mardi 28 octobre 2014

Etudier la forme du poème (versification) - La ballade ... suivie de La montagne une ballade moderne de Jean Ferrat









Christine de Pisan

La ballade




Christine de Pisan (1363-1431)




Seulete suy et seulete veuil estre,
Seulete m'a mon doulz ami laissiée ;
Seulete suy, sanz compaignon ne maistre,
Seulete suy, dolente et courrouciée,
Seulete suy en languour mésaisée,
Seulete suy plus que nulle esgarée,
Seulete suy sanz ami demourée.

Seulete suy à huis ou à fenestre,
Seulete suy en un anglet muciée,
Seulete suy pour moi de plours repaistre,
Seulete suy, dolente ou apaisiée,
Seulete suy, riens n'est qui tant messiée,
Seulete suy en ma chambre enserrée,
Seulete suy sanz ami demourée.

Seulete suy partout et en tout estre,
Seulete suy, ou je voise ou je siée,
Seulete suy, plus qu'autre riens terrestre,
Seulete suy de chascun délaissiée,
Seulete suy durement abaissiée,
Seulete suy souvent toute éplourée,
Seulete suy sans ami demourée.

Princes, or est ma doulour commenciée :
Seulete suy de tout deuil menaciée,
Seulete suy plus teinte que morée,
Seulete suy sanz ami demourée.





ETUDIER LA FORME DU POÈME (VERSIFICATION)

1.       LA STROPHE est un ensemble de vers, séparé du reste du poème par deux blancs typographiques. La strophe en poésie équivaut au paragraphe dans un texte en prose, au couplet dans une chanson.

C-Je sais définir et employer : tercet - quatrain – quintil - sizain

2.       LE VERS est une ligne de poésie ; le METRE indique le nombre de syllabes.
Attention ! le « e » muet ne compte pas devant une voyelle ou en fin de vers.

C-Je sais définir et employer : octosyllabe – décasyllabe - alexandrin
C-Je sais compter les syllabes d’un vers et traiter le cas du « e » muet

3.       LA RIME est la répétition d’un même son en fin de vers. On distingue :
a)       La qualité : pauvre/suffisante/riche, selon le nombre de sons qui font la rime.
b)       La disposition : rimes suivies / rimes croisées / rimes embrassées

4.       LE SONNET est un poème à forme fixe qui respecte les contraintes suivantes :
-          2 quatrains aux rimes embrassées (ABBA, ABBA),
-          2 tercets aux rimes suivies puis croisées (CCDEDE) ou suivies puis embrassées (CCDEED)

C-Je sais reconnaître un sonnet en justifiant ma réponse

5.       LE RYTHME résulte de la longueur des mots et de leur disposition dans un vers.
a)      Dans la poésie classique, l’alexandrin doit être composé en 6/6 => on appelle césurel’accent qui sépare les deux hémistiches (=« moitiés ») de l’alexandrin. Cela crée un rythme binaire.

b)      Il arrive que la phrase ne coïncide par avec le vers : l’enjambement désigne le fait que la phrase se poursuive sur deux vers ; le rejet désigne le groupe de mots mis en évidence au début du vers suivant, après l’enjambement.
è L’intérêt est de commenter l’effet de rythme par rapport au sens.

6.      LES EFFETS SONORES
a)       Une ALLITERATION consiste en la répétition au sein d’un vers d’un même sonconsonantique.
b)       Une ASSONANCE consiste en la répétition au sein d’un vers d’un même son vocalique.

C-Je suis attentif(ve) aux sonorités du poème pour identifier allitérations et assonances et lesinterpréter = les relier au sens du vers, du poème

C- strophe, vers, mètre, rimes (croisée, embrassées, suivies)/ sonnet / effets sonores : allitération et assonance / enjambement et rejet ; enjambement et rejet=>je sais définir ces mots et employer ces notions pour étudier un poème.


Les principales strophes
Nom du vers
Nombres de vers
Le distique
2 vers
Le tercet
3 vers
Le quatrain
4 vers
Le quintil
5 vers
Le sizain
6 vers
Le septain
7 vers
Le huitain
8 vers
Le dizain
10 vers








 Une ballade moderne de Jean Ferrat : La montagne







Ils quittent un à un le pays

Pour s’en aller gagner leur vie

Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné
Les vieux ça n’était pas original
Quand ils s’essuyaient machinal
D’un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver?

Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu’au sommet de la colline
Qu’importent les jours les années
Ils avaient tous l’âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne
Les vignes elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C’était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S’il ne vous tournait pas la tête

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver?

Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l’autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n’y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie
Leur vie ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s’en faire
Que l’heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l’on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver?



La ballade des pendus, François de Montcorbier dit Villon (1431-1463)






Ce poème est lu le plus souvent comme un poème autobiographique. 
Villon a eu des démêlés avec la justice et a été une fois condamné à mort, 
il a été gracié. Peu  après cette affaire où il échappe à sa pendaison, 
on perd sa trace. Pendant longtemps, on  a voulu croire que Villon a composé
 ce texte dans sa prison dans  l’attente de sa pendaison... 
Le  titre : dans certains manuscrits, il est appelé « L’épitaphe Villon » 
et dans d'autres « La Ballade des pendus ».
Dans ce poème, on donne la parole à des pendus fictifs, des suppliciés,
qui revendiquent le lien fondamental qui les unit à tous les êtres humains ...




La Ballade des pendus   
  
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre





  




Commentaire:




 Et un tout petit poème

pour tous mes élèves

 ...

«Hé! Dieu, se j'eusse estudié,
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et a bonnes meurs dedié,
J'eusse maison et couche molle,
Mais quoi? Je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant.
En escripvant cette parolle,
A peu que le cuer ne me fent.»
 François Villon, Le Testament.






Miossec "A l'attaque"




Voilà   une chanson  ....




pour  l'ESABAC



"A l'attaque"




Je t'ai dans la peau
Je t'ai dans mon âme
Comme un souffle le soir
La braise sous les flammes
Je t'ai dans la peau
Comme un homme sur terre
Croit que c'est pour bientôt
La toute fin de l'univers

A l'attaque (x3)
Même en vrille
Même en vrac
A l'attaque (x3)
Même en vrille
Même en vrac 


Je t'ai dans la peau
Comme on est pris de fièvre
Et trempé jusqu'au os
On réclame tes lèvres
Je t'ai dans le sang
Je t'ai dans ma chair
Je t'ai de toute façon
C'est la seule chose qui est clair

A l'attaque (x3)
Même en vrille
Même en vrac
A l'attaque (x3)
Même en vrille
Même en vrac

Il y a une vie avant
Y a-t-il une vie après ?
Moi c'est la vie pendant
Que je veux me taper
J'y tiens tellement
Je n'aurais jamais pensé
Y planter mes dents
Jusqu'à en saigner

Touché mais pas coulé (x6)








Le Cid de Corneille par Hélène Carrère d’Encausse de l'Académie Française (Canal Académie)






Chers élèves de II D ESABAC,
je vous invite à la lecture de cet extrait concernant Le Cid  de Corneille.
En suivant le lien, vous pourrez écouter et  vérifier vos compétences à l'oral, approfondir vos connaissances sur le héros cornélien, préparer d'ores et déjà nos cours à venir! ... Quel bonheur!









Pirre Corneille par Hélène Carrère d’Encausse, historien et Secrétaire perpétuel de l’Académie française depuis le 21 octobre 1999
Élue en 1990 au fauteuil 14 précédemment occupé par Jean Mistler, Hélène Carrère d’Encausse est historien et Secrétaire perpétuel de l’Académie française depuis le 21 octobre 1999.
Elle a reçu le prix Aujourd’hui pour L’Empire éclaté en 1978, le prix Louise Weiss en 1987, le prix Comenius en 1992 pour l’ensemble de son œuvre et le prix des Ambassadeurs en 1997, pour Nicolas II.
Elle est membre associé de l’Académie royale de Belgique.




En 1636 la paix s’effrite. Les croquants soulèvent le Périgord. Et les Habsbourg prétendent dominer l’Europe. Les partis se mobilisent alors pour ou contre les choix politiques de Richelieu. Parti espagnol rassemblé autour de la reine, fille d’Espagne ; parti d’opposition à l’Espagne. Les grands se dressent contre Richelieu, qui veut renforcer l’État. C’est dans cette atmosphère plus tendue que l’on joue Le Ciden janvier 1637. Le triomphe de la pièce fut immédiat. Tant de spectateurs s’y pressaient qu’il fallut, contre tous les usages, les placer dans tous les recoins du théâtre et même sur la scène.
Nul besoin de raconter Le Cid, mais il faut dire comment il fut entendu par les spectateurs de ce temps.
Le Cid est d’abord le choc de deux temps historiques et de deux générations. Le couple Chimène-Rodrigue incarne la jeunesse de l’époque de Louis XIII. En face de ce couple élu se dressent les guerriers du temps d’Henri IV qui, au nom des services rendus, prétendent imposer leur autorité à leurs enfants, mais aussi au roi.
Conflit du père et du fils : don Diègue exige de Rodrigue qu’il fasse sienne sa querelle et remplisse un devoir barbare : « meurs ou tue », l’injonction est inacceptable à une génération qui a connu la paix.
Le Cid montre aussi l’arrogance des grands à l’égard du roi. À don Arias qui lui oppose le pouvoir du souverain, le comte crie son dédain « d’un sceptre qui sans moi tomberait de ses mains ». Et il ajoute : « Désobéir un peu n’est pas un si grand crime. » En tuant le père de Chimène, c’est le roi que Rodrigue débarrasse en dernier ressort d’un grand bien encombrant.
Et l’on comprend que le roi mette peu d’empressement à satisfaire l’appel à la justice de Chimène, elle-même déchirée entre ce que lui commande la décence et son amour pour Rodrigue. Le roi et Chimène se jouent ainsi à l’intérieur de la pièce une comédie des apparences. Dans leur dialogue tout sonne faux, la rigueur du roi et les cris de Chimène.
Le Cid pose aussi la question espagnole qui vient de ressurgir ; les Espagnols ont menacé Paris. Le récit par Rodrigue de sa victoire sur les Maures ne fait-il pas écho aux récits de la reprise de Corbie ? Et les spectateurs de s’interroger. Cette pièce serait-elle à la gloire de l’Espagne dont elle présente une image éblouissante ? Ou des vainqueurs de Corbie ? Le théâtre français a toujours été séduit par l’Espagne, une Espagne joyeuse, ponctuée de chants d’amour et de combats, royaume de la jeunesse et d’une certaine folie. On retrouvera cette fascination chez Victor Hugo et chez Paul Claudel.

Lexique
Arrogance (f) : insolence (f), mépris (m), dédain (m).
Corbie : ville de Picardie, au nord de Paris. Siège d’une bataille entre les Espagnols et les Français en 1636.
Dédain (m) : insolence (f), mépris (m), arrogance (f).
Faire sien : adopter.
Fascination (f) : attirance (f).
Habsbourg : famille royale d’Autriche.
Les Croquants : paysans du sud-ouest de la France qui se sont révoltés contre l’augmentation des impôts et de la misère.
Périgord (m) : région du sud-ouest de la France.
Rigueur (f) : sévérité (f).
S’effriter : ici, être menacé.
Sceptre (m) : bâton de commandement, symbole de la royauté.