mercredi 4 février 2015

Pierre Bachelet : "En l'an 2001" , "L'Homme en blanc", "Les corons"





Mes élèves de V D ont bien apprécié  "Emmanuelle"

 de Pierre Bachelet,  sa première chanson enregistrée

 en 1974 en français et en anglais.

Voici 3 chansons qui ont fait le  succès 

de ce chanteur d'histoires simples 

d'un temps révolu.



 Sur les photographies de ce vieux caillou
Trois millards de fourmis qui courent après nous
C'est sympa, c'est marrant mais on sera combien
Quand on aura vingt ans en l'an 2001

On posera nos valises, nos cantines en fer
Sur un bout de banquise, un coin de désert
Et on se lavera les dents avec des refrains
Quand on aura vingt ans en l'an 2001

Moi j'aurai les cheveux blancs
Je s'rai vieux demain
Quand t'auras tes vingt ans
En l'an 2001

Petit bonhomme
Tu viens d'éclore comme un ange humain
Tout petit bout d'homme
Qui tend la main
Pour faire se premiers pas
Petit bonhomme
Traverser le salon
C'est un peu comme
Atteindre l'horizon
Petit bonhomme
Faut jamais baisser les bras

Et on posera nos pelles à l'heure des repas
On chauffera nos gamelles sur des feux de bois
On fera des cerfs volants pour aller plus loin
Quand on aura vingt ans en l'an 2001

Moi j'aurai bien des tourments
Tu n'en sauras rien
Quand t'auras tes vingt ans
En l'an 2001

Petit bonhomme
Tu veux tout faire comme t'en as envie
Vivre au maximum
Brûler ta vie
Sans savoir où tu vas
Petit bonhomme
Partir sans rien savoir
C'est un peu comme
Marcher dans la nuit noire
Petit bonhomme
Et dire que j'ai fait comme toi

On se fera des igloos, on mangera du phoque
Et on plantera des clous en plein dans le roc
On aura plus de gants, on aura nos poings
Quand on aura vingt ans en l'an 2001

Sur les photographies de ce vieux caillou
Trois millards de fourmis qui courent après nous
C'est sympa, c'est marrant mais on sera combien
Quand on aura vingt ans en l'an 2001

On posera nos valises, nos cantines en fer
Sur un bout de banquise, un coin de désert
Et on se lavera les dents avec des refrains
Quand on aura vingt ans en l'an 2001


Un souvenir des voyages sudaméricains de Jean-Paul II


... on dirait que le futur Francesco l'attendait là-bas,




Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion
Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion

Il descend de l'avion il embrasse la terre
A genoux sur le sol comme on fait sa prière
Et même les officiels ne savent plus quoi faire
Avec leurs vieux discours, leurs tenues militaires
Il arrive il descend il est là l'homme en blanc
Il embrasse les enfants que la foule lui tend
Dieu que la terre est rouge quand on le voit si blanc
Comme un bateau qui bouge sur la marée des gens

Et les mots qu'il prononce dans les haut parleurs
Sont des coups de semonce qui leur vont droit au cœur
Il arrive il descend il est là l'homme en blanc
Devant chaque visage il s'arrete un instant
Et les grands des écoles chantent pour l'homme en blanc
Ces vieux chants espagnols où s'engouffrent le vent

Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion
Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion

Et même le plexiglas ,à l'épreuve des balles
Ne le sépare pas des foules qui dévalent
Il arrive il descend il est là l'homme en blanc
Son parcours est rempli par des millions de gens
Dieu que la place est noire quand on le voit si blanc
Comme une voile d'espoir où s'accrochent les gens

Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion
Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion

Et la vie qu'il annonce aux peuples à genoux
C'est comme une réponse qui les remet debout
Il arrive il descend l'homme en blanc
Il poursuit son voyage infatigablement
Dieu que le ciel est bleu quand on le voit si blanc
Comme une voile qui bouge sur la marée des gens

Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion
Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion
Senor Jesus ten piedad de nosotros
Senor Jesus ten piedad compassion
Senor Jesus ten piedad de nosotros 

Senor Jesus ten piedad compassion




Et une histoire sur le travail et la vie des  mineurs




Au nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond

Nos fenêtres donnaient sur des f'nêtres semblables
Et la pluie mouillait mon cartable
Et mon père en rentrant avait les yeux si bleus
Que je croyais voir le ciel bleu
J'apprenais mes leçons, la joue contre son bras
Je crois qu'il était fier de moi
Il était généreux comme ceux du pays
Et je lui dois ce que je suis

(Refrain)

Et c'était mon enfance, et elle était heureuse
Dans la buée des lessiveuses
Et j'avais des terrils à défaut de montagnes
D'en haut je voyais la campagne
Mon père était "gueule noire" comme l'étaient ses parents
Ma mère avait les cheveux blancs
Ils étaient de la fosse, comme on est d'un pays
Grâce à eux je sais qui je suis

(Refrain)

Y avait à la mairie le jour de la kermesse
Une photo de Jean Jaures
Et chaque verre de vin était un diamant rose
Posé sur fond de silicose
Ils parlaient de 36 et des coups de grisou
Des accidents du fond du trou
Ils aimaient leur métier comme on aime un pays
C'est avec eux que j'ai compris 



mardi 3 février 2015

ESSAI BREF IL FAUT VIVRE : HÉROS, ANTI-HÉROS OU HUMAINS ?









ESSAI BREF de Isabel Vischia III D ESABAC

IL FAUT VIVRE : HÉROS, ANTI-HÉROS OU HUMAINS ?


Héros, anti-héros ou humains ? Comment faut-il vivre ?

Céline, dans le premier document, nous propose la vie de l’anti-héros, celui qui choisit de ne pas combattre, de ne pas lutter, celui qui est considéré fou ou lâche. Mais en réalité il montre que ceux qui décident d’être soldats, de mourir pour la patrie, vont être oubliés, ou bien ils sont morts pour rien. « Il n’y a que la vie qui compte » : leur actions en vie se tournaient vers la mort.
Corneille, à travers le personnage de Don Rodrigue, nous présente son  héros : il doit être jeune, plein d’ardeur, il doit prouver son courage contre les arrogants, venger son père, avoir conscience que les liens de sang sont plus forts que l’amour. Don Diègue dit à son fils : « Meurs ou tue », en reprenant un thème typiquement grec et classique : le héros doit être valeureux, il doit se battre et il doit chercher la « mors bella » (mourir en bataille) pour obtenir le κλέος, la gloire. Le héros grec doit retourner en patrie « ἤ τάν ἤ ἐπί τάς », avec son bouclier ou sous son bouclier.
Vigny, avec « la mort du loup », nous montre un outre alternative : il faut vivre comme humains. Il nous explique que l’homme doit être capable de accepter sa propre destinée  : il observe nos actions sur terre et ce qu’on laisse : « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse ». On doit suivre son sort et puis souffrir et mourir sans parler.
Foscolo n’est pas d’accord avec Vigny : il faut être héros, il faut être valeureux. Dans « I Sepolcri » le poète nous montre que « a egregie cose il forte animo accendono l’urne dei forti » : les tombeaux des héros nous inspirent et rendent nos âmes pleines d’ardeur. Les héros non seulement sauvent la patrie, mais aussi deviennent immortels : il ne seront jamais oubliés et ils continueront à vivre dans les mémoires des vivants. En mourant, ils s’éternisent.
Le dernier document représente Achille, le héros par antonomase : sa mère, Thétis, lui donne la lance et le bouclier, les armes forgées par Héphaistos. Achille devient l’emblème des héros : il choisit sa destinée, il décide d’avoir un vie brève, mais glorieuse, plutôt que une vie longue, mais sans honneurs.

Mais enfin, chaque homme peut être un héros dans la quotidienneté, dans le rapport avec les autres, dans les bonnes actions : on ne doit pas obligatoirement chercher à imiter quelqu’un ou être meilleur de quelqu’un. Il suffit d’être toujours meilleur que la personne qu’on était le jour précédent.  









lundi 2 février 2015

Jules Michelet "HISTOIRE DE FRANCE" ... Un Hymne à la RENAISSANCE ITALIENNE








La découverte de l'Italie avait tourné la tête aux nôtres; ils n'étaient pas assez forts pour résister au charme.
Le mot propre est découverte. Les compagnons de Charles VIII ne furent pas moins étonnés que ceux de Christophe Colomb.


Excepté les Provençaux, que le commerce et la guerre y avaient souvent menés, les Français ne soupçonnaient pas cette terre ni ce peuple, ce pays de beauté, où l'art, ajoutant tant de siècles à une si heureuse nature, semblait avoir réalisé le paradis de la terre.
Le contraste était si fort avec la barbarie du Nord que les conquérants étaient éblouis, presque intimidés, de la nouveauté des objets. Devant ces tableaux, ces églises de marbre, ces vignes délicieuses peuplées de statues, devant ces vivantes statues, ces belles filles couronnées de fleurs qui venaient, les palmes en main, leur apporter les clefs des villes, ils restaient muets de stupeur. Puis leur joie éclatait dans une vivacité bruyante.


Les Provençaux qui avaient fait les expéditions de Naples avaient été ou par mer ou par le détour de la Romagne et des Abbruzes. Aucune armée n'avait, comme celle de Charles VIII, suivi la voie sacrée, l'initiation progressive qui, de Gênes ou de Milan, par Lucques, Florence et Sienne, conduit le voyageur à Rome. La haute et suprême beauté de l'Italie est dans cette forme générale et ce crescendo de merveilles, des Alpes à l'Etna. Entré, non sans saisissement, par la porte des neiges éternelles, vous trouvez un premier repos, plein de grandeur, dans la gracieuse majesté de la plaine lombarde, cette splendide corbeille de moissons, de fruits et de fleurs. Puis la Toscane, les collines si bien dessinées de Florence, donnent un sentiment exquis d'élégance, que la solennité tragique de Rome change en horreur sacrée... Est-ce tout? Un paradis plus doux vous attend à Naples, une émotion nouvelle, où l'âme se relève à la hauteur des Alpes devant le colosse fumant de Sicile...



Un événement immense s'était accompli. Le monde était changé. Pas un État européen, même des plus immobiles, qui ne se trouvât lancé dans un mouvement tout nouveau...
Quoi donc! qu'avons-nous vu? Une jeune armée, un jeune roi qui, dans leur parfaite ignorance et d'eux-mêmes et de l'ennemi, ont traversé l'Italie au galop, touché barre au détroit, puis non moins vite et sans avoir rien fait (sauf le coup de Fornoue), sont revenus conter l'histoire aux dames.
Rien que cela, c'est vrai. Mais l'événement n'en est pas moins immense et décisif. La découverte de l'Italie eut infiniment plus d'effet sur le XVIe siècle que celle de l'Amérique. Toutes les nations viennent derrière la France; elles s'initient à leur tour, elles voient clair à ce soleil nouveau.
«N'avait-on pas cent fois passé les Alpes?» Cent fois, mille fois. Mais ni les voyageurs, ni les marchands, ni les bandes militaires n'avaient rapporté l'impression révélatrice. Ici, ce fut la France entière, une petite France complète (de toute province et de toute classe), qui fut portée dans l'Italie, qui la vit et qui la sentit et se l'assimila, par ce singulier magnétisme que n'a jamais l'individu. Cette impression fut si rapide que cette armée, comme on va voir, se faisant italienne et prenant parti dans les vieilles luttes intérieures du pays, y agit pour son compte, même malgré le roi, et d'un élan tout populaire.
Rare et singulier phénomène! la France arriérée en tout (sauf un point, le matériel de la guerre), la France était moins avancée pour les arts de la paix qu'au XIVe siècle. L'Italie, au contraire, profondément mûrie par ses souffrances mêmes, ses factions, ses révolutions, était déjà en plein XVIe siècle, même au delà, par ses prophètes (Vinci et Michel-Ange). Cette barbarie étourdiment heurte un matin cette haute civilisation; c'est le choc de deux mondes, mais bien plus, de deux âges qui semblaient si loin l'un de l'autre; le choc et l'étincelle; et de cette étincelle, la colonne de feu qu'on appela la Renaissance.








dimanche 1 février 2015

De Charles Baudelaire à Philippe Claudel "Parfums" : Charogne



« Dans ce livre atroce, j’ai mis toute ma pensée, 
tout mon coeur, toute ma religion (travestie), 
toute ma haine »
Charles Baudelaire









Au détour d’un sentier, parfois, on se cogne à une odeur, sonore autant que forte, murale, brassée  par les élytres de milliers d’insectes qui font de la mort leur commerce, leur musique et leur rente. On entre alors dans le poème. Celui de Baudelaire certes. Le poème noir de la vie et de son terme. À ciel ouvert , loin de toute sépulture. Il y a la beauté du ciel, celle des arbres féconds, des fleurs accrochées aux haies (1) vives. Il y a l’herbe verte et peignée, la terre rousse, mille choses qui chantent, et puis soudain on se heurte à la mort. Entêtante (2). Sucrée. Animale. Atroce. Atroce, peut-être pas tant que cela au fond. Ratée plutôt, comme un ragoût qui aurait mal tourné, une venaison (3) oubliée dans le fond d’une casserole.  Souvent, on doit se contenter de l’odeur. La dépouille de la bête est introuvable. Est-ce son fantôme qui sent, ou bien notre terreur ? Je cherche ainsi maints cadavres dans les bois de Serres, de Flainval, ou d’Hudiviller, dont j’ai perçu les relents (4) au hasard d’un jeu de gendarmes et de voleurs. Mais qui vole quoi ? La mort a raflé la mise, emportant les esprits d’un renard troué par la chevrotine (5) d’un paysan, d’un chat pudique parti mourir loin de ses maîtres, d’un chevreuil malade, attaqué par des chiens en maraude (6). Et puis la chaleur et la corruption s’attellent (7)à l’ouvrage. Corps gonflé, gaz, humeurs suintantes. On sait le reste. Fleur insupportablement extrême, la charogne est discrète, comme si elle n’osait pas se montrer. Cachée. Hantée. Timide. Ne reste d’elle qu’un souvenir violent. Charogne est ce qui ne ressemble plus à rien. Ce qui n’a plus de forme. Le vivant honteux s’est réfugié dans la puanteur. Sa dernière résidence. Et puis, un souffle de vent frais venu des Vosges, un peu de pluie, et c’est fini. On passe au même endroit plus tard, et c’est le muguet qui nous accueille, ou l’aubépine tandis que glisse sur les mousses le pas méfiant d’une belette.

1) Clôture végétale entourant ou limitant un domaine, une propriété, un champ, faite d'arbres ou d'arbustes généralement taillés ou de branchages entrelacés. 2)Qui monte à la tête, provoque un étourdissement, une légère ivresse, enivrant, grisant. 3)Gibier 4)Mauvais goût que contracte une viande renfermée dans un lieu humide`. 5)Fusil 6)Action de rôder à la recherche de denrées alimentaires ou de menues choses à chaparder, vol. 7) S'atteler à une besogne, à une tâche

Philippe Claudel Parfums, Charogne, Éditions Stock (2012)


Encore un  récit poétique, un poème en prose 

qui nous fascine et  nous enivre …

d’une odeur  … de mort …  de renaissance,   de  vie

« Et puis ..c’est le muguet qui nous accueille »

(Qui  me rappelle De André Via del Campo)


Comme nous raconte  l’auteur,  impossible de
 ne pas penser à 

Baudelaire Charogne

 Spleen et Idéal XXVII  ( Les Fleurs du mal )





Parfums est un livre baudelairien, 

qui s’ouvre avec un citation en exergue

 de la Chevelure

et se termine sur Le voyage








samedi 31 janvier 2015

Lynda Lemay - La centenaire











Ca fait cent longs hivers
Que j'use le même corps
J'ai eu cent ans hier
Mais qu'est-ce qu'elle fait la mort

J'ai encore toute ma tête
Elle est remplie d'souvenirs
De gens que j'ai vus naître
Puis que j'ai vu mourir

J'ai tellement porté d'deuils
Qu'j'en ai les idées noires
J'suis là que j'me prépare
Je choisis mon cercueil

Mais l'docteur me répète
Visite après visite
Qu'j'ai une santé parfaite
Y'est là qu'y m'félicite

J'ai vu la Première guerre
Le premier téléphone
Me voilà centenaire
Mais bon, qu'est-ce que ça me donne

Les grands avions rugissent
Y'a une rayure au ciel
C'est comme si l'éternel
M'avait rayée d'sa liste

Ca fait cent longs hivers
Que j'use le même corps
J'ai eu cent ans hier
Mais qu'est-ce qu'elle fait la mort

Qu'est-ce que j'ai pas fini
Qu'y faudrait que j'finisse
Perdre un dernier ami
Enterrer mes petits-fils?

J'ai eu cent ans hier
Ma place est plus ici
Elle est au cimetière
Elle est au paradis

Si j'meritais l'enfer
Alors c'est réussi
Car je suis centenaire
Et j'suis encore en vie

Moi j'suis née aux chandelles
J'ai grandi au chaudron
Bien sûr que j'me rappelle
Du tout premier néon

J'ai connu la grande crise
J'allais avoir 30 ans
J'ai connu les églises
Avec du monde dedans


Moi j'ai connu les chevaux
Et les planches à  laver
Un fleuve tellement beau
Qu'on pouvait s'y baigner

Moi j'ai connu l'soleil
Avant qu'y soit dangereux
Faut-il que je sois vieille
Venez m'chercher, bon dieu

J'ai eu cent ans hier
C'est pas qu'j'ai pas prié
Mais ça aurait tout l'air
Que dieu m'a oubliée

Alors j'ai des gardiennes
Que des nouveaux visages
Des amies de passage
Payées à  la semaine

Elles parlent un langage
Qui n'sera jamais le mien
Ca m'fait du chagrin
D'avoir cinq fois leur âge

Et mille fois leur fatigue
Immobile à  ma fenêtre
Pendant qu'elles naviguent
Tranquilles sur internet

C'est vrai qu'j'attends la mort
C'est pas qu'j'sois morbide
C'est qu'j'ai cent ans dans l'corps
Et qu'j'suis encore lucide

C'est que je suis avide
Mais qu'y a plus rien à  mordre
C'est qu'mon passé déborde
Et qu'mon avenir est vide

On montre à  la télé
Des fusées qui décollent
Est-ce qu'on va m'expliquer
Ce qui m'retient au sol

Je suis d'une autre école
J'appartiens à l'histoire
J'ai eu mes années folles
J'ai eu mes heures de gloire

J'ai eu un bon mari
Et quatre beaux enfants
Mais tout l'monde est parti
Dormir au firmament

Et y'a que moi qui veille
Qui vis, qui vis encore
Je tombe de sommeil
Mais qu'est-ce qu'elle fait la mort




vendredi 30 janvier 2015

Georges Brassens: "Les copains d'abord"




"Chacun se dit ami ; mais fol qui s'y repose :
Rien n'est plus commun que ce nom,

Rien n'est plus rare que la chose."


La Fontaine








Non, ce n'était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord

Ses fluctuat nec mergitur
C'était pas d'la littérature
N'en déplaise aux jeteurs de sort
Aux jeteurs de sort
Son capitaine et ses mat'lots
N'étaient pas des enfants d'salauds
Mais des amis franco de port
Des copains d'abord

C'étaient pas des amis de luxe
Des petits Castor et Pollux
Des gens de Sodome et Gomorrhe
Sodome et Gomorrhe
C'étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boétie
Sur le ventre ils se tapaient fort
Les copains d'abord

C'étaient pas des anges non plus
L'Évangile, ils l'avaient pas lu
Mais ils s'aimaient toutes voiles dehors
Toutes voiles dehors
Jean, Pierre, Paul et compagnie
C'était leur seule litanie
Leur credo, leur confiteor
Aux copains d'abord

Au moindre coup de Trafalgar
C'est l'amitié qui prenait l'quart
C'est elle qui leur montrait le nord
Leur montrait le nord
Et quand ils étaient en détresse
Qu'leurs bras lançaient des S.O.S.
On aurait dit des sémaphores
Les copains d'abord

Au rendez-vous des bons copains
Y avait pas souvent de lapins
Quand l'un d'entre eux manquait à bord
C'est qu'il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l'eau n'se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore

Des bateaux j'en ai pris beaucoup
Mais le seul qui ait tenu le coup
Qui n'ait jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord








jeudi 29 janvier 2015

Fabrice Luchini explique "Le lion amoureux" de Jean de la Fontaine






Quel plaisir que d'écouter ce charmeur

 de fous de théâtre

On devrait lui demander de venir en cours!



"Très peu de savoir, beaucoup de saveur" 

Roland Barthes



"Sapientia; nul pouvoir, un peu de savoir, 
un peu de sagesse et le plus de saveur possible"

Charles de Montesquieu




LE LION AMOUREUX (*)
                A Mademoiselle de Sévigné

Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près,
Pourriez-vous être favorable
Aux jeux innocents d'une fable,
Et voir, sans vous épouvanter,
Un lion qu'Amour sut dompter ?
Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne le connaître
Que par récit, lui ni (1) ses coups !
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,
La fable au moins se peut souffrir (2) :
Celle-ci prend bien l'assurance (3)
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnaissance.

Du temps que les bêtes parlaient,
Les lions, entre autres, voulaient
Etre admis dans notre alliance.
Pourquoi non? Puisque leur engeance (4)
Valait la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure (5) outre cela.
Voici comment il en alla.
Un lion de haut parentage (6)
En passant par un certain pré,
Rencontra bergère à son gré :
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui semblait bien dur;
La refuser n'était pas sûr;
Même un refus eût fait possible (7),
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin ;
Car outre qu'en toute matière
La belle était pour les gens fiers,
Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc, ouvertement
N'osant renvoyer notre amant (8),
Lui dit :" Ma fille est délicate;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne, et pour les dents,
Qu'on vous les lime en même temps.
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux ;
Car ma fille y répondra mieux,
Etant sans ces inquiétudes."
Le lion consent à cela,
Tant son âme était aveuglée !
Sans dents ni griffes le voilà,
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.

Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire : " Adieu prudence!"


(*) Source : Esope "Le lion  et le laboureur"
(recueil Nevelet, p.268)
(1) et
(2) supporter
(3) hardiesse
(4) race
(5) tête d'un sanglier, d'un ours, d'un loup
et autres bêtes mordantes (Furetière)
(6) origine, naissance
(7) peut-être
(8) prétendant










mercredi 28 janvier 2015

Voix poétiques : Paul Valéry "Le cimetière marin" - Paul Fort "La complainte du petit cheval blanc" - Paul Éluard "La courbe de tes yeux" - "Liberté"



De la couleur avant toute chose...



Valery reprend tous les thèmes classiques  dans ses 24 strophes

La temps, la mort,  la lumière, la chaleur, le vent,  la mer, les vagues,

 le mouvement, la passion, l'éternité, le passé, l'âme, le corps ....




 «Aux gens, à tous les gens, je dis que l'idée m'en est venue à Sète.
C'est inexact. J'ai conçu le Cimetière Marin dans un petit hôtel
de la rive gauche où je m'étais réfugié pour travailler.
Une mélancolique insomnie a enfanté  le premier mot;
un robinet qui coulait à fait naître le second. J'avais le titre :
 il ne me restait plus à écrire que le poème."


 de Paul Valéry 



Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d'imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l'abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d'une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir...

Non, Non !... Debout ! Dans l'ère successive !
Brisez, mon corps, cette forme pensive !
Buvez, mon sein, la naissance du vent !
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme... O puissance salée !
Courons à l'onde en rejaillir vivant !...

Le vent se lève !... il faut tenter de vivre !
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies
Le toit tranquille où picoraient des focs !









La complainte du petit cheval blanc



Le petit cheval dans le mauvais temps, qu'il avait donc du courage !
C'était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.

Il n'y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n'y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.

Mais toujours il était content, menant les gars du village,
A travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.

Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sauvage.
C'est alors qu'il était content, eux derrière et lui devant.

Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu'il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant.

Il est mort sans voir le beau temps, qu'il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps ni derrière ni devant.









La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu,
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousses de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.


  






"Liberté "

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté
in Poésies et vérités, 1942