Je remercie mes anciens élèves, 3 D ESABAC 2015, que j'ai eu le plaisir de rencontrer pour les voeux de Noël.
Baudelaire fait partie de notre année scolaire plus que jamais surtout en I et III D ESABAC, Voici alors quelques liens vraiment fructeux pour continuer notre étude.
Imaginer une exposition qui renoue le dialogue entre les textes du jeune poète et les
œuvres d’art qu’ils commentent, c’est offrir au visiteur l’occasion de pénétrer dans les
grandes pages des écrits esthétiques de Baudelaire qui font date dans l’histoire de la
critique d’art. En présence d’une centaine de peintures, sculptures et estampes
évoquées par Baudelaire, le spectateur se voit invité à confronter son propre regard à
la sensibilité artistique de l’auteur des Fleurs du mal et à comprendre comment s’est
forgée la définition de la beauté moderne, qu’il n’a jamais reniée.
Petit Pays, c'est l'histoire de Gaby un gamin de 10 ans, un récit inspiré du vécu de Gaël Faye, mais il ne s'agit pas d'un récit autobiographique : un roman sur l'enfance, sur l'amitié, sur la guerre au Rwanda, mais aussi sur l'exil :
"Il m'obsède ce retour. Pas un jour sans que le pays ne se rappelle à moi"(p.13)
"Je pensais être exilé de mon pays. En
revenant
sur les traces de mon passé, j'ai compris que
j'étais exilé de mon
enfance. Ce qui me paraît bien
plus cruel encore" (p. 213)
Son père est Français, sa mère Tutsi, originaire
du Rwanda voisin. Il vit dans un cocon, assez inconscient de la misère alentour
et de la menace qui gronde. Gaël Faye raconte avec une jolie plume la vie d'un
petit garçon et de sa bande de copains, les « Kinanira Boyz », les après-midi
dans leur Q.G, un Combi Volkswagen abandonné sur un terrain vague, les mangues
dérobées dans les jardins voisins, les bières Primus tièdes sifflées dans le
bouge du coin, les parties de pêche sur la Muha avec des cannes en bambou, de
la farine et des asticots comme appâts.
Par les yeux d'un enfant de 10 ans, Gaël Faye entraîne le lecteur entre
sourires et larmes dans un pays et une région d'Afrique qui ont été mis à feu
et à sang par la folie des hommes. Tour à tour, on s'émerveille de la naïveté
de l'enfance et on est effrayé par les horreurs qui peuvent être perpétrées par
l'homme. Dans nos petites vies relativement tranquilles, loin des guerres et
des pertes humaines, les lecteurs français que nous sommes ont connaissance de
ces événements mais ont un rapport distancié avec les faits. L'auteur vient ici
nous confronter à la réalité avec force et violence. Jamais gratuitement,
toujours avec justesse mais quand la théorie rencontre la réalité, les mots
font mal et le jeune Gabriel et ses amis de l'impasse nous touchent en plein
coeur.
Sans sombrer dans un idéalisme béat, la seule projection vers l’avenir possible
et envisageable à l’échelle de l’œuvre, est peut-être celle permise par les
livres, tels ceux de Mme Economopoulos : « – Un livre peut nous
changer ? / Bien sûr un livre peut te changer ! Et même changer ta
vie ». Dès l’ouverture du récit, on comprend en effet, dans une sorte de
mise en abyme, qu’en dépit des événements et de la violence du réel, la quête
identitaire du narrateur a abouti en lui permettant de se construire,
singulièrement, par le livre que nous avons sous les yeux : « ‘Je
suis un être humain’. Ma réponse les agace. Pourtant, je ne cherche pas à les
provoquer ». Petit pays, c’est donc aussi son pays à soi, celui de nos
enfances, fussent-elles dévastées, celui de nos révoltes adolescentes contre
toutes les assignations identitaires, celui qui contribue à nous sauver quand
on décide, non pas de s’y réfugier, mais d’en arpenter à nouveaux les collines
et les crevasses – notamment celles de l’Histoire.
Une feuille et un stylo apaisent mes délires d'insomniaque
Loin dans mon exil,
petit pays d'Afrique des Grands Lacs
Remémorer ma vie naguère avant la guerre
Trimant pour me rappeler mes sensations sans rapatriement
Petit pays je t'envoie cette carte postale
Ma rose, mon pétale, mon cristal, ma terre natale
Ça fait longtemps les jardins de bougainvilliers
Souvenirs renfermés dans la poussière d'un bouquin plié
Sous le soleil, les toits de tôles scintillent
Les paysans défrichent la terre en mettant l'feu sur des brindilles
Voyez mon existence avait bien commencé
J'aimerais recommencer depuis l'début, mais tu sais comment c'est
Et nous voilà perdus dans les rues de Saint-Denis
Avant qu'on soit séniles on ira vivre à Gisenyi
On fera trembler le sol comme les grondements de nos volcans
Alors petit pays, loin de la guerre on s'envole quand ?
[Refrain]
Petit bout d'Afrique perché en altitude
Je doute de mes amours, tu resteras ma certitude
Réputation recouverte d'un linceul
Petit pays, pendant trois mois, tout l'monde t'a laissé seul
J'avoue j'ai plaidé coupable de vous haïr
Quand tous les projecteurs étaient tournés vers le Zaïre
Il fallait reconstruire mon p'tit pays sur des ossements
Des fosses communes et puis nos cauchemars incessants
Petit pays : te faire sourire sera ma rédemption
Je t'offrirai ma vie, à commencer par cette chanson
L'écriture m'a soigné quand je partais en vrille
Seulement laisse-moi pleurer quand arrivera ce maudit mois d'avril
Tu m'as appris le pardon pour que je fasse peau neuve
Petit pays dans l'ombre le diable continue ses manœuvres
Tu veux vivre malgré les cauchemars qui te hantent
Je suis semence d'exil d'un résidu d'étoile filante
[Refrain]
Un soir d'amertume, entre le suicide et le meurtre
J'ai gribouillé ces quelques phrases de la pointe neutre de mon feutre
J'ai passé l'âge des pamphlets quand on s'encanaille
J'connais qu'l'amour et la crainte que celui-ci s'en aille
J'ai rêvé trop longtemps d'silence et d'aurore boréale
À force d'être trop sage j'me suis pendu avec mon auréole
J'ai gribouillé des textes pour m'expliquer mes peines
Bujumbura, t'es ma luciole dans mon errance européenne
Je suis né y'a longtemps un mois d'août
Et depuis dans ma tête c'est tous les jours la saison des doutes
Je me navre et je cherche un havre de paix
Quand l'Afrique se transforme en cadavre
Les époques ça meurt comme les amours
Man j'ai plus de sommeil et je veille comme un zamu
Laissez-moi vivre, parole de misanthrope
Citez m'en un seul de rêve qui soit allé jusqu'au bout du sien propre
[Refrain x3]
Petit pays
Quand tu pleures, je pleure
Quand tu ris, je ris
Quand tu meurs, je meurs
Quand tu vis, je vis
Petit pays, je saigne de tes blessures
Petit pays, je t'aime, ça j'en suis sûr
Contrairement à l’Odyssée d’Homère, où l’Ithaque est la destinée tant désirée d’Ulysse, dans son Ithaque Kavafis incite le lecteur à prendre le temps de flâner dans son voyage, de s’enrichir de ses expériences avant de rentrer à l’île.
Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie… Et
puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour
celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le
belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de
ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de
voyager ou de s'enrichir.
Charles Baudelaire Le Port
Quand tu partiras
pour Ithaque,
souhaite que le
chemin soit long,
riche en péripéties
et en expériences.
Ne crains ni les
Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni la colère de
Neptune.
Tu ne verras rien de
pareil sur ta route si tes pensées restent hautes,
si ton corps et ton
âme ne se laissent effleurer
que par des émotions
sans bassesse.
Tu ne rencontreras ni
les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni le farouche
Neptune,
si tu ne les portes
pas en toi-même,
si ton cœur ne les
dresse pas devant toi.
Souhaite que le
chemin soit long,
que nombreux soient
les matins d'été,
où (avec quelles
délices !) tu pénètreras
dans des ports vus
pour la première fois.
Fais escale à des
comptoirs phéniciens,
et acquiers de belles
marchandises :
nacre et corail,
ambre et ébène,
et mille sortes
d'entêtants parfums.
Acquiers le plus
possible de ces entêtants parfums.
Visite de nombreuses
cités égyptiennes,
et instruis-toi
avidement auprès de leurs sages.
Garde sans cesse
Ithaque présente à ton esprit.
Ton but final est d'y
parvenir,
mais n'écourte pas
ton voyage :
mieux vaut qu'il dure
de longues années,
et que tu abordes
enfin dans ton île aux jours de ta vieillesse,
riche de tout ce que
tu as gagné en chemin,
sans attendre
qu'Ithaque t'enrichisse.
Ithaque t'a donné le
beau voyage :
sans elle, tu ne te
serais pas mis en route.
Elle n'a plus rien
d'autre à te donner.
Même si tu la trouves
pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé.
Sage comme tu l'es
devenu à la suite de tant d'expériences,
tu as enfin compris
ce que signifient les Ithaques.
"Écrit loin d'Ithaque mais au cœur de la véritable Odyssée. Je l'ai
traduit moi-même pour pouvoir côtoyer au plus près les images du poète,
naviguer vent debout en ses phrases et ses vers car jamais poème n'a dit tant
de choses en si peu de mots."
Le Père Noël est
toujours plein de cadeaux aussi savoureux que les fruits d'été.
Voici un roman que
j'ai découvert et dont je remercie ma collègue Angela. Tout à fait d'accord
avec elle on ne peut pas s'en passer pour un élève (ou mieux pour une élève) du
lycée classique !!!
C'est l'histoire
d'une enfant d'Orient rêvant de l'Europe, l'histoire d'une femme éprise de
littérature, Shakespeare, Stendhal, Conrad, Proust, Kavafis. C'est l' Odyssée d'une femme libre
et intelligente, amoureuse de son Egypte,
son paradis perdu.
Elle n’en a jamais oublié les couleurs, les parfums, la
beauté solaire que même le spectacle de la misère ne parvenait pas à ombrer. Et
elle les restitue avec une grâce juvénile.
« Le soulagement immense d'avoir un travail et, en plus, d'avoir conquis
celui que je voulais absolument s'accompagnait ce soir-là d'un sentiment
pénible. Depuis longtemps j'avais pris conscience que chaque pas en avant,
chaque étape réussie, resserrait l'éventail des possibles. Chaque fois que la
cible était touchée, je renonçais à des milliers d'autres choses et m'éloignais
de ce que j'avais cru être un destin. C'est, je sais, très bête de le dire
comme cela, mais j'avais commencé à sentir que, comme d'autres milliards de
petites billes colorées, j'entrai dans un entonnoir et que plus profondément je
m'y engagerais, sous les applaudissements d'un public imaginaire, plus je
tournerais le dos aux idées inexprimables et vaporeuses qui avaient marqué ma
jeunesse.
Longtemps je n'avais pas compris que le fait d'être une femme était comme
on dit un handicap ; je ne m'étais nullement attardée sur l'évidence qu'il
était difficile d'envisager un destin à la Lawrence d'Arabie en étant de sexe
féminin. Je n'avais d'ailleurs eu aucune alerte à ce sujet. Mes parents ayant
oublié de m'interdire quoi que ce soit, je n'avais jamais de ma vie entendu
dire que je ne pouvais pas entreprendre quelque chose parce que j'étais une
fille. L'enfance et l'adolescence dans une ville du Moyen-Orient assoupie dans
une torpeur trompeuse ne pouvaient pas m'ouvrir les yeux là-dessus : la
différence homme-femme était masquée par la vraie division qui était sociale ;
on naissait ou parmi les soi-disant Occidentaux nantis ou parmi le peuple qui
vivait à peu près comme dans la Bible. Quant à mes études chez les bonnes sœurs
dans des classes non mixtes, en me privant de la confrontation physique et
intellectuelle avec les garçons, elles m'avaient paradoxalement encouragée dans
ce qu'il faut bien appeler une extravagante méprise. »
Les lieux que nous avons connus n'appartiennent pas qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n'étaient qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors ; le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instinct ; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas ! comme les années.
1940. Paris, ville
occupée. Et si, dans le flot des bombardements, la guerre emportait La Vénus de
Milo, La Joconde, Le Radeau de La Méduse ? Que deviendrait Paris sans son
Louvre ?
Deux hommes que tout semble opposer – Jacques Jaujard, directeur du Louvre, et
le Comte Franz Wolff-Metternich, nommé à la tête de la commission allemande
pour la protection des œuvres d’art en France – s’allient pour préserver les
trésors du Musée. Au fil du récit de cette histoire méconnue et d’une
méditation humaniste sur l’art, le pouvoir et la civilisation, Alexandre
Sokourov nous livre son portrait du Louvre.