dimanche 28 décembre 2014

A la Vie - Jehan Jonas




Une vie ...




Le sein qui s'agenouille
Au milieu des badauds
La bouche qui se grouille
À le vider illico
Le sourire en photo
Tout nu sur le sofa
Et puis les premiers mots
Dont on ne se souvient pas
C'est la vie qui commence {x2}

Le crayon qui s'anime
Pour écrire des pensées
Le prof qui fait de la frime
En pensant à l'été
Le banc qui mène au large
Les premières illusions
Le zéro dans la marge
Pour la bonne tradition
C'est la vie qui se déroule {x2}

Le ruban qu'on dénoue
Les cheveux qui se délacent
Et la photo qu'on cloue
Sur les murs de la classe
Le baiser sous les nuages
À faire danser la ville
L'amour qui déménage
Et part d'un pas tranquille
C'est la vie qui s'enroule {x2}

Le premier lit qu'on traîne
Derrière soi, toute sa vie
Et les autres qu'on enchaîne
Aux galères de l'ennui
Ce qu'on y a trouvé
Et c' qu'on y a perdu
Une vertu qu'a lâché
Et l'autre qu'a rien vu
C'est la vie qui s'en lasse {x2}

Les premiers pas des gosses
Qu'on suivra jusqu'au bout
Si le temps qui nous désosse
Nous garde les yeux debout
La femme qu'on a comme ça
Puisqu'il en faut bien une
Et la maîtresse qu'on noie
Toutes les nuits sous la lune
C'est la vie qui s'efface {x2}

La lampe qu'on trimballe
À la dernière veillée
Comme une carte postale
Qu'on n'ose pas envoyer
La peau qui se fait toute blanche
Et les fleurs qu'on écoute
Frapper aux quatre planches
Sur le bord de la route
C'est la vie qui s'achève {x2}










Le pain de Francis Ponge ... et le baccalau d' Anna Mercês Sota






Chaque fois que je relis ce  beau poème de Ponge …je me souviens d’une émission à la radio de 196…« Alto Gradimento »  qui proposait cette savoureusesensation  d’ivresse  gustative  dans une sarabandelinguistique de Marcus Marenco (je crois…)

À  chacun  de jouir de la poésie selon ses  goûts …


Io,  per me,


je préfère en jouir comme d’une cuillerée 
de baccalau de Anna Sota  
 dans  son magnifique  bouquin



SAPORI PORTOGHESI MESE PER MESE



Le pain.

" La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation. "

Francis Ponge in  Le Parti-pris des choses,
 1942,  Ed Gallimard p 39.




Commentaires

  







Le Parti pris des choses est un recueil de poèmes en prose écrit parFrancis Ponge et paru en 1942. Dans Le Parti pris des chosesPongedécrit des « choses », des éléments du quotidien, délibérément choisis pour leur apparente banalité. L'objectif de ce recueil est de rendre compte des objets de la manière la plus précise possible en exprimant les qualités physiques et linguistiques du mot. Plus simplement il veut rendre compte de la beauté des objets du quotidien.