jeudi 22 janvier 2015

Sara La Rosa, II D ESABAC : saggio breve "L’Amitié : Qu’un ami véritable ami est une douce chose !"





saggio breve

Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 300 parole ).

L’Amitié : Qu’un ami véritable ami est une douce chose !

  ( Les deux amis  La Fontaine )







’L’amitié est une âme seule qui vit dans deux corps ‘’. Je veux commencer cet essai bref par cette phrase d’Aristote qui, selon moi, explique parfaitement le vrai sens de l’amitié.

Mais comment  peut-on trouver un ami ? Comment peut-on  le reconnaître ?
Personne ne peut nous aider, tout dépend de nous, nous seuls, nous pouvons  le comprendre. Il n’y pas de raison pour laquelle deux personnes sont amis, mais seulement parce qu’ils sont faits comme ça et, comme affirme Montaigne, ‘’parce que c’était lui, parce que c’était moi’’.
Et oui, ce sont bien vraies les affirmations de François de la Rochefoucauld selon lesquels l’amitié est ‘’une force inexplicable et fatale’’ qui conduit tous les hommes à chercher quelqu’un avec qui partager sa propre vie. Tous ont besoin d’avoir un ami et cela parce que l’amitié est ‘’un échange de bons offices’’, dans lequel nous nous préoccupons l’un de l’autre sans attendre rien en échange, mais au contraire en apprenant qu’il y a toujours quelque chose à ‘’gagner’’, grâce à ce rapport, même s’il ne s’agit pas d’ une chose matérielle.

Dans l’amitié il n’y a pas un amant ou une personne aimée, mais les deux sont sur le même plan: l’un veut seulement le mieux pour l’autre. Donc un ami est essentiel dans notre existence: c’est celui qui est toujours avec nous, dans les moments heureux mais surtout dans les plus difficiles qui, comme exprime La Fontaine, cherche à "nous découvrir’’ dans l’intérieur, à comprendre ‘’les besoins au fond de notre cœur’’, qui ne nous abandonnent jamais. Oui, une véritable amitié est à jamais: j’aime beaucoup cette expression en français, ‘’à jamais’’, c’est-à-dire toujours jusqu’à la fin, comme dans la chanson de Antonello Venditti, ‘’sempre al tuo fianco’’ parce qu’avec un ami ‘’posso dimenticare il male in questo gioco duro’’, qui est la vie.

Et enfin l’amitié, comme dans le tableau de Matisse, signifie se tenir par la main en faisant une ronde, dans laquelle personne ne doit se perdre, mais en fatiguant ensemble pour rester unis et créer une danse, la plus belle de l’univers, celle de l’amitié qui implique tous sans distinctions: femmes, hommes, enfants, adultes, jeunes, vieux.



Voilà pourquoi  on pourrait définir l’amitié comme une fleure précieuse qu’on doit cultiver avec attention parce que les amis sont les frères que l’on choisit.

Sara La Rosa       II D ESABAC




Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi. »
Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l'un à l'autre. Il écrivit une satire latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence, si promptement parvenue à sa perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n'avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. Celle-ci n'a point d'autre idée que d'elle-même, et ne se peut rapporter qu'à soi. Ce n'est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c'est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l'amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l'amena se plonger et se perdre en la mienne, d'une faim, d'une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien.

Les Essais, livre Ier, chapitre XXVIII - Montaigne









Nous nous plaignons quelques fois de nos amis pour justifier par avance de notre légèreté.
L’amitié la plus désintéressée n’est qu’un trafic où notre amour propre se propose toujours quelque chose à gagner.
Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner.

François de La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions diverses.






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Deux vrais amis vivaient au Monomotapa
L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre.
Les amis de ce pays-là
Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s’occupait au sommeil,
Et mettait à profit l’absence du soleil,
Un de nos deux amis sort du lit en alarme ;
Il court chez son intime, éveille les valets
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L’ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ;
Vient trouver l’autre, et dit : « Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme.
N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu,
En voici. S’il vous est venu quelque querelle,
J’ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
Etait à mes côtés : voulez-vous qu’on l’appelle ?
- Non ; dit l’ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ;
J’ai craint qu’il ne fût vrai, je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause. »
Qui d’eux aimait le mieux ? que t’en semble, lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu’on la propose.
Qu’un ami véritable est une douce chose !
II cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
II vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s’agit de ce qu’il aime.



La Fontaine, « Les deux amis », Fables, livre VIII.




Stare insieme a te è stata una partita,
va bene hai vinto tu, e tutto il resto è vita.
Ma se penso che l'amore è darsi tutto dal profondo
in questa nostra storia sono io che vado a fondo.

Ci vorrebbe un amico
per poterti dimenticare,
ci vorrebbe un amico
per dimenticare il male,
ci vorrebbe un amico
qui per sempre al mio fianco,
ci vorrebbe un amico
nel dolore e nel rimpianto.

Amore, amore illogico, amore disperato,
lo vedi sto piangendo? ma io ti ho perdonato.
E se amor che a nullo ho amato,
amore, amore mio perdona
in questa notte fredda mi basta una parola.

Ci vorrebbe un amico
per poterti dimenticare,
ci vorrebbe un amico
per dimenticare il male,
ci vorrebbe un amico
qui per sempre al mio fianco,
ci vorrebbe un amico
nel dolore e nel rimpianto.

Ci vorrebbe un amico
per poterti dimenticare,
ci vorrebbe un amico
per dimenticare tutto il male,
ci vorrebbe un amico
qui per sempre al mio fianco,
ci vorrebbe un amico
nel dolore e nel rimpianto.

vivere con te è stata una partita
il gioco è stato duro, comunque sia finita
ma sarà la notte magica o forse l'emozione
io mi ritrovo solo davanti al tuo portone.

Ci vorrebbe un amico
per poterti dimenticare,
ci vorrebbe un amico
per dimenticare il male,
ci vorrebbe un amico
qui per sempre al mio fianco,
ci vorrebbe un amico
nel dolore e nel rimpianto. Ci vorrebbe un amico....


Antonello Venditti Ci vorrebbe un amico »






La Danse est un tableau d’Henri Matisse réalisé en 1909. Ce tableau est une commande du collectionneur russe Chtchoukine, grand amateur de l’art français du début du XXe siècle et qui permettra à la Russie de découvrir très tôt les avant-gardes françaises.


















Paris .... LA NUIT avec une chanson de Yves Montand "A Paris"
















Il nous faut tout simplement 


........


regarder












A Paris
Quand un amour fleurit
Ça fait pendant des semaines
Deux cœurs qui se sourient
Tout ça parce qu'ils s'aiment
A Paris

Au printemps
Sur les toits les girouettes
Tournent et font les coquettes
Avec le premier vent
Qui passe indifférent
Nonchalant

Car le vent
Quand il vient à Paris
N'a plus qu'un seul souci
C'est d'aller musarder
Dans tous les beaux quartiers
De Paris

Le soleil
Qui est son vieux copain
Est aussi de la fête
Et comme deux collégiens
Ils s'en vont en goguette
Dans Paris

Et la main dans la main
Ils vont sans se frapper
Regardant en chemin
Si Paris a changé

Y a toujours
Des taxis en maraude
Qui vous chargent en fraude
Avant le stationnement
Où y a encore l'agent
Des taxis

Au café
On voit n'importe qui
Qui boit n'importe quoi
Qui parle avec ses mains
Qu'est là depuis le matin
Au café

Y a la Seine
A n'importe quelle heure
Elle a ses visiteurs
Qui la regardent dans les yeux
Ce sont ses amoureux
A la Seine

Et y a ceux
Ceux qui ont fait leur nid
Près du lit de la Seine
Et qui se lavent à midi
Tous les jours de la semaine
Dans la Seine

Et les autres
Ceux qui en ont assez
Parce qu'ils en ont vu de trop
Et qui veulent oublier
Alors y se jettent à l'eau
Mais la Seine

Elle préfère
Voir les jolis bateaux
Se promener sur elle
Et au fil de son eau
Jouer aux caravelles
Sur la Seine

Les ennuis
Y'en a pas qu'à Paris
Y'en a dans le monde entier
Oui mais dans le monde entier
Y a pas partout Paris
V'là l'ennui

A Paris
Au quatorze juillet
A la lueur des lampions
On danse sans arrêt
Au son de l'accordéon
Dans les rues

Depuis qu'à Paris
On a pris la Bastille
Dans tous les faubourgs
Et à chaque carrefour
Il y a des gars
Et il y a des filles
Qui sur les pavés
Sans arrêt nuit et jour
Font des tours et des tours
A Paris






dimanche 18 janvier 2015





 "Age tendre et tête de bois"


Ce qui compte pour moi
C'est qu'ils sont devenus des hommes
Et qu'un jour parmi eux
Il s'en trouvera deux...
Pour aller fonder Rome







Ils sortent de l'enfance comme s'ils sortaient d'un bois
Plus tremblant d'arrogance que de peur ou de froid
Les jeunes loups, les jeunes loups.
Ils abordent la vie avec la même foi
Chacun guettant sa proie d'un égal appétit
De jeune loup, les jeunes loups

Si vous tentez de les séduire
Ils vous montrent les dents,
Mais quand ils sourient leur sourire
Est celui d'une enfant.
Il ne faut pas les flatter
De la main, ce ne sont pas des chiens
Ils gardent toujours leur fierté
Même s'ils n'ont pour manger
Qu'un seul os à ronger.

Ils aiment s'amuser, mais ne savent pas qu'ils jouent
Quand entre chien et loup on les voit déguisés
En loups-garous, les jeunes loups.
Parfois leurs yeux s'allument
Quand passe une ingénue
Aux longs cheveux de lune
Qu'ils suivent dans la rue
A pas de loups, les jeunes loups.

Et bientôt dans leur cœur tout bouge
Quand ils se voient tremblant
Au bras d'un petit chaperon rouge
Qu'ils habillent de blanc
Ils se croient apprivoisés,
Installés dans un conte de fées
Mais rien n'est fini pour autant
Car la vie les attend
Pour leur faire les dents

Pour que jeunesse se passe
Ou sans raison du tout
On leur dit tout à coup
D'aller faire la chasse,
Aux autres loups, les jeunes loups.

Avec ou sans lauriers, ils reviennent meurtris
Et peuvent réciter, même sans l'avoir appris
La mort du loup, les jeunes loups
Alors ils arrêtent leurs frasques
Et s'arrachent soudain
Le loup qui leur servait de masque
Et par un beau matin
Se retrouvent à la croisée des chemins
Seuls devant leur destin
Et prennent la voie de leur choix
Qu'ils poursuivent tout droit
Sans reculer d'un pas.
Même si beaucoup d'entre eux
Vivent sans foi ni loi,
Cela importe peu
Ce qui compte pour moi
C'est qu'ils sont devenus des hommes
Et qu'un jour parmi eux
Il s'en trouvera deux...
Pour aller fonder Rome









samedi 17 janvier 2015

"NOTTE AL LICEO CLASSICO E. CAIROLI" : THE OVAL PORTRAIT (1842) -LE PORTRAIT OVALE (1857)




THE OVAL PORTRAIT (1842) 
                         

LE PORTRAIT OVALE (1857)
Le désir de peindre

         Malheureux peut-être l'homme, mais heureux l'artiste que le désir déchire!
   Je brûle de peindre celle qui m'est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme

 une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu'elle a disparu!
   
Elle est belle, et plus que belle; elle est surprenante. En elle le noir abonde: et tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l'éclair: c'est une explosion dans les ténèbres.
 
  Je la comparerais à un soleil noir, si l'on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l'a marquée de sa redoutable influence; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d'une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l'herbe terrifiée!
   Dans son petit front habitent la volonté tenace et l'amour de la proie. Cependant, au bas
de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l'inconnu et l'impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d'une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
   Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.

       Charles  Baudelaire Le spleen de Paris (1869)


         Le Désir de peindre évoque, par le biais d’une métaphore picturale topique, le problème de la représentation qui sous-tend l’écriture du poème. L’objet de cette « peinture » est une belle femme « apparue si rarement » et qui a « disparu ». Sa description, qui se fait pour ainsi dire à coups d’essai, thématise la recherche de l’expression  juste et montre in actu l’élaboration du texte littéraire. Dans cette   perspective, Le Désir de peindre se présente comme un texte fondamental  pour l’analyse de l’esthétique baudelairienne.
          Peter Fröhlicher




       Le portrait, je l’ai déjà dit, était celui d’une jeune fille. C’était une simple tête, avec des épaules, le tout dans ce style qu’on appelle, en langage technique, style de vignette ; beaucoup de la manière de Sully dans ses têtes de prédilection. Les bras, le sein, et même les bouts des cheveux rayonnants, se fondaient insaisissablement dans l’ombre vague, mais profonde, qui servait de fond à l’ensemble. Le cadre était ovale, magnifiquement doré et guilloché dans le goût moresque. Comme œuvre d’art, on ne pouvait rien trouver de plus admirable que la peinture elle-même. Mais il se peut bien que ce ne fût ni l’exécution de l’œuvre, ni l’immortelle beauté de la physionomie qui m’impressionna si soudainement et si fortement. Encore moins devais-je croire que mon imagination, sortant d’un demi-sommeil, eût pris la tête pour celle d’une personne vivante. — Je vis tout d’abord que les détails du dessin, le style de vignette et l’aspect du cadre auraient immédiatement dissipé un pareil charme, et m’auraient préservé de toute illusion même momentanée. Tout en faisant ces réflexions, et très vivement, je restai, à demi étendu, à demi assis, une heure entière peut-être, les yeux rivés à ce portrait.
        À la longue, ayant découvert le vrai secret de son effet, je me laissai retomber sur le lit. J’avais deviné que le charme de la peinture était une

expression vitale

         absolument adéquate à la vie elle-même, qui d’abord m’avait fait tressaillir, et finalement m’avait confondu, subjugué, épouvanté. Avec une terreur profonde et respectueuse, je replaçai le candélabre dans sa position première. Ayant ainsi dérobé à ma vue la cause de ma profonde agitation, je cherchai vivement le volume qui contenait l’analyse des tableaux et leur histoire. Allant droit au numéro qui désignait le portrait ovale, j’y lus le vague et singulier récit qui suit :

        « C’était une jeune fille d’une très rare beauté, et qui n’était pas moins aimable que pleine de gaieté. Et maudite fut l’heure où elle vit, et aima, et épousa le peintre. Lui, passionné, studieux, austère, et ayant déjà trouvé une épouse dans son Art ; elle, une jeune fille d’une très rare beauté, et non moins aimable que pleine de gaieté : rien que lumière et sourires, et la folâtrerie d’un jeune faon ; aimant et chérissant toutes choses ; ne haïssant que l’Art qui était son rival ; ne redoutant que la palette et les brosses, et les autres instruments fâcheux qui la privaient de la figure de son adoré. Ce fut une terrible chose pour cette dame que d’entendre le peintre parler du désir de peindre sa jeune épouse. Mais elle était humble et obéissante, et elle s’assit avec douceur pendant de longues semaines dans la sombre et haute chambre de la tour, où la lumière filtrait sur la pâle toile seulement par le plafond. Mais lui, le peintre, mettait sa gloire dans son œuvre, qui avançait d’heure en heure et de jour en jour. —

         Et c’était un homme passionné, et étrange, et pensif, qui se perdait en rêveries ; si bien qu’il ne voulait pas voir que la lumière qui tombait si lugubrement dans cette tour isolée desséchait la santé et les esprits de sa femme, qui languissait visiblement pour tout le monde, excepté pour lui. Cependant, elle souriait toujours, et toujours sans se plaindre, parce qu’elle voyait que le peintre (qui avait un grand renom) prenait un plaisir vif et brûlant dans sa tâche, et travaillait nuit et jour pour peindre celle qui l’aimait si fort, mais qui devenait de jour en jour plus languissante et plus faible. Et, en vérité, ceux qui contemplaient le portrait parlaient à voix basse de sa ressemblance, comme d’une puissante merveille et comme d’une preuve non moins grande de la puissance du peintre que de son profond amour pour celle qu’il peignait si miraculeusement bien. — 

         Mais, à la longue, comme la besogne approchait de sa fin, personne ne fut plus admis dans la tour ; car le peintre était devenu fou par l’ardeur de son travail, et il détournait rarement ses yeux de la toile, même pour regarder la figure de sa femme. Et il ne voulait pas voir que les couleurs qu’il étalait sur la toile étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui. Et, quand bien des semaines furent passées et qu’il ne restait plus que peu de chose à faire, rien qu’une touche sur la bouche et un glacis sur l’œil, l’esprit de la dame palpita encore comme la flamme dans le bec d’une lampe. 

         Et alors la touche fut donnée, et alors le glacis fut placé ; et pendant un moment le peintre se tint en extase devant le travail qu’il avait travaillé ; mais, une minute après, comme il contemplait encore, il trembla, et il fut frappé d’effroi ; et, criant d’une voix éclatante : « En vérité, c’est la Vie elle-même ! » il se retourna brusquement pour regarder sa bien-aimée : — elle était morte ! »





Le Confiteor de l'Artiste

         Que les fins de journées d’automne sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu’à la douleur ! 
car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité ; et il n’est
 pas de pointe plus acérée que celle de l’Infini. Grand délice que celui de noyer son regard 
dans l’immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l’azur ! une petite voile frissonnante à l’horizon, et qui par sa petitesse et son isolement imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle,  toutes  ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions. Toutefois, ces pensées, qu’elles sortent de moi ou s’élancent des choses, deviennent bientôt trop intenses. L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. Mes nerfs  trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses. Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité  de la mer, l’immuabilité du spectacle me révoltent… Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi ! Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil !
L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur 
avant d’être vaincu.

              Charles Baudelaire   Le Spleen de Paris
  

   Les phares

 Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
 
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères de boxeurs, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,

Grand coeur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,

Puget, mélancolique empereur des forçats ;



Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,

Comme des papillons, errent en flamboyant,

Décors frais et légers décorés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu’on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir, et d’enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté de mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C’est pour les coeurs mortels un divin opium !

C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C’est un phare allumé par mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous pouvons donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !

Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857.



Le tombeau d ’Edgar POE

 

Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,

Le Poète suscite avec un glaive nu

Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu

Que la Mort triomphait dans cette voix étrange !