jeudi 28 août 2014

LE SONNET : De DU BELLAY ... à RIDAN - Heureux qui comme Ulysse









"Parce que la forme est contraignante, 
l'idée jaillit plus intense"
Baudelaire


DU BELLAY - Regrets, XXXI
 
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
 
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?
 
 
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine;
 
 
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.


Ulysse - Ridan

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village,
Fumer la cheminée et en quelle saison

Mais quand reverrai-je, de mon petit village, fumer la cheminée et en quelle saison,
Mais quand reverrai-je ?

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,

Plus mon Loir Gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.

Mais quand reverrai-je, de mon petit village, fumer la cheminée et en quelle saison,
Mais quand reverrai-je ?

J'ai traversé les mers à la force de mes bras,
Seul contre les dieux, perdu dans les marais
Retranché dans une cale, et mes vieux tympans percés,
Pour ne plus jamais entendre les sirènes et leurs voix.

Nos vies sont une guerre où il ne tient qu'à nous
De nous soucier de nos sorts, de trouver le bon choix,
De nous méfier de nos pas, et de toute cette eau qui dort,
Qui pollue nos chemins, soit disant pavés d'or.

Mais quand reverrai-je, de mon petit village, fumer la cheminée et en quelle saison, mais quand reverrai-je ?

Mais quand reverrai-je ?
Mais quand reverrai-je ?
Mais quand reverrai-je ?
Mais quand reverrai-je ?  
   





D'après les critiques et historiens de l'art, le sonnet est apparu en Sicile au XIII° siècle, à la cour de Frédéric II de Hohenstaufen. Ce serait Giacomo (ou Jacopo  ) da Lentini qui en serait le créateur.
La structure la plus répandue, notamment chez Pétrarque dans son Canzoniere, est celle sur 4 rimes : ABAB ABAB CDC DCD.
Il est adopté rapidement par les poètes italiens, Dante Alighieri, Petrarque et ses imitateurs. Toutes ses possibilités sont exploitées, notamment à côté du lyrisme amoureux, la tonalité satirique, très fréquente.
Il devient un genre "européen" : dès le XVème siècle en Espagne, en Catalogne, au XVIème en France, puis en Angleterre et au XVIIème en Allemagne.





Pétrarque
Benedetto sia 'l giorno, e 'l mese, e l'anno,
e la stagione, e 'l tempo, e l'ora, e 'l punto,
e 'l bel paese, e 'l loco ov' io fui giunto
da' duo begli occhi, che legato m'hanno ;

e benedetto il primo dolce affanno
ch'i' ebbi ad esser con Amor congiunto,
e l'arco, e le saette ond'i' fui punto,
e le piaghe che 'n fin al cor mi vanno.

Benedetto le voci tante ch'io
chiamando il nome de mia donna ho sparte,
e i sospiri, e le lagrime, e l' desio ;

e benedetto sian tutte le carte
ov'io fama l'acquisto, e l' pensier mio,
ch'è sol di lei, si ch' altra non v' ha parte.
Traduction
Ah, bénis soient le jour, et le mois, et l'année,
La saison, le moment, l'heure et l'instant précis,
Le beau pays, l'endroit où je fus pris
Par les deux beaux yeux qui m'ont enchainé.

Béni soit le premier tourment, si doux,
Que j'éprouvai au contact de l'amour,
Bénis soient l'arc, les traits qui m'ont percé
Et leurs plaies qui jusqu'à mon coeur pénètrent.

Bénis les mille appels que je lançai
En invoquant le prénom de ma Dame,
Tant de soupirs, de larmes, de désirs ;








Cecco Angioleri (1258 - 1312)

S' i' fossi foco, arderei lo mondo ;
S' i' fossi vento, lo tempesterei ;
S' i' fossi acqua, io l'annegherei
S' i' fossi Dio, mandereil' n profondo ;

S' i' fossi papa, sare' allor giocondo
Che tutt' i cristïan tribolerei ;
S' i' fossi 'mperator, sai che farei ?
A tutti mozzarei lo capo a tondo

S' i' fossi Morte, andarei da mio padre ;
S' i' fossi Vita, fuggirei da lui :
Similemente faria di mi' madre.

S' i' fossi Cecco, com' i' sono e fui,
Torrei le donne giovani e leggiadre,
E vecchie e laide lasserei altrui




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