jeudi 28 août 2014

Antoine de Saint-Éxupéry "Vol de nuit" (1931) ... Dans un Sahara d'Étoiles










 "Trop beau ", pensait Fabien




  XVI


"Il monta, en corrigeant mieux les remous, grâce aux repères
qu'offraient  les étoiles. Leur aimant pâle l'attirait. Il avait peiné
 si longtemps, à la poursuite d'une lumière, qu'il n'aurait plus lâché
la plus confuse. Riche d'une lueur d'auberge, il aurait tourné jusqu'à
la mort, autour de ce signe dont il avait faim. Et voici qu'il montait
vers des champs de lumière.
Il s'élevait peu à peu, en spirale, dans le puits qui s'était ouvert, et
 se refermait au-dessous de lui. Et les nuages perdaient, à mesure
qu'il montait, leur boue d'ombre, ils passaient contre lui, comme
des vagues de plus en plus pures et blanches. Fabien émergea.
Sa surprise fut extrême: la clarté était telle qu'elle l'éblouissait.
Il dut, quelques secondes, fermer les yeux. Il n'aurait jamais cru
que les nuages, la nuit, pussent éblouir. Mais la pleine lune et
toutes les constellations les changeaient en vagues rayonnantes.
L'avion avait gagné d'un seul coup, à la seconde même où
il émergeait, un calme qui semblait extraordinaire. Pas une houle
ne l'inclinait. Comme une barque qui passe la digue, il entrait dans
 les eaux réservées. Il était pris dans une part de ciel inconnue et 
cachée comme la baie des îles bienheureuses. La tempête,
au-dessous de lui, formait un autre monde de trois mille mètres 
d'épaisseur, parcouru de rafales, de trombes d'eau, d'éclairs,
mais elle tournait vers les astres une face de cristal et de neige.
Fabien pensait avoir gagné des limbes étranges, car tout devenait
lumineux, ses mains, ses vêtements, ses ailes. Car la lumière ne
descendait pas des astres, mais elle se dégageait, au-dessous
 de lui, autour de lui, de ces provisions blanches.
Ces nuages, au-dessous de lui, renvoyaient toute la neige qu'ils
recevaient de la lune. Ceux de droite et de gauche aussi, hauts
comme des tours. Il circulait un lait de lumière, dans lequel
baignait l'équipage. Fabien, se retournant, vit que le radio souriait.
– Ça va mieux! criait-il.
Mais la voix se perdait dans le bruit du vol, seuls communiquaient
 les sourires. «Je suis tout à fait fou, pensait Fabien, de sourire:
 nous sommes perdus.»
Pourtant, mille bras obscurs l'avaient lâché. On avait dénoué ses
liens, comme ceux d'un prisonnier qu'on laisse marcher seul,
un temps, parmi les fleurs.
«Trop beau», pensait Fabien. Il errait parmi des étoiles
 accumulées avec la densité d'un trésor, dans un monde où
rien d'autre,  absolument rien d'autre que lui, Fabien, et son
camarade, n'était vivant. Pareils à ces voleurs des villes
fabuleuses, murés dans la chambre aux trésors dont ils ne
sauront plus sortir. Parmi des pierreries glacées, ils errent,
infiniment riches, mais condamnés."




Antoine de Saint-Exupéry Vol de nuit (1931)

 Ed folioplus  classiques p.71-72


  
Vol de nuit” (1931) : Rivière, qui dirige une équipe de l'Aéropostale en Amérique du Sud, cherche à démontrer que le courrier est acheminé plus rapidement par avion que par chemin de fer : «C’est pour nous une question de vie ou de mort, puisque nous perdons, chaque nuit, l’avance gagnée, pendant le jour, sur les chemins de fer et les navires.» Fabien, l'un des hommes de l'équipe, est porté disparu à la suite d'un vol périlleux. Face à l'épouse de celui-ci, Rivière comprend que l'amour et le sens du devoir sont deux idéaux incompatibles. À la fin du roman, il reste décidé à continuer les vols de nuit : «La défaite qu'a subie Rivière est peut-être un engagement qui rapproche de la vraie victoire. L'événement compte seul.» (chap. XXIII).





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Aéroport
Du bout du monde.
Fin de tournée.
Avion retard.
Long, ce départ.
J'suis excédée.
Dans salle d'attente,
Mal sur sa chaise,
Drôle de p'tite fille,
Très sautillante, très énervée.
Drôle de pilote
Et drôle de tête.
On va tomber.
Drôle d'ambiance,
Drôle de jeune homme,
Drôle de chapeau,
Drôle de lunettes,
Drôle d'humeur,
Drôle d'avion,
Envol.

Vol de nuit via-Paris,
Envol.
Vol de nuit, sur ciel gris,
Je vole.
Vol de nuit
Du bout du monde
Au monde.
Tu vois, je pense à toi.
Drôle de voix,
Drôle de présence
A mes côtés,
Drôle de regard,
Drôle de charme,
Drôle de sourire
A demi,
Drôle d'émoi,
Drôle de mouvance,
Vertige.

Vol de nuit, vol d'Amour.
En vol,
Plaisir fou
De passion.
On vole, sur vol de nuit.

Voler la vie.
Plonger.
Avion géant
Sur l'océan.
Beauté.
Voleurs de vie,
Voleurs de nous.
Sur les nuages,
Voleurs d'images
Voleurs de tout.
Voler le ciel
Et d'étoiles, voler.
Voler la nuit
Et l'aube pâle.
On voulait tout.
On a tout pris,
Tout partagé,
Soleils de pluies
Sur les montagnes
Enneigées.
On voulait tout.
On a tout pris,
Toute une vie
En une nuit
Sur vol de nuit.

Beau, beau,
Tout cet Amour, tout cet Amour,
Tout cet Amour là.
Beau
A vivre,
Vivre.
Tout, tout,
On s'est tout donné,
Donné tout.
On a vécu
Toute une vie, toute une vie
En une nuit,
Sur vol de nuit,
Vol de nuit, vol de nuit,
Vol de nuit...



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