Le dromadaire mécontent
Un jour, il y avait un jeune dromadaire qui n'était pas content du tout.
La veille, il avait dit a ses amis: "Demain, je sors avec mon père et ma mère, nous allons entendre une conférence, voilà comme je suis moi!"
Et les autres avaient dit: "Oh, oh, il va entendre une conférence, c’est merveilleux", et lui n'avait pas dormi de la nuit tellement il était impatient, et voilà qu'il n'était pas content parce que la conférence n'était pas du tout ce qu'il avait imaginé : il n'y avait pas de musique et il était déçu, il s'ennuyait beaucoup, il avait envie de pleurer.
Depuis une heure trois quarts un gros monsieur parlait. Devant le gros monsieur il y avait un pot à eau et un verre à dents sans la brosse et, de temps en temps, le. monsieur versait de l'eau dans le verre, mais il ne se lavait jamais les dents et visiblement irrité il parlait d'autre chose, c’est-à-dire des dromadaires et des chameaux.
Le jeune dromadaire souffrait de la chaleur, et puis sa bosse le gênait beaucoup; elle frottait contre le dossier du fauteuil, il était très mal assis il remuait.
Alors sa mère lui disait: "Tiens-toi tranquille, laisse parler le monsieur", et elle lui pinçait la bosse; le jeune dromadaire avait de plus en plus envie de pleurer, de s'en aller...
Toutes les cinq minutes, le conférencier répétait: "Il ne faut surtout pas confondre les dromadaires avec les chameaux, j'attire, mesdames, messieurs et chers dromadaires votre attention sur ce fait: le chameau a deux bosses mais le dromadaire n'en a qu'une!" Tous les gens, de la salle disaient: "Oh, oh, très intéressant", et les chameaux, les dromadaires, les hommes les femmes et les enfants prenaient des notes sur leur petit calepin.
Et puis le conférencier recommençait: "Ce qui différencie les deux animaux c'est que le dromadaire n a qu'une bosse, tandis que, chose étrange et utile à savoir, le chameau en a deux ... "
A la fin le jeune dromadaire en eut assez et, se précipitant sur l'estrade, il mordit le conférencier :
"Chameau! " dit le conférencier furieux.
Et tout le monde dans la salle criait: "Chameau, sale chameau, sale chameau!"
Pourtant c’était un dromadaire, et il était très propre.
Jacques Prévert Histoires
L'arrivée d'Augustin Meaulnes, qui coïncida avec ma guérison, fut le
commencement d'une vie nouvelle.
Avant sa venue, lorsque le cours était fini, à quatre heures, une longue soirée de solitude commençait pour moi. Mon père transportait le feu du poêle de la classe dans la cheminée de notre salle à manger; et peu à peu les derniers gamins attardés abandonnaient l'école refroidie où roulaient des tourbillons de fumée. Il y avait encore quelques jeux, des galopades dans la cour; puis la nuit venait; les deux élèves qui avaient balayé la classe cherchaient sous le hangar leurs capuchons et leurs pèlerines, et ils partaient bien vite, leur panier au bras, en laissant le grand portail ouvert...
Alors, tant qu' il y avait une lueur de jour, je restais au fond de la mairie, enfermé dans le cabinet des archives plein de mouches mortes, d'affiches battant au vent, et je lisais assis sur une vieille bascule, auprès d'une fenêtre qui donnait sur le jardin.
Lorsqu'il faisait noir, que les chiens de la ferme voisine commençaient à hurler et que le carreau de notre petite cuisine s'illuminait, je rentrais enfin. Ma mère avait commencé de préparer le repas. Je montais trois marches de l'escalier du grenier; je m'asseyais sans rien dire et, la tête appuyée aux barreaux froids de la rampe, je la regardais allumer son feu dans l'étroite cuisine où vacillait la flamme d'une bougie.
Mais quelqu'un est venu qui m'a enlevé à tous ces plaisirs d'enfant paisible. Quelqu'un a soufflé la bougie qui éclairait pour moi le doux visage maternel penché sur le repas du soir. Quelqu'un a éteint la lampe autour de laquelle nous étions une famille heureuse, à la nuit, lorsque mon père avait accroché les volets de bois aux portes vitrées. Et celui-là, ce fut Augustin Meaulnes, que les autres élèves appelèrent bientôt le grand Meaulnes.
Dès qu' il fut pensionnaire chez nous, c'est-à-dire dès les premiers jours de
décembre, l'école cessa d'être désertée le soir, après quatre heures. Malgré le froid de la porte battante, les cris des balayeurs et leurs seaux d'eau, il y avait toujours, après le cours, dans la classe, une vingtaine de grands élèves, tant de la campagne que du bourg, serrés autour de Meaulnes. Et c'étaient de longues discussions, des disputes interminables, au milieu desquelles je me glissais avec inquiétude et plaisir.
ALAIN FOURNIER: Le Grand Meaulnes
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