Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce que aumoment où je la percevais, mon imagination qui était mon seul organe pourjouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle en vertu de la loi inévitable quiveut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l’effetde cette dure loi s’était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation — bruit de lafourchette et du marteau, même inégalité de pavés — à la fois dans le passéce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent oùl’ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêvesde l’imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l’idée d’existence —et grâce à ce subterfuge avait permis à mon être d’obtenir, d’isoler,d’immobiliser — la durée d’un éclair — ce qu’il n’appréhende jamais : un peude temps à l’état pur. L’être qui était rené en moi quand, avec un tel frémissement de bonheur, j’avais entendu le bruitcommun à la fois à la cuiller qui touche l’assiette et au marteau qui frappe surla roue, à l’inégalité pour les pas des pavés de la cour Guermantes et dubaptistère de Saint-Marc, cet être-là ne se nourrit que de l’essence des choses,en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices. Il languit dansl’observation du présent où les sens ne peuvent la lui apporter, dans laconsidération d’un passé que l’intelligence lui dessèche, dans l’attente d’unavenir que la volonté construit avec des fragments du présent et du passéauxquels elle retire encore de leur réalité ne conservant d’eux que ce quiconvient à la fin utilitaire, étroitement humaine qu’elle leur assigne. Mais qu’unbruit, qu’une odeur, déjà entendu et respirée jadis le soient de nouveau, à lafois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans êtreabstraits, aussitôt l’essence permanente et habituellement cachée des chosesse trouve libérée et notre vrai moi qui parfois depuis longtemps, semblait mort,mais ne l’était pas autrement, s’éveille, s’anime en recevant la célestenourriture qui lui est apportée. Une minute affranchie de l’ordre du temps a recréé en nous pour la sentir l’homme affranchi de l’ordre du temps. Et celui-là on comprend qu’il soit confiant dans sa joie, même si le simple goût d’une madeleine ne semble pas contenir logiquement les raisons de cette joie, on comprend que le mot de mort n’ait pas de sens pour lui ; situé hors du temps,que pourrait-il craindre de l’avenir ?
jeudi 2 avril 2015
Marcel Proust 'A la recherche du temps perdu" Le Temps retrouvé : "Un expédient merveilleux de la nature" ... L'édifice immense du souvenir
Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce que aumoment où je la percevais, mon imagination qui était mon seul organe pourjouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle en vertu de la loi inévitable quiveut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l’effetde cette dure loi s’était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation — bruit de lafourchette et du marteau, même inégalité de pavés — à la fois dans le passéce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent oùl’ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêvesde l’imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l’idée d’existence —et grâce à ce subterfuge avait permis à mon être d’obtenir, d’isoler,d’immobiliser — la durée d’un éclair — ce qu’il n’appréhende jamais : un peude temps à l’état pur. L’être qui était rené en moi quand, avec un tel frémissement de bonheur, j’avais entendu le bruitcommun à la fois à la cuiller qui touche l’assiette et au marteau qui frappe surla roue, à l’inégalité pour les pas des pavés de la cour Guermantes et dubaptistère de Saint-Marc, cet être-là ne se nourrit que de l’essence des choses,en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices. Il languit dansl’observation du présent où les sens ne peuvent la lui apporter, dans laconsidération d’un passé que l’intelligence lui dessèche, dans l’attente d’unavenir que la volonté construit avec des fragments du présent et du passéauxquels elle retire encore de leur réalité ne conservant d’eux que ce quiconvient à la fin utilitaire, étroitement humaine qu’elle leur assigne. Mais qu’unbruit, qu’une odeur, déjà entendu et respirée jadis le soient de nouveau, à lafois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans êtreabstraits, aussitôt l’essence permanente et habituellement cachée des chosesse trouve libérée et notre vrai moi qui parfois depuis longtemps, semblait mort,mais ne l’était pas autrement, s’éveille, s’anime en recevant la célestenourriture qui lui est apportée. Une minute affranchie de l’ordre du temps a recréé en nous pour la sentir l’homme affranchi de l’ordre du temps. Et celui-là on comprend qu’il soit confiant dans sa joie, même si le simple goût d’une madeleine ne semble pas contenir logiquement les raisons de cette joie, on comprend que le mot de mort n’ait pas de sens pour lui ; situé hors du temps,que pourrait-il craindre de l’avenir ?
mardi 31 mars 2015
De Vaux-le-Vicomte à Versailles : La naissance de l'absolutisme
L'intérêt montré par mes élèves de V D ESABAC
pour les événements concernant le surintendant
de Louis XIV
Nicolas Fouquet
m'a poussé à cette petite recherche.
HERODOTE ;
Le film de Roberto Rossellini
VISITE DU CHATEAU DE
VAUX-LE-VICOMTE
samedi 28 mars 2015
HENRI TACHAN : Pas vieillir, pas mourir.
Voici une très belle chanson d' Henri Tachan
Le mois d'avril approche ...
c'est un mois d'anniversaires
voilà pourquoi
que je l'offre à Mes Chères Collègues
Je veux avoir le temps d'apprivoiser les
mouches,
Je veux l'Eternité pour apprendre ta
bouche,
Je veux voir les saisons minute par minute,
Brindille par brindille tout le bois de ma
hutte.
Je veux, chaque seconde, connaître une
habitude,
Comme un chien familier, comme la solitude,
Je veux me coucher là et n'être pas
rentable,
Je veux vivre la vie d'une pierre, d'une
table,
Sans suspense, sans destin, sans crainte,
sans dénouement,
Je veux avoir le temps de perdre tout mon
temps.
Je ne veux pas vieillir, je ne veux pas mourir, je n'veux pas !
Je veux que tu sois belle et que tu brûles
ailleurs,
Comme une bête en feu sans que j'aie ni
douleur
Ni jalousie ni haine ni fierté pour rien,
Je ne veux plus, familles, votre orgueil
sicilien,
Je veux avoir le temps de simplifier nos
corps.
Cette fille qui passe, il me la faut
encore,
Cet étranger te plaît et c'est épidermique,
Je veux avoir le temps de comprendre cette
musique,
Je veux avoir le temps de ne plus avoir
mal,
Je veux avoir le temps d'être enfin animal.
Je ne veux pas vieillir, je ne veux pas mourir, je n'veux pas !
Je ne veux pas vieillir, je ne veux pas mourir, je n'veux pas !
Je veux des barricades qui servent à quelque chose,
Que près des immortelles, elles vivent, les
roses,
Je veux que les enfants ne soient plus des
victimes,
Qu'on raye des dictionnaires
"bombarde", "tue", "assassine",
Je veux que la Raison n'ait plus droit de
cité,
Qu'"intelligent",
"malin" deviennent inusités,
Je veux avoir le temps de faire vingt ans
de taule,
Cent ans de poésie, mille ans sur ton
épaule,
Je veux avoir le temps d'être ni vieux ni
sage,
Je veux avoir le temps d'être l'idiot du
village.
Je ne veux pas vieillir, je ne veux pas mourir, je n'veux pas !
Fabio Scotto "Yves Bonnefoy e l’Italia", Sala Varesecorsi di Piazza Motta a Varese
Fabio Scotto
"Yves Bonnefoy e l’Italia"
Un incontro della Dante Alighieri
La Società Dante Alighieri di Varese in collaborazione
con il Comune di Varese organizza lunedì, 30 marzo 2015
alle ore 16, presso la Sala Varesecorsi di Piazza Motta a
Varese, l’incontro sul tema: “Yves Bonnefoy e l’Italia.
Saggi, traduzioni e poesie”. Il relatore dell’incontro
è il poeta Fabio Scotto, docente di Letteratura francese
presso l’Università degli studi di Bergamo. Fabio Scotto
è stato curatore dell’ampio Meridiano Mondadori dedicato
al poeta francese.
è il poeta Fabio Scotto, docente di Letteratura francese
presso l’Università degli studi di Bergamo. Fabio Scotto
è stato curatore dell’ampio Meridiano Mondadori dedicato
al poeta francese.
Fabio Scotto est né à La Spezia en 1959 et vit à Varèse en Italie. Poète, il est l’auteur de huit recueils et de nombreux livres d’artiste et ses poèmes ont été traduits en une dizaine de langues. En français ont paru les recueils Piume/Plumes/Federn, Éditions En Forêt / Verlag Im Wald, 1997,Voix de la vue, Hôtel Continental, 2002, Le corps du sable, L’Amourier, 2006 (Finaliste au Prix “Max Jacob étranger” 2007), Les nuages, le vent. Poésies de Ségaliérette, Manière Noire éditeur, 2006,L’ivre mort, Trames, 2007, des poèmes dans les revues AUBE Magazine, Le Guide céleste, Correspondances, Travers, L’Humanité, Europe, Aujourd’hui poème, Scherzo, Le frisson esthétique, Thauma, Exit, ainsi que les éditions qu’il a procurées du Cahier Yves Bonnefoy de la revue Europe (n°890-891, 2003) et du Colloque de Cerisy Bernard Noël: le corps du verbe (ENS éditions, 2008).
Professeur de langue et de littérature françaises à l’Université de Bergame, spécialiste de l’oeuvre de Bernard Noël et d’Yves Bonnefoy, il est l’auteur des essais Le Neveu de Rameau de Denis Diderot(1992), Bernard Noël: il corpo del verbo (1995) et de nombreux articles et communications sur Tardieu, Michon, Michaux, Cendrars, Ponge, Bonnefoy, Frénaud, Cioran et d’autres. Il a traduit une trentaine d’ouvrages, parmi lesquels Chatterton d’Alfred de Vigny, Notre-Dame de Paris de Victor Hugo (préface d’Umberto Eco), les Premières poésies de Villiers de l’Isle-Adam, L’opera poeticad’Yves Bonnefoy pour Mondadori, plusieurs livres de Bernard Noël et a récemment édité et traduit une importante anthologie de la nouvelle poésie française (Nuovi poeti francesi, Einaudi, 2011).Il a reçu en Italie les Prix de traduction littéraire “Civitanova Poesia 1998”, “Achille Marazza 2004” et le Prix Spécial du jury du “Premio Europeo 2006”.
Yves Bonnefoy
jeudi 26 mars 2015
Marcel Proust "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature"
"Les musées sont des maisons
qui abritent seulement des pensées"
in Rembrandt
Marcel Proust "Essais et critiques" ED. folio essais 1971
La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule
vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.
Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez
tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils
ne la voient pas parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir.
Et ainsi leur passé est encombré d'innombrables clichés
qui restent inutiles parce que l'intelligence ne les a pas
«développés». Notre vie, et aussi la vie des autres, car
le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le
peintre est une question non de technique, mais de vision.
Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens
directs et conscients de la différence qualitative qu'il y a
dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui,
s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun.
Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce
que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que
le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi
inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. Grâce
à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le
voyons se multiplier et autant qu'il y a d'artistes originaux,
autant nous avons de mondes à notre disposition, plus
différents les uns des autres que ceux qui roulent dans
l'infini, et bien des siècles après qu'est éteint le foyer dont
il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous
envoient encore leur rayon spécial.
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu III,
Le Temps Retrouvé,
p. 891 Ed. Bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard
mardi 24 mars 2015
Barbara: "Il pleut sur Nantes"
Une chanson noire pour un affreux
souvenir de Barbara ...
Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin
Un matin comme celui-là
Il y a juste un an déjà
La ville avait ce teint blafard
Lorsque je sortis de la gare
Nantes m'était encore inconnue
Je n'y étais jamais venue
Il avait fallu ce message
Pour que je fasse le voyage:
"Madame soyez au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Faites vite, il y a peu d'espoir
Il a demandé à vous voir."
A l'heure de sa dernière heure
Après bien des années d'errance
Il me revenait en plein cœur
Son cri déchirait le silence
Depuis qu'il s'en était allé
Longtemps je l'avais espéré
Ce vagabond, ce disparu
Voilà qu'il m'était revenu
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Je m'en souviens du rendez-vous
Et j'ai gravé dans ma mémoire
Cette chambre au fond d'un couloir
Assis près d'une cheminée
J'ai vu quatre hommes se lever
La lumière était froide et blanche
Ils portaient l'habit du dimanche
Je n'ai pas posé de questions
A ces étranges compagnons
J'ai rien dit, mais à leurs regards
J'ai compris qu'il était trop tard
Pourtant j'étais au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Mais il ne m'a jamais revue
Il avait déjà disparu
Voilà, tu la connais l'histoire
Il était revenu un soir
Et ce fut son dernier voyage
Et ce fut son dernier rivage
Il voulait avant de mourir
Se réchauffer à mon sourire
Mais il mourut à la nuit même
Sans un adieu, sans un "je t'aime"
Au chemin qui longe la mer
Couché dans le jardin des pierres
Je veux que tranquille il repose
Je l'ai couché dessous les roses
Mon père, mon père
Il pleut sur Nantes
Et je me souviens
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin
Un matin comme celui-là
Il y a juste un an déjà
La ville avait ce teint blafard
Lorsque je sortis de la gare
Nantes m'était encore inconnue
Je n'y étais jamais venue
Il avait fallu ce message
Pour que je fasse le voyage:
"Madame soyez au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Faites vite, il y a peu d'espoir
Il a demandé à vous voir."
A l'heure de sa dernière heure
Après bien des années d'errance
Il me revenait en plein cœur
Son cri déchirait le silence
Depuis qu'il s'en était allé
Longtemps je l'avais espéré
Ce vagabond, ce disparu
Voilà qu'il m'était revenu
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Je m'en souviens du rendez-vous
Et j'ai gravé dans ma mémoire
Cette chambre au fond d'un couloir
Assis près d'une cheminée
J'ai vu quatre hommes se lever
La lumière était froide et blanche
Ils portaient l'habit du dimanche
Je n'ai pas posé de questions
A ces étranges compagnons
J'ai rien dit, mais à leurs regards
J'ai compris qu'il était trop tard
Pourtant j'étais au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Mais il ne m'a jamais revue
Il avait déjà disparu
Voilà, tu la connais l'histoire
Il était revenu un soir
Et ce fut son dernier voyage
Et ce fut son dernier rivage
Il voulait avant de mourir
Se réchauffer à mon sourire
Mais il mourut à la nuit même
Sans un adieu, sans un "je t'aime"
Au chemin qui longe la mer
Couché dans le jardin des pierres
Je veux que tranquille il repose
Je l'ai couché dessous les roses
Mon père, mon père
Il pleut sur Nantes
Et je me souviens
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin
Marcel Proust : "Sur la lecture"
Fragonard "La liseuse"
Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons
si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans
les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré.
Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres, et que
nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin :
le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le
plus intéressant, l’abeille ou le rayon de soleil gênants qui
nous forçaient à lever les yeux de la page ou à changer de
place, les provisions de goûter qu’on nous avait fait emporter
et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher,
tandis que, au-dessus de notre tête, le soleil diminuait de
force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu
rentrer et pendant lequel nous ne pensions qu’à monter finir,
tout de suite après, le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose
que l’importunité, elle en gravait au contraire en nous un
souvenir tellement doux (tellement plus précieux à notre
jugement actuel que ce que nous lisions alors avec amour)
que, s’il nous arrive encore aujourd’hui de feuilleter ces
livres d’autrefois, ce n’est plus que comme les seuls
calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et
avec l’espoir de voir reflétés sur leurs pages les demeures
et les étangs qui n’existent plus.
Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au
temps des vacances, qu’on allait cacher successivement
dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez
paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile.
Le matin, en rentrant du parc, quand tout le monde était
parti faire une promenade, je me glissais dans la salle à
manger, où, jusqu’à l’heure encore lointaine du déjeuner, personne n’entrerait que la vieille Félicie relativement silencieuse, et où je n’aurais pour compagnons, très
respectueux de la lecture, que les assiettes peintes
accrochées au mur, le calendrier dont la feuille
de la veille avait été fraîchement arrachée, la pendule
et le feu qui parlent sans demander qu’on leur réponde
et dont les doux propos vides de sens ne viennent pas,
comme les paroles des hommes, en substituer un différent
à celui des mots que vous lisez.
lundi 23 mars 2015
BAC BLANC: Voltaire : "Prière à Dieu"
BAC BLANC
Prova
di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE
a) analisi di un testo
Dopo
avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione
personale sul tema proposto.
" Prière
à Dieu "
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de
tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis
à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste
de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui a tout donné, à toi
dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les
erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos
calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour
nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le
fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre
les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages
insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois
imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions
si disproportionnées à tes yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces
petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de
persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te
célébrer supporte ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que
ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne
détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine
noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne
langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint
en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de
boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain
métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et
que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces
vanités ni envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient
en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le
brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie
paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons
pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et
employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages
divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet
instant.
Voltaire, Traité sur la tolérance à
l’occasion de la mort de Jean Calas, Chapitre XXIII, (1763)
COMPREHENSION
1)Étudiez le système énonciatif mis en place dans ce texte. Quels sont les
trois destinataires successifs de cette longue apostrophe ?
2)Quels éléments permettent d’apparenter cet extrait à une prière ?
INTERPRETATION
1)Quelles images de l’homme ce texte
développe-t-il dans le premier paragraphe ?
2)Relevez et commentez les termes et les expressions dévalorisantes.
2)Quelles valeurs Voltaire défend-il ? Quelles sont les cibles qu’il
attaque ?
REFLEXION PERSONNELLE
En vous appuyant aussi sur vos lectures,
précisez le rôle du philosophe
au XVIIIe siècle.
( 300 mots - 30 lignes )
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