Cours Magistral de M. Yann Rovech'
Du "Discours de la servitude volontaire"
d' Etienne La Boétie
à la violence terroriste
La thèse :
Le peuple se laisse opprimer volontairement
Pour
le moment, je ne voudrais que tâcher de comprendre comment il peut arriver que
tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent
quelquefois un tyran seul ...
Soyez résolus à ne plus servir,
et vous voilà libres
Servitude Volontaire
Un Paradoxe
La Nature
Il est hors de doute, je crois, que si nous vivions avec les droits que nous tenons de la nature
et d’après les préceptes qu’elle nous enseigne, nous serions naturellement
soumis à nos parents, sujets de la raison, sans être esclaves de
personne.
Les ruses du tyran
Éducation
On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père :
Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénère :
Faute de cultiver la nature et ses dons,
O combien de Césars deviendront Laridons !
La Fontaine
Nul doute que la nature nous dirige là où elle veut, bien ou mal lotis, mais il faut avouer qu’elle a moins de pouvoir sur nous que l’habitude [l'éducation]. Si bon que soit le naturel, il se perd s’il n’est entretenu, et l’habitude [l'éducation] nous forme toujours à sa manière, en dépit de la nature […]
Abêtissement
La coutume
La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne.
Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude.
Le théâtre du pouvoir
Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie.
La pyramide de la servitude
Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran, mais toujours (on aura peine à le croire d’abord, quoique ce soit l’exacte vérité) quatre ou cinq hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le pays. Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés,....
Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité....
Et qui voudra en dévider le fil verra que, non pas six mille, mais cent mille et des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue qui les soude et les attache à lui,
Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran, mais toujours (on aura peine à le croire d’abord, quoique ce soit l’exacte vérité) quatre ou cinq hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le pays. Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés,....
Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité....
Et qui voudra en dévider le fil verra que, non pas six mille, mais cent mille et des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue qui les soude et les attache à lui,
C’est ainsi que le tyran asservit les sujets les uns par les
autres. Il est gardé par ceux dont il devrait se garder, s’ils valaient
quelque chose. Mais on l’a fort bien dit : pour fendre le bois, on se fait des
coins du bois même ; tels sont ses archers, ses gardes, ses hallebardiers. Non
que ceux-ci n’en souffrent souvent eux-mêmes ; mais ces misérables
abandonnés de Dieu et des hommes se contentent d’endurer le mal et d’en faire,
non à celui qui leur en fait, mais bien à ceux qui, comme eux, l’endurent et
n’y peuvent mais. Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploi-
ter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi
de leur méchanceté qu’apitoyé de leur sottise.
Car à vrai dire, s’approcher du tyran, est-ce autre chose que
s’éloigner de sa liberté et, pour ainsi dire, embrasser et serrer à deux
mains sa servitude ? Qu’ils mettent un moment à part leur ambition, qu’ils se
dégagent un peu de leur avidité, et puis qu’ils se regardent ; qu’ils se considèrent
eux-mêmes : ils verront clairement que ces villageois, ces paysans qu’ils
foulent aux pieds et qu’ils traitent comme des forcats ou des esclaves, ils
verront, dis-je, que ceux-là, si malmenés, sont plus heureux qu’eux et en
quelque sorte plus libres. Le laboureur et l’artisan, pour asservis qu’ils
soient, en sont quittes en obéissant ; mais le tyran voit ceux qui l’entourent
coquinant et mendiant sa faveur. Il ne faut pas seulement qu’ils fassent ce
qu’il ordonne, mais aussi qu’ils pensent ce qu’il veut et souvent même, pour
le satisfaire, qu’ils préviennent ses propres désirs. Ce n’est pas le tout de
lui obéir, il faut encore lu complaire ; il faut qu’ils se rompent, se
tourmentent, se tuent à traiter ses affaires, et puisqu’ils ne se plaisent
qu’à son plaisir, qu’ils sacrifient leur goût au sien, qu’ils forcent leur
tempérament et dépouillent leur naturel. Il faut qu’ils soient attentifs à
ses paroles, à sa voix, à ses regards, à ses gestes : que leurs yeux, leurs
pieds, leurs mains soient continuellement occupés à épier ses volontés et
à deviner ses pensées.
Est-ce là vivre heureux ?
Est-ce même vivre ?
Est-il rien au monde de plus insupportable que
cet état, je ne dis pas pour tout homme de coeur, mais encore pour celui qui
n’a que le simple bon sens,
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