lundi 1 septembre 2014

"Les illusions des descriptions du Tasse et de l’Arioste...Tout est noble et tendre, tout parle d’amour" La Chartreuse de Parme (1939), Stendhal












En amoureux de l'Italie,  Stendhal confie à la  comtesse Gina del Dongo Pietranera  dans La Chartreuse de Parme ces mots qui décrivent à travers un monologue intérieur toute sa passion pour les  paysages italiens  des alentours du lac de Côme, où garder "toutes les illusions des descriptions du Tasse et de l'Arioste":
Ces "collines admirables" qu'il avait tant aimées  dans notre pays et surtout Milan "la ville des premiers plaisirs" dont le nom  devait orner l'épitaphe gravée sur le marbre de  sa tombe "Arrigo Beyle Milanese"

« Tout parle d’amour »

 C’était avec ravissement que la comtesse retrouvait les souvenirs de sa première jeunesse et les comparait à ses sensations actuelles. Le lac de Côme, se disait-elle, n’est point environné, comme le lac de Genève, de grandes pièces de terre bien closes et cultivées selon les meilleures méthodes, choses qui rappellent l’argent et la spéculation. Ici de tous côtés je vois des collines d’inégales hauteurs couvertes de bouquets d’arbres plantés par le hasard, et que la main de l’homme n’a point encore gâtés et forcés à rendre du revenuAu milieu de ces collines aux formes admirables et se précipitant vers le lac par des pentes si singulières, je puis garder toutes les illusions des descriptions du Tasse et de l’Arioste. Tout est noble et tendre, tout parle d’amour, rien ne rappelle les laideurs de la civilisation. Les villages situés à mi-côte sont cachés par de grands arbres, et au-dessus des sommets des arbres s’élève l’architecture charmante de leurs jolis clochers. Si quelque petit champ de cinquante pas de large vient interrompre de temps à autre les bouquets de châtaigniers et de cerisiers sauvages, l’oeil satisfait y voit croître des plantes plus vigoureuses et plus heureuses là qu’ailleurs. Par-delà ces collines, dont le faîte offre des ermitages qu’on voudrait tous habiter, l’oeil étonné aperçoit les pics des Alpes, toujours couverts de neige, et leur austérité sévère lui rappelle des malheurs de la vie ce qu’il en faut pour accroître la volupté présente. L’imagination est touchée par le son lointain de la cloche de quelque petit village caché sous les arbres : ces sons portés sur les eaux qui les adoucissent prennent une teinte de douce mélancolie et de résignation, et semblent dire à l’homme : La vie s’enfuit, ne te montre donc point si difficile envers le bonheur qui se présente, hâte-toi de jouir. Le langage de ces lieux ravissants, et qui n’ont point de pareils au monde, rendit à la comtesse son coeur de seize ans.
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, I, 2.















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