Bien avant Gide, La Bruyère avait écrit
« Il y a une espèce de honte d’être heureux à la vue
de certaines misères » ,
de même Baudelaire dans l’Art Romantique (1851)
« Si l’idée de la Vertu et de l’Amour universel n’est
pas mêlée à tous nos plaisirs, tous nos plaisirs
deviendront torture et remords ».
Gide essaie de concilier les exigences du bonheur
individuel et celles du bonheur d’autrui.
« Il y a une espèce de honte d’être heureux à la vue
de certaines misères » ,
de même Baudelaire dans l’Art Romantique (1851)
« Si l’idée de la Vertu et de l’Amour universel n’est
pas mêlée à tous nos plaisirs, tous nos plaisirs
deviendront torture et remords ».
Gide essaie de concilier les exigences du bonheur
individuel et celles du bonheur d’autrui.
En vérité, le bonheur qui prend élan sur la misère,
je n’en veux pas. Une richesse qui prive un autre,
je n’en veux pas. Si mon vêtement dénude autrui,
j’irai nu. Ah ! tu tiens table ouverte, Seigneur
Christ ! et ce qui fait la beauté de ce festin
de ton royaume, c’est que tous y sont conviés.
Il y a sur terre de telles immensités de misère,
de détresse, de gêne et d’horreur, que l’homme
heureux n’y peut songer sans prendre honte de
son bonheur. Et pourtant ne peut rien pour
le bonheur d’autrui celui qui ne sait être
heureux lui-même. Je sens en moi l’impérieuse
obligation d’être heureux. Mais tout bonheur
me paraît haïssable qui ne s’obtient qu’aux
dépens d’autrui et par des possessions dont
on le prive. Un pas de plus et nous abordons
la tragique question sociale. Tous les arguments
de ma raison ne me retiendront pas sur la pente
du communisme. Et ce qui me paraît une erreur,
c’est d’exiger de celui qui possède la distribution
de ses biens ; mais quelle chimère que d’attendre,
de celui qui possède, un renoncement volontaire
à des biens – auxquels son âme reste attachée.
Pour moi j’ai pris en aversion toute possession
exclusive ; c’est de don qu’est fait mon bonheur,
et la mort ne me retirera des mains pas grand’chose.
Ce dont elle me privera le plus c’est des biens épars,
naturels, échappant à la prise et communs à tous ;
d’eux surtout je me suis soûlé. Quant au reste, je
préfère le repas d’auberge à la table la mieux servie,
le jardin public au plus beau parc enclos de murs,
le livre que je ne crains pas d’emmener en promenade
à l’édition la plus rare, et, si je devais être seul
à pouvoir contempler une œuvre d’art, plus elle
serait belle et plus l’emporterait sur la joie ma tristesse.
Mon bonheur est d’augmenter celui des autres.
J’ai besoin du bonheur de tous pour être heureux.
André Gide Nouvelles Nourritures (1935) Ed. Gallimard
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