vendredi 29 août 2014

Arthur Rimbaud "Roman" (23 septembre 1870)










Roman, ou le coup de foudre rimbaldien à 17 ans.

je crois que dans l'attente de me REvoir mes élèves, 

surtout ceux de IIIe  D,  aimeront ce poème tiré de




I
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. 
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,  
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !  
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.  
   
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !   5  
L'air est parfois si doux qu'on ferme la paupière ;  
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin,  
A des parfums de vigne et des parfums de bière...  
II
- Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon  
 D'azur sombre, encadré d'une petite branche,            10 
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond  
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...  
   
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.  
La sève est du champagne et vous monte à la tête...  
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser               15  
Qui palpite là, comme une petite bête...  
III
Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,  
- Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,  
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,  
Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père...            20  
   
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,  
Tout en faisant trotter ses petites bottines,  
Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...  
- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...  
IV
Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.              25  
Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.  
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.  
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...  
   
- Ce soir-là,... - vous rentrez aux cafés éclatants,  
Vous demandez des bocks ou de la limonade...                 30  
- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans    
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.  


AUDIO






Mais bien sûr, même si  un peu fatigués,  ils pourront répondre
à ce petit questionnaire ( aux 2 premiers qui m'enverront leurs 
 réponses un bonus dès ma rentrée!)

1)Relever dans le texte ce qui permet de donner un cadre au récit.
2)Comment apparaît cette vie provinciale ?
3)Qui parle ?
4)Quelles émotions nouvelles découvre le poète ?
5)Comment l’amour naît-il  ?
6)Comment est représentée la jeune fille ?
7)Justifier le choix du titre
8)Est-ce le Grand Amour ? En quoi peut-on dire que ce  poème  tourne en dérision, ou en autodérision, les souffrances de l'adolescence?


·        Relever dans le texte ce qui permet de donner un cadre au récit : [petite ville de province avec des cafés, une promenade ombragée de tilleuls, de pâles réverbères. Le lieu est banal mais il est présenté de manière agréable quoique ce soit un plaisir assez grossier : « lustres éclatants » v.3 des « cafés tapageurs » v.3 ; « parfums de vigne et parfums de bière » v.8]
·        Comment apparaît cette vie provinciale ? [Cela se passe aux beaux jours (juin), on se promène le soir sur le boulevard, on se croise, on y cherche un peu l’aventure mais les jeunes filles, morale oblige, sont étroitement surveillées par leurs pères « l’ombre du faux-col effrayant » v.20 = synecdoque.]
·        Qui parle ? [« on » qui devient « vous ». Dans le 1er cas, valeur universelle ; tout lecteur peut se sentir concerné. A partir du v.24 on passe au « vous ». Forme particulière de l’emploi de la 2de personne et qui en réalité équivaut à un « on » ou un « je ». C’est une forme d’expression familière.]
·        Quelles émotions nouvelles découvre le poète ? [Au départ, c’est une lassitude « foin des bocks » (expliquer le terme) qui conduit le poète à quitter les cafés pour aller sur la promenade. Parce que ce sont les beaux jours qui reviennent « les bons soirs de juin » v.5, parce que les vacances scolaires annoncent une disponibilité d’esprit « loué jusqu’au mois d’août » v.25, parce que l’air se charge  de parfums « les tilleuls sentent bon » v.5 et que « l’air est parfois si doux » v.6 on sent grandir en soi une certaine sensualité « on ferme la paupière » v.6, d’autant plus que l’on a dix-sept ans.]
·        Comment l’amour naît-il et de quelle sorte d’amour s’agit-il ? [L’amour naît d’un coup de foudre. Le poète croise une jeune fille et instantanément il est amoureux. C’est autant la jeune fille croisée que l’air du temps qui le rend amoureux. La vue de la jeune fille provoque de « doux frisson » v.12 et une sorte d’ivresse « on se laisse griser / la sève est du champagne et vous monte à la tête » v.13/14. Il s’agit donc bien d’un sentiment qui naît des sens (sensoriel / sensuel / sentimental).
Noter différents termes qui évoquent l’ivresse (définir « se griser ») : la vigne v.8 de façon détournée puis la bière que l’on abandonne pour une autre ivresse aussi stimulante que du champagne v.14.]
·        Comment est représentée la jeune fille ? [Elle n’a rien de particulier, elle est petite « tout petit chiffon » v.9 = synecdoque, « ses petites bottines » v.22 « petits airs charmants » v.19, vive (v.23) mais ce n’est pas pour autant une beauté : « chiffon » n’a rien de vraiment flatteur ni « mauvaise étoile » v.11 qui suggèrent tous deux une tenue vestimentaire ordinaire, de mauvaise qualité. Cependant, le charme de la jeune fille opère : elle devient « l’adorée » v.28, juste avant que le poète ne renonce à elle.]
·        Justifier le choix du titre [« Roman » suggère un récit d’aventures mais aussi une fiction. C’est aussi qqch que l’on ne peut pas prendre au sérieux. Or le poème commence par « on n’est pas sérieux » v.1 (+ diérèse). L’histoire ne doit donc pas être prise à cœur, rien ne prête à conséquence ou bien l’on peut comprendre qu’il ne s’agit pas tant d’amour ici que de jouer à l’amour, de faire comme dans les romans. Le poème est d’ailleurs placé sous le signe de l’écriture : v.17 le cœur « robinsonne à travers les romans » v.17, on voit bien comment le jeune homme se construit des histoires d’amour fictives à partir de ses lectures.
Écriture encore dans la structure même du poème. Celui-ci se compose de 4 parties comme autant de chapitres qui permettent de donner au poème sa dimension chronologique. C’est le récit d’un amour qui dure tout un été. Le poème (par mimétisme) copie le roman. Et ce « roman » se poursuit grâce à des poèmes : v.26 le jeune homme écrit des sonnets à la jeune fille et ceux-ci « la font rire » (ó les sonnets non plus ne peuvent être pris au sérieux, pas plus que ce poème qui raconte un « roman ».). Un seul écrit pourrait être plus sérieux, c’est une lettre v.28 mais on verra que c’est précisément cette lettre qui mettra fin à l’idylle.
Noter aussi la composition cyclique du poème qui commence et finit par la phrase « on n’est pas sérieux quand ont a 17 ans ». L’effet produit est non pas celui d’un roman qui serait le récit unique d’une aventure particulière mais plutôt la romance, la ritournelle qui raconte l’histoire de tous ceux qui ont 17 ans. C’est en cela que le « on » et le « vous » renforcent l’universalité du propos.]
·        Que se passe-t-il finalement ? [Poème à chute dans une certaine mesure. La fin de l’avant-dernière strophe v.28 laisse espérer que la relation amoureuse prenne une tournure plus concrète mais la lettre de la jeune fille non seulement ne permet pas la rencontre des amoureux mais elle provoque la rupture. Noter que le v.29 annonce « Ce soir-là… » comme dans un récit + les points de suspension. Effet de suspense justement. Or, il n’en est rien. Le jeune homme qui s’est vu gratifié d’une lettre d’amour retourne voir ses amis aux « cafés éclatants » (v.29). Il est intéressant d’observer la caractérisation. V.3 les cafés étaient « tapageurs » ce qui justifiait le désir de s’en éloigner et de chercher la tranquillité de la promenade sous les tilleuls. Mais à la fin de l’été, c’est la relation amoureuse qui est ennuyeuse et les cafés apparaissent à nouveau « éclatants » donc attirants. De même s’oppose le v.2 « foin des bocks et de la limonade » et le v.30 « vous demandez des bocks ou de la limonade ». Rien de grave dans tout cela puisque l’on « n’est pas sérieux… » etc.]
·        En quoi peut-on dire que ce poème est celui de la dérision (ou de l’autodérision) [Rimbaud joue des codes sentimentaux. Le cadre est volontairement banal, pas d’être à la beauté sidérante, pas de serments (la jeune fille se moque de ses vers v.26 et elle le trouve « immensément naïf » v.21), pas de grandes émotions ses amis le trouvent même « de mauvais goût » v.27 ó parler d’amour est assommant, rabat-joie, ridicule. Le sentimentalisme a tôt fait de disparaître, une lettre et tout est terminé. Pas de désespoir, pas de larmes. « Roman » évoque aussi le « romantisme », esthétique dont Rimbaud prend à plaisir le contre-pied dans tout son poème. Quand il est question de sentiments, le poème ne dit rien de bien original « Vous êtes amoureux » v.25 qui est platement répété au vers suivant. Il est question d’un baiser v.15/16 qui « palpite comme une petite bête » comparaison peu flatteuse. D’ailleurs, c’est un baiser que l’on rêve de donner mais rien ne permet d’affirmer qu’il se donne. C’est un baiser impulsif « comme une petite bête » motivé par un éveil soudain des sens. Il n’est pas question ici de grand amour, de passion qui dévaste etc.
Autodérision aussi peut-être puisque Rimbaud a l’âge de ce qu’il décrit. Il a l’âge des promenades sous les tilleuls, des baisers furtifs et des premiers émois mais il a aussi la lucidité de celui qui regarde tout cela à distance. En réalité, Rimbaud en écrivant cela montre qu’il en a fini de ces maladroites expériences. Il est prêt pour d’autres expériences.]






Une chanson de Vecchioni

qui peut vous aider à mieux comprendre "A.R."












Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire