mercredi 20 août 2014

Albert Camus - Lettre à Monsieur Germain










  Coll. C. et J. Camus, fds A. Camus, Bib. Méjanes, Aix-en-Pce, D.R.
P-02.016 Camus souriant (portrait) à Stockholm pour le prix Nobel, 1957 (photo Louis Joyeux).jpg





Le 17 octobre 1957, l’Académie royale de Stockholm

 décerne le Prix Nobel de littérature à

Albert Camus (1913-1960)

 "pour l’ensemble d’une oeuvre mettant en lumière les problèmes
 qui se posent de nos jours à la conscience des hommes".

 La lettre que Camus adresse alors à M. Germain est
certainement l’un des plus beaux  éloges
du métier d’instituteur.



19 novembre 1957


Cher Monsieur Germain,

J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse, de toutes mes forces.

Albert Camus



Et ne maquez pas de lire la réponse de Louis Germain en 1959,

faisant suite à la réception du livre Camus  de Brisville ...

 que je souhaiterais lire à tous mes collègues...

Alger, ce 30 avril 1959


Mon cher petit,

Adressé de ta main, j'ai bien reçu le livre Camus qu'à bien voulu me dédicacer son auteur J.-Cl. Brisville.
Je ne sais t'exprimer la joie que tu m'as faite par ton geste gracieux ni la manière de te remercier. Si c'était possible, je serrerais bien fort le grand garçon que tu es devenu et qui restera toujours pour moi : « Mon petit Camus ».

(...)

Qui est Camus ?J'ai l'impression que ceux qui essayent de percer ta personnalité n'y arrivent pas tout à fait. Tu as toujours montré une pudeur instinctive à déceler ta nature, tes sentiments. Tu y arrives d'autant mieux que tu es simple, direct. Et bon par-dessus le marché! Ces impressions tu me les as données en classe. Le pédagogue qui veut faire consciencieusement son métier ne néglige aucune occasion de connaître
ses élèves, ses enfants, et il s'en présente sans cesse. Une réponse, un geste, une attitude sont amplement révélateur. Je crois donc bien connaître
le gentil petit bonhomme que tu étais, et l'enfant, bien souvent, contient en germe l'homme qu'il deviendra. Ton plaisir d'être en classe éclatait de toutes parts. Ton visage manifestait l'optimisme. Et à t'étudier, je n'ai jamais soupçonné la vraie situation de ta famille. Je n'en ai eu qu'un aperçu au moment où ta maman est venue me voir au sujet de ton inscription sur la liste des candidats aux Bourses. D'ailleurs, cela se passait au moment où
tu allais me quitter. mais jusque-là tu me paraissait dans la même situation que tes camarades. Tu avais toujours ce qu'il fallait. Comme ton frère, tu étais gentiment habillé. Je crois que je ne puis faire un plus bel éloge à ta maman.

(...)

"Je crois durant toute ma carrière avoir respecté ce qu'il y a
de plus sacré dans l'enfant: le droit de chercher sa vérité"

(...)


Madame Germain et moi vous embrassons tous quatre bien fort. Affectueusement à vous.


Germain Louis





  Les 2 lettres se trouvent sous forme d' annexes au roman

  "Le premier homme" Ed Folio Gallimard (1994)


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