dimanche 29 novembre 2015

Le Rouge et le Noir (1830) Stendhal







Stendhal a publié Le Rouge et le Noir en 1830. Il a alors quarante sept 
ans. Le Rouge et le Noir est son second roman. Il avait publié Armance
en 1827. L'intrigue de ce roman a été inspirée à Stendhal par un fait 
divers dont le dénouement eut pour cadre les assises de l'Isère, 
son département d'origine. En 1827, Berthet, fils d'un artisan et 
jeune séminariste a été jugé et condamné à mort pour avoir assassiné
 en pleine messe son ancienne maîtresse , l'épouse d'un notable qui 
l'avait engagé comme précepteur de ses enfants.



Littérature  audio.com




Ce questionnaire de lecture est un cadeau de je ne sais plus quel
collègue, que je remercie, j'ajoute le corrigé que plusieurs lecteurs
de mon blog m'ont demandé.
  

1. Classez ces extraits dans l’ordre chronologique (6 pts)

A. Julien ne la reconnaissait plus aussi bien ; il tira sur elle un coup de pistolet et la manqua ; il tira un second coup, elle tomba.
B. Le duel fut fini en un instant : Julien eut une balle dans le bras.
C. Ah ! s’écria M. de Rênal […], la lettre anonyme imprimée et les lettres du Valenod sont écrites sur le même papier.
D. Il alla prendre l’immense échelle, attendit cinq minutes, pour laisser le temps à un contrordre, et à une heure cinq minutes posa l’échelle contre la fenêtre de Mathilde.
E. Mme de Rênal fut fidèle à sa promesse. Elle ne chercha en aucune manière à attenter à sa vie ; mais, trois jours après Julien, elle mourut en embrassant ses enfants.
F. Norbert, je te demande tes bontés pour M. Julien Sorel que je viens de prendre  à mon état-major, et dont je prétends faire un homme, si cella se peut.
G. Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de Mme de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée […].
H. Elle se trouva enceinte et l’apprit avec joie à Julien.
I. Il expliqua qu’il désirait parler à M. Pirard, le directeur du séminaire.
J. « Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d’autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. »
K. Enfin, comme le dernier coup de dix heures retentissait encore, il étendit la main et prit celle de Mme de Rênal, qui la retira aussitôt. Julien, sans trop savoir ce qu’il faisait, la saisit de nouveau.

Réponses :

LES EXTRAITS CORRESPONDENT A DES MOMENTS-CLE DE L’HISTOIRE :
1. G – K – C – I – F – B – D – H – A – J – E.


2. Dans quels principaux endroits et à quelle époque se déroule l’action du livre ? (2 pts)


3. Quel est le nom du curé de Verrières au début de l’œuvre ? (1pt)


4. De qui Julien a-t-il un portrait caché dans la paillasse de son lit chez les de Rênal ? Pourquoi ? (2 pts)


5. Pourquoi peut-on parler d’ambiguïté des sentiments de Julien envers Mme de Rênal ? (2 pts)


6. Qui est Valenod ? Quelle est son évolution dans le roman ? En quoi a-t-il un rôle important dans la fin du roman ? (2 pts)


7. Quelle mission, à destination de l’Angleterre,  le marquis de la Mole confie-t-il à Julien ? (1 pt)


8. Quelle est l’issue du procès ? Etait- elle prévisible ? (2 pts)


9. Que fait Mathilde dans les toutes dernières pages du roman ? (2 pts)


Réponses :


2. Verrières, Besançon, Paris ; 1823-1827 environ.

3. Le curé Chélan.

4. Napoléon. Julien rêve de gloire et de conquêtes napoléoniennes. (Partie I, chapitre XVII : Ah ! s’écria-t-il que Napoléon était bien l’homme envoyé de Dieu pour les jeunes Français !)

5. Le désir réel et la conscience de classe régissent les rapports entre Julien et Mme de Rênal. Chapitre IX : Il avait fait son devoir, et un devoir héroïque. Voir aussi sa remarque : - Voilà bien les gens riches !
Julien est en proie à un sentiment d’infériorité.
Il aime Mme de Rênal parce qu’elle lui est socialement supérieure, et pourtant c’est cette différence de classe sociale qui empêche son amour d’être complet.
Son amour peut aussi être considéré comme étant motivé par son ambition ou son amour-propre.

6. Chapitre III : M. de Valenod, le riche directeur du dépôt.
Chapitre XLI : Le baron de Valenod est maire de Verrières et M. de Frilair veut le faire préfet.
Il fait partie des jurés au procès de Julien et n’est sans doute pas étranger à sa condamnation.

7. Chapitre XXI : Pourriez- vous apprendre par cœur quatre pages et aller les réciter à Londres ?

8. Julien est reconnu coupable et condamné à mort. Cette issue n’était pas attendue. Voir chapitre XLI : Je réponds de la déclaration du jury, lui dit M. de Frilair […]. Julien devait être acquitté. C’est sans doute son discours adressé aux jurés lors de son jugement et la haine de Valenod qui lui valent sa condamnation.

9. Chapitre dernier : Elle avait placé sur une petite table de marbre, devant elle, la tête de Julien, et la baisait au front…
Elle voulut ensevelir de ses propres mains la tête de son amant.










vendredi 27 novembre 2015

Cendrillon ou La petite pantoufle de verre par Charles Perrault (1697)



Noël approche à grand pas !

Il faut se préparer 

avec de beaux contes de fées

En voilà un inoubliable !!!







Il était une fois un Gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière qu’on eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le Mari avait de son côté une jeune fille, mais d’une douceur et d’une bonté sans exemple ; elle tenait cela de sa Mère, qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plus tôt faites, que la Belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur ; elle ne put souffrir les bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la Maison : c’était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de Madame, et celles de Mesdemoiselles ses filles ; elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquetées, où elles avaient des lits des plus à la mode, et des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu’à la tête. La pauvre fille souffrait tout avec patience, et n’osait s’en plaindre à son père qui l’aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu’elle avait fait son ouvrage, elle s’allait mettre au coin de la cheminée, et s’asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu’on l’appelait communément dans le logis Culcendron. La cadette, qui n’était pas si malhonnête que son aînée, l’appelait Cendrillon ; cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d’être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtues très magnifiquement. Il arriva que le Fils du Roi donna un bal, et qu’il en pria toutes les personnes de qualité : nos deux Demoiselles en furent aussi priées, car elles faisaient grande figure dans le Pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur siéraient le mieux ; nouvelle peine pour Cendrillon, car c’était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui godronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s’habillerait. « Moi, dit l’aînée, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d’Angleterre. – Moi, dit la cadette, je n’aurai que ma jupe ordinaire ; mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d’or et ma barrière de diamants, qui n’est pas des plus indifférentes ». On envoya quérir la bonne coiffeuse, pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne Faiseuse : elles appelèrent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, et s’offrit même à les coiffer ; ce qu’elles voulurent bien. En les coiffant, elles lui disaient : « Cendrillon, serais-tu bien aise d’aller au Bal ? – Hélas, Mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n’est pas là ce qu’il me faut. – Tu as raison, on rirait bien si on voyait un Culcendron aller au Bal ». Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers ; mais elle était bonne, et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin l’heureux jour arriva, on partit, et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu’elle put ; lorsqu’elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa Marraine qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu’elle avait. « Je voudrais bien... je voudrais bien... » Elle pleurait si fort qu’elle ne put achever. Sa Marraine, qui était Fée, lui dit : « Tu voudrais bien aller au Bal, n’est-ce pas ? – Hélas oui, dit Cendrillon en soupirant. – Hé bien, seras-tu bonne fille ? dit sa Marraine, je t’y ferai aller ». Elle la mena dans sa chambre, et lui dit : « Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille ». Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu’elle put trouver, et la porta à sa Marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au Bal. Sa Marraine la creusa, et n’ayant laissé que l’écorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans sa souricière, où elle trouva six souris toutes en vie ; elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière, et à chaque souris qui sortait, elle lui donnait un coup de baguette, et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ; ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d’un beau gris de souris pommelé. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un Cocher : « Je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a point quelque rat dans la ratière, nous en ferons un Cocher. – Tu as raison, dit sa Marraine, va voir ». Cendrillon lui apporta la ratière, où il y avait trois gros rats. La Fée en prit un d’entre les trois, à cause de sa maîtresse barbe, et l’ayant touché, il fut changé en un gros Cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu’on ait jamais vues. Ensuite elle lui dit : « Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l’arrosoir, apporte-les-moi ». Elle ne les eut pas plus tôt apportés que la Marraine les changea en six Laquais, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés, et qui s’y tenaient attachés, comme s’ils n’eussent fait autre chose toute leur vie. La Fée dit alors à Cendrillon : « Hé bien, voilà de quoi aller au Bal, n’es-tu pas bien aise ? – Oui, mais est-ce que j’irai comme cela avec mes vilains habits ? ». Sa Marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits de drap d’or et d’argent tout chamarrés de pierreries ; elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse ; mais sa Marraine lui recommanda sur toutes choses de ne pas passer minuit, l’avertissant que si elle demeurait au Bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards, et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa Marraine qu’elle ne manquerait pas de sortir du Bal avant minuit. Elle part, ne se sentant pas de joie. Le Fils du Roi, qu’on alla avertir qu’il venait d’arriver une grande Princesse qu’on ne connaissait point, courut la recevoir ; il lui donna la main à la descente du carrosse, et la mena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence ; on cessa de danser et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue. On n’entendait qu’un bruit confus : « Ah, qu’elle est belle ! » Le Roi même, tout vieux qu’il était, ne laissait pas de la regarder et de dire tout bas à la Reine qu’il y avait longtemps qu’il n’avait vu une si belle et si aimable personne. Toutes les Dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits, pour en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu’il se trouvât des étoffes assez belles, et des ouvriers assez habiles. Le Fils du Roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce, qu’on l’admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune Prince ne mangea point, tant il était occupé à la considérer. Elle alla s’asseoir auprès de ses sœurs, et leur fit mille honnêtetés : elle leur fit part des oranges et des citrons que le Prince lui avait donnés, ce qui les étonna fort, car elles ne la connaissaient point. Lorsqu’elles causaient ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts : elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie, et s’en alla le plus vite qu’elle put. Dès qu’elle fut arrivée, elle alla trouver sa Marraine, et après l’avoir remerciée, elle lui dit qu’elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au Bal, parce que le Fils du Roi l’en avait priée. Comme elle était occupée à raconter à sa Marraine tout ce qui s’était passé au Bal, les deux sœurs heurtèrent à la porte ; Cendrillon leur alla ouvrir. « Que vous êtes longtemps à revenir ! » leur dit-elle en bâillant, en se frottant les yeux, et en s’étendant comme si elle n’eût fait que de se réveiller ; elle n’avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu’elles s’étaient quittées. « Si tu étais venue au Bal, lui dit une de ses sœurs, tu ne t’y serais pas ennuyée : il y est venu la plus belle Princesse, la plus belle qu’on puisse jamais voir, elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons ». Cendrillon ne se sentait pas de joie : elle leur demanda le nom de cette Princesse ; mais elles lui répondirent qu’on ne la connaissait pas, que le Fils du Roi en était fort en peine, et qu’il donnerait toutes choses au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit : « Elle était donc bien belle ? Mon Dieu, que vous êtes heureuses, ne pourrais-je point la voir ? Hélas ! Mademoiselle Javotte, prêtezmoi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. – Vraiment, dit Mademoiselle Javotte, je suis de cet avis, prêtez votre habit à un vilain Culcendron comme cela : il faudrait que je fusse bien folle ». Cendrillon s’attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise, car elle aurait été grandement embarrassée si sa sœur eût bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain les deux sœurs furent au Bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus parée que la première fois. Le Fils du Roi fut toujours auprès d’elle, et ne cessa de lui conter des douceurs ; la jeune Demoiselle ne s’ennuyait point, et oublia ce que sa Marraine lui avait recommandé, de sorte qu’elle entendit sonner le premier coup de minuit, lorsqu’elle ne croyait pas qu’il fût encore onze heures : elle se leva et s’enfuit aussi légèrement qu’aurait fait une biche : le Prince la suivit, mais il ne put l’attraper ; elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre, que le Prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais, et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de toute sa magnificence qu’une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu’elle avait laissée tomber. On demanda aux Gardes de la porte du Palais s’ils n’avaient point vu sortir une Princesse ; ils dirent qu’ils n’avaient vu sortir personne, qu’une jeune fille fort mal vêtue, et qui avait plus l’air d’une Paysanne que d’une Demoiselle. Quand ses deux sœurs revinrent du Bal, Cendrillon leur demanda si elles s’étaient encore bien diverties, et si la belle Dame y avait été ; elles lui dirent que oui, mais qu’elle s’était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu’elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde ; que le Fils du Roi l’avait ramassée, et qu’il n’avait fait que la regarder pendant tout le reste du Bal, et qu’assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le Fils du Roi fit publier à son de trompe qu’il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l’essayer aux Princesses, ensuite aux Duchesses, et à toute la Cour, mais inutilement. On l’apporta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle, mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait, et qui reconnut sa pantoufle, dit en riant : « Que je voie si elle ne me serait pas bonne », ses sœurs se mirent à rire et à se moquer d’elle. Le Gentilhomme qui faisait l’essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant fort belle, dit que cela était juste, et qu’il avait ordre de l’essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu’elle y entrait sans peine, et qu’elle y était juste comme de cire. L’étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l’autre petite pantoufle qu’elle mit à son pied. Là-dessus arriva la Marraine, qui ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ses deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu’elles avaient vue au Bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu’elles lui avaient fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu’elle leur pardonnait de bon cœur, et qu’elle les priait de l’aimer bien toujours. On la mena chez le jeune Prince, parée comme elle l’était : il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après, il l’épousa. Cendrillon qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux sœurs au Palais, et les maria dès le jour même à deux grands Seigneurs de la Cour.









MORALITE

La beauté, pour le sexe, est un rare tresor ;
De l’admirer jamais on ne se lasse ;
Mais ce qu’on nomme bonne grace
Est sans prix, et vaut mieux encor.

C’est ce qu’à Cendrillon fit avoir sa maraine,
En la dressant, en l’instruisant,
Tant et si bien qu’elle en fit une reine :
Car ainsi sur ce conte on va moralisant.

Belles, ce don vaut mieux que d’estre bien coëffées :
Pour engager un cœur, pour en venir à bout,
La bonne grace est le vrai don des fées ;
Sans elle on ne peut rien, avec elle on peut tout.


AUTRE MORALITÉ

C’est sans doute un grand avantage
D’avoir de l’esprit, du courage,
De la naissance, du bon sens,
Et d’autres semblables talens
Qu’on reçoit du Ciel en partage ;
Mais vous aurez beau les avoir,
Pour vostre avancement ce seront choses vaines
Si vous n’avez, pour les faire valoir,
Ou des parrains, ou des marraines.

mercredi 25 novembre 2015

Benjamin Biolay : Ton héritage





Pralongià , Val Badia (cz)






Si tu aimes les soirs de pluie 
Mon enfant, mon enfant 
Les ruelles de l'Italie 
Et les pas des passants
L'éternelle litanie
Des feuilles mortes dans le vent
Qui poussent un dernier cri
Crie, mon enfant

Si tu aimes les éclaircies
Mon enfant, mon enfant
Prendre un bain de minuit
Dans le grand océan
Si tu aimes la mauvaise vie
Ton reflet dans l'étang
Si tu veux tes amis
Près de toi, tout le temps

Si tu pries quand la nuit tombe
Mon enfant, mon enfant
Si tu ne fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents
Si tu as peur de la bombe
Et du ciel trop grand
Si tu parles à ton ombre
De temps en temps

Si tu aimes la marée basse
Mon enfant, mon enfant
Le soleil sur la terrasse
Et la lune sous le vent
Si l'on perd souvent ta trace
Dès qu'arrive le printemps
Si la vie te dépasse
Passe, mon enfant

{Refrain:}
Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ce sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou, plutôt sans

Si tu oublies les prénoms
Les adresses et les âges
Mais presque jamais le son
D'une voix, un visage
Si tu aimes ce qui est bon
Si tu vois des mirages
Si tu préfères Paris
Quand vient l'orage

Si tu aimes les goûts amers
Et les hivers tout blancs
Si tu aimes les derniers verres
Et les mystères troublants
Si tu aimes sentir la terre
Et jaillir le volcan
Si tu as peur du vide
Vide, mon enfant

{au Refrain}

Si tu aimes partir avant
Mon enfant, mon enfant
Avant que l'autre s'éveille
Avant qu'il te laisse en plan
Si tu as peur du sommeil
Et que passe le temps
Si tu aimes l'automne vermeil
Merveille, rouge sang

Si tu as peur de la foule
Mais supportes les gens
Si tes idéaux s'écroulent
Le soir de tes vingt ans
Et si tout se déroule
Jamais comme dans tes plans
Si tu n'es qu'une pierre qui roule
Roule, mon enfant

{au Refrain}

Mon enfant





mardi 24 novembre 2015

Célina Ramsauer « ENSEMBLE », Hommage à la Francophonie





Kandinsky Bleu de Ciel


Quel plaisir que de rencontrer 

les élèves de III B et III C 

et leur prof Chiara Shiavi 

de la scuola media Pellico (Varese)

et d'écouter leur chorale !!!!

voilà pourquoi je vous  propose une chanson


dont le titre

ENSEMBLE


souligne très bien  le désir de nous tous 

face aux malheurs de nos jours 


"Que l'esprit de la langue française soit avec vous"






Regarde, on est pas pareil
Et pourtant le soleil
Brille pour toi et moi
Regarde, on a le même sourire
Quand on se tient la main
Sur le même chemin

Envie de vivre
Envie d’être libre
Se sentir léger
Se sentir accepté
Envie de vivre
Toutes nos différences
De corps et de sens
Véritables résonances
Ensemble

Regarde, tout au fond de nos yeux
Seulement le besoin d’être
Non celui de paraître
Regarde sous les doigts endoloris
La force et l’énergie
D’avoir encore envie

Envie de vivre
Envie d’être libre
Se sentir léger
Se sentir accepté
Envie de vivre
Toutes nos différences
De corps et de sens
Véritables résonances
Ensemble

Regarde toutes nos envies
Le chemin de nos vies
C’est le seul combat
Important ici bas






dimanche 22 novembre 2015

Victor Hugo "La fonction du poète"





Le poète :

 intermédiaire entre Dieu et les hommes



La Fonction de poète

Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !

Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
ll est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !

Il voit, quand les peuples végètent !
Ses rêves, toujours pleins d'amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe ! il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
Il plaint ses contempteurs frivoles ;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas !

Peuples! écoutez le poète !
Ecoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.

C'est lui qui, malgré les épines,
L'envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine,
A pour feuillage l'avenir.

Il rayonne! il jette sa flamme
Sur l'éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l'âme
D'une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
A tous d'en haut il la dévoile;
Car la poésie est l'étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs ! 

Victor HugoLes Rayons et les ombres, (1840)