut le consommateur, qui prétendent capter une attente de nouveauté chez le consommateur, qui ne font en réalité que transformer sa vie en une quête épuisante et désespérée, une errance sans fin entre des linéaires3 éternellement modifiés ».

1)État second qui se traduit par une altération de la conscience et une agitation du corps. 2)Chose imposée. 3)Rayons d’un magasin.

Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, 2010.

COMPREHENSION



2) Quelle est la tonalité de cette évocation de l’écrivain ?


1)Les images commerciales sont très présentes dans cet extrait ; pourquoi selon vous ?



3) De quoi le personnage Houellebecq a-t-il nostalgie ?

REFLEXION PERSONNELLE

Un peu plus loin dans ce même roman, Michel Houellebecq écrit  « Nous aussi nous sommes des produits » .

Développez ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres que vous avez lues.  (600 mots environ).