Je ne renoncerai pas à boire un verre en terrasse,
à écouter de la musique en concert, à rire et
à parler de tout avec tous.
Je ne renoncerai pas à essayer d’aimer mes ennemis.
Coûte que coûte.
Je ne renoncerai pas à lire,à aller au théâtre,
au cinéma, à danser.
Je ne renoncerai pas à la démocratie,à ses
faiblesses, à ses emmerdements, à sa grandeur.
Je ne renoncerai pas à la raison.
Je ne renoncerai pas à la déraison.
Je ne renoncerai pas à défendre la fragilité
où qu’elle soit. . .
Je ne renoncerai pas à la diversitédes cultures.
Je ne renoncerai pas à dire que la pire idolâtrie
est de justifier notre propre violence comme
manifestation ou volonté divine.
Je ne renoncerai pas à l’entière liberté des artistes.
Je ne renoncerai pas à renoncer à la violence.
Je ne renoncerai pas à voyager...
Je ne renoncerai pas à la curiosité ... je ne renoncerai pas à la joie ... je ne renoncerai pas au doute ... Je ne renoncerai pas à la sauvage douleur d'être un homme ...
Molière par Pierre Mignard (1658). « Il avait la taille plus grande que petite, le port noble, la jambe belle. Il marchait gravement, avait l'air très sérieux, le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs et forts, et les divers mouvements qu'il leur donnait lui rendaient la physionomie extrêmement comique. À l'égard de son caractère, il était doux, complaisant, généreux; il aimait fort à haranguer (Marie Du Croisy, comédienne de la troupe) »
LE BOURGEOIS GENTILHOMME (texte en français et en italien)
Voici un magnifique extrait à ne pas rater La leçon d'Orthographe
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Que voulez-vous donc que je vous apprenne ? MONSIEUR JOURDAIN Apprenez-moi l’orthographe. MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Très volontiers. MONSIEUR JOURDAIN Après vous m’apprendrez l’almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n’y en a point. MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j’ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce qu’elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. Il y a cinq voyelles ou voix : a, e, i, o, u. MONSIEUR JOURDAIN J’entends tout cela. MAÎTRE DE PHILOSOPHIE La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A. MONSIEUR JOURDAIN A, A. Oui. MAÎTRE DE PHILOSOPHIE La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d’en bas de celle d’en haut : A, E. MONSIEUR JOURDAIN A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela est beau ! MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I. MONSIEUR JOURDAIN A, e, i, i, i, i. Cela est vrai. Vive la science ! MAÎTRE DE PHILOSOPHIE La voix o se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas : o. MONSIEUR JOURDAIN O, o. Il n’y a rien de plus juste. A, e, i, o, i, o. Cela est admirable ! I, o, i, o. MAÎTRE DE PHILOSOPHIE L’ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un o. MONSIEUR JOURDAIN O, o, o. Vous avez raison, o. Ah ! la belle chose, que de savoir quelque chose ! MAÎTRE DE PHILOSOPHIE La voix u se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l’une de l’autre sans les rejoindre tout à fait : u.
MONSIEUR JOURDAIN U, u. Il n’y a rien de plus véritable : u.
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Vos deux lèvres s’allongent comme si vous faisiez la moue : d’où vient que si vous la voulez faire à quelqu’un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que u.
MONSIEUR JOURDAIN U, u. Cela est vrai. Ah ! que n’ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela ?
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes.
MONSIEUR JOURDAIN Est-ce qu’il y a des choses aussi curieuses qu’à celles-ci ?
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Sans doute. La consonne D, par exemple, se prononce en donnant du bout de la langue au-dessus des dents d’en haut : da.
MONSIEUR JOURDAIN
Da, da. Oui. Ah ! les belles choses ! les belles choses !
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE L’F en appuyant les dents d’en haut sur la lèvre de dessous : fa.
MONSIEUR JOURDAIN Fa, fa. C’est la vérité. Ah ! mon père et ma mère, que je vous veux de mal !
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE Et l’r, en portant le bout de la langue jusqu’au haut du palais, de sorte qu’étant frôlée par l’air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une manière de tremblement : rra.
MONSIEUR JOURDAIN R, r, ra ; r, r, r, r, r, ra. Cela est vrai. Ah ! l’habile homme que vous êtes ! et que j’ai perdu de temps ! R, r, r, ra. […]
"Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour" Maître de philosophie : Je vous expliquerai à fond toutes ces curiosités.
Monsieur Jourdain : Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet (2) que je veux laisser tomber à ses pieds.
Maître de philosophie : Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Monsieur Jourdain : Non, non, point de vers.
Maître de philosophie : Vous ne voulez que de la prose ?
Monsieur Jourdain : Non, je ne veux ni prose ni vers.
Maître de philosophie : Il faut bien que ce soit l’un ou l’autre.
Monsieur Jourdain : Pourquoi ?
Maître de philosophie : Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose ou les vers.
Monsieur Jourdain : Il n’y a que la prose ou les vers ?
Maître de philosophie : Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose.
Monsieur Jourdain : Et comme l’on parle, qu’est-ce que c’est donc que cela ?
Maître de philosophie : De la prose.
Monsieur Jourdain : Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?
Maître de philosophie : Oui, Monsieur.
Maître de philosophie : Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…
Monsieur Jourdain : Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse (4) rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment (5).
Monsieur Jourdain : Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Maître de philosophie : Il faut bien étendre un peu la chose.
Monsieur Jourdain : Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de philosophie : On les peut mettre premièrement comme vous avez dit. Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.
Monsieur Jourdain : Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?
Maître de philosophie: Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Monsieur Jourdain : Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure.
Ils sont sans doute passés par là. Au VIIe siècle, les compagnons du Prophète, à la tête des armées de l’islam, en route pour la conquête du monde, se sont vraisemblablement arrêtés à Palmyre, dans sa palmeraie, avant de se lancer à l’assaut de la verte Damas et de ses richesses, Damas dont la dynastie omeyyade fera sa capitale, délaissant Médine et posant ainsi la première pierre de l’empire musulman qui, loin de détruire ce qui le précède, s’en nourrit, s’y forme, s’y modèle. Que restait-il à l’époque de l’antique cité caravanière ? Un peu plus qu’aujourd’hui, ou un peu moins ; quelques églises, un évêque, nous apprend Paul Veyne dans Palmyre. L’irremplaçable trésor. Est-ce qu’un noble guerrier arabe descendit de chameau pour pleurer sur ces ruines, dans la grande tradition de la poésie du désert, et chanter comme Imroul Qays quelques décennies plus tôt : « Arrêtons-nous pour pleurer au souvenir de cet amour, sur les traces de ce campement, au bas des dunes » ? La poésie arabe s’ouvre avec cette déploration, elle naît de la nostalgie que provoquent les ruines des choses perdues.
Aujourd’hui nous pleurons tous, et il n’y a pas de chant funèbre plus juste et plus noble que celui que Paul Veyne consacre à Palmyre, thrène dédié à l’archéologue syrien Khaled Al-Asaad, qui en fut le gardien et l’explorateur quarante ans durant, avant...
Le souvenir de Palmyre est un hymne à la beauté.
Le Monde des LIVRES , vendredi 30 octobre 2015
Palmyre. L’irremplaçable trésor, de Paul Veyne, Albin Michel,
Dopo avere
analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al
tema posto (circa 600 parole)
Paysages : reflet du monde, reflet de l’âme?
Document n 1 Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire, J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire, A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits, C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui, Je me retourne encore, et d'un regard d'envie Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous doisune larme aux bords de mon tombeau ; L'air est si parfumé ! la lumière est si pure ! Aux regards d'un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ...
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux.
Alphonse de Lamartine, « L'Automne », Méditations poétiques(1820)
Document 2
Julien poursuivait son chemin gaiement au milieu des plus beaux aspects que
puissent présenter les scènes de montagnes. Il fallait traverser la grande chaîne au nord de
Vergy. Le sentier
qu’il suivait, s’élevant peu à peu parmi de grands bois de hêtres, forme des
zigzags infinis sur la pente de la haute montagne qui dessine au nord la vallée
du Doubs.Bientôt les regards du voyageur, passant par-dessus les coteaux moins
élevés qui contiennent le cours du Doubs vers le midi, s’étendirent jusqu’aux plaines fertiles
de la Bourgogne et du Beaujolais. Quelque
insensible que l’âme de ce jeune ambitieux fût à ce genre de beauté, il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter de temps à
autre, pour regarder un spectacle si vaste et si imposant. Enfin il atteignit le sommet de la grande montagne, près
duquel il fallait passer pour arriver, par cette route de traverse, à la
vallée solitaire qu’habitait
Fouqué, le jeune marchand de bois son ami. Julien n’était point pressé de le voir, ni aucun autre
être humain. Caché comme un oiseau de proie, au milieu des roches nues qui couronnent la grande
montagne, il pouvait
apercevoir de bien loin tout homme qui se serait approché de lui. Il découvrit une petite grotte
au milieu de la pente presque verticale d’un des rochers. Il prit sa course, et bientôt fut établi dans
cette retraite. Ici, dit-il avec des yeux brillants de joie, les hommes
ne sauraient me faire de mal.
Stendhal,Le Rouge et le Noir(1830)
Document 3
Pour une
surprise, c'en fut une. À travers la brume, c'était tellement étonnant ce qu'on
découvrait soudain que nous nous refusâmes d'abord
à y croire et puis tout de même quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu'on était1 on s'est
mis à bien rigoler, en voyant ça, droit devant nous... Figurez-vous qu'elle était debout leur ville,
absolument droite. New York c'est une ville debout.On en avait déjà vu nous des villes bien sûr,
et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes.Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les
villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysage,
elles attendent
le voyageur, tandis
que celle-là l'Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien
raide, là, pas baisante2 du tout, raide à faire peur. On en a donc
rigolé comme des cornichons. Ça fait drôle forcément, une ville
bâtie en raideur.Mais on n'en pouvait rigoler nous du spectacle qu'à partir du cou, à cause du froid
qui venait du large pendant ce temps-là à travers une grosse brume grise et
rose et rapide et piquante à l'assaut de nos pantalons et des crevasses de
cette muraille, les rues de la ville, où les nuages s'engouffraient aussi à la
charge du vent.
Malgré notre situation de galérien.
La ville couchée évoque la femme couchée.
Céline, Le Voyage au bout de la nuit(1932) Document 4
Un bubbolio lontano...
Rosseggia l'orizzonte, Come affocato, a mare; Nero di pece, a monte, Stracci di nubi
chiare: Tra il nero un casolare: Un'ala
di gabbiano.
Giovanni Pascoli, “Temporale”,Myricae(1891)
Un roulement
dans le lointain...
L'horizon qui
rougeoie,
Tel un brasier,
du côté de la mer ;
D'un noir
de poix, vers les montagnes, Des lambeaux de nuages clairs :
Dans tout ce
noir une chaumière :
Une aile éployée
de mouette.
Giovanni Pascoli, “Temps
d'orage”, Myricae (1891)
Traduction de Maurice Javion
(Anthologie bilingue de la poésieitalienne, La Pléiade,
Gallimard)
Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages,
Kunsthalle de Hambourg (1817)
Pour cet
artiste« l’art se présente comme médiateur
entre la nature et l’homme», et« le peintre ne doit pas peindre seulement ce qu’il voit
en face de lui, mais aussi ce qu’il voit en lui ».