mercredi 7 janvier 2015

Charles Baudelaire : Le voyage







Le Voyage

À Maxime du Camp

I
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est petit!
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers:
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!

II
Nous imitons, horreur! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où!
Où l'Homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou!
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie;
Une voix retentit sur le pont: «Ouvre l'oeil!»
Une voix de la hune, ardente et folle, crie:
«Amour... gloire... bonheur!» Enfer! c'est un écueil!
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.
Ô le pauvre amoureux des pays chimériques!
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer?
Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

III
Etonnants voyageurs! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers!
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile!
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu?





IV
«Nous avons vu des astres
Et des flots, nous avons vu des sables aussi;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.
Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux!
— La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près!
Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès? — Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin!
Nous avons salué des idoles à trompe;
Des trônes constellés de joyaux lumineux;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux;
Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse.»


V
Et puis, et puis encore?

VI

«Ô cerveaux enfantins!
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché:
La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout;
Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant;
Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté;
L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie:
»Ô mon semblable, mon maître, je te maudis!«
Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense!
— Tel est du globe entier l'éternel bulletin.»



VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage!
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui!
Faut-il partir? rester? Si tu peux rester, reste;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps! Il est, hélas! des coureurs sans répit,
Comme le Juif errant et comme les apôtres,
À qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme; il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier: En avant!
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix charmantes et funèbres,
Qui chantent: «Par ici vous qui voulez manger
Le Lotus parfumé! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin!»
À l'accent familier nous devinons le spectre;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
«Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre!»
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

VIII
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons!
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!

 Charles Baudelaire














mardi 6 janvier 2015

Au coeur des poèmes... à étudier par coeur







Les étrennes des orphelins (extrait)


-- Ah ! quel beau matin que ce matin des étrennes !

Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,
Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s'éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher...
On entrait !... Puis alors les souhaits... en chemise,
Les baisers répétés, et la gaieté permise.

Arthur RIMBAUD, extrait des « Etrennes des orphelins »

            dit par Jean topart







Le Vin des amants
          
Aujourd'hui l'espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !

Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !

Mollement balancés sur l'aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,

Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !

Charles BAUDELAIRE  Les Fleurs du mal (1857)
          dit par L. DESANTI 







Liberté

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenirs
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.

Paul ELUARD, Poésie et vérité 1942 (1942)
          dit par GERARD PHILIPPE










Les deux pigeons
Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre :
L'un d'eux s'ennuyant au logis,
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L'autre lui dit : « Qu'allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère ?
L'absence est le plus grand des maux :
Non pas pour vous, cruel ! Au moins, que les travaux,
Les dangers, les soins du voyage,
Changent un peu votre courage.
Encor si la saison s'avançait davantage !
Attendez les zéphyrs. Qui vous presse ? Un corbeau
Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau.
Je ne songerai plus que rencontre funeste,
Que faucons, que réseaux. « Hélas, dirai-je, il pleut :
« Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,
« Bon soupé, bon gîte, et le reste ? »
Ce discours ébranla le coeur
De notre imprudent voyageur ;
Mais le désir de voir et l'humeur inquiète
L'emportèrent enfin. Il dit : « Ne pleurez point :
Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ;
Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes aventures à mon frère ;
Je le désennuierai : quiconque ne voit guère
N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint
Vous sera d'un plaisir extrême.
Je dirai : « J'étais là ; telle chose m'advint»;
Vous y croirez être vous-même. »
A ces mots en pleurant ils se dirent adieu.
Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage
L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.
Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage
Maltraita le pigeon en dépit du feuillage.
L'air devenu serein, il part tout morfondu,
Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,
Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,
Voit un pigeon auprès : cela lui donne envie ;
Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un lacs
Les menteurs et traîtres appas.
Le lacs était usé ; si bien que de son aile,
De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.
Quelque plume y périt ; et le pis du destin
Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle
Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle
Et les morceaux du lacs qui l'avaient attrapé,
Semblait un forçat échappé.
Le vautour s'en allait le lier, quand des nues
Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.
Le pigeon profita du conflit des voleurs,
S'envola, s'abattit auprès d'une masure,
Crut pour ce coup que ses malheurs
Finiraient par cette aventure ;
Mais un fripon d'enfant (cet âge est sans pitié)
Prit sa fronde, et, du coup tua plus d'à moitié
La volatile malheureuse,
Qui, maudissant sa curiosité,
Traînant l'aile, et tirant le pié,
Demi-morte et demi-boiteuse,
Droit au logis s'en retourna.
Que bien que mal elle arriva,
Sans autre aventure fâcheuse.
Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger
De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.
  Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Que ce soit aux rives prochaines ;
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.

J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par le pas, éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère
Je servis engagé par mes premiers serments.
Hélas ! Quand reviendront de semblables moments ?
Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ?
Ah! si mon coeur osait encor se renflammer !
Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ?
Ai-je passé le temps d'aimer ?


Jean de LA FONTAINE  Fables, livre IX (1679)


dit par  GERARD PHILIPPE










 «Plaise à Celui qui Est peut-être 
de dilater  le coeur de l'homme 
à la mesure de toute la vie.»


Epitaphe

Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insoucieux et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre,
Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait.

C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre
Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet ;
Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l'histoire,
Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu.

Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie,
Il s'en alla disant : « Pourquoi suis-je venu ? »

Gérard DE NERVAL, Poésies diverses (1877)

dit par ALAIN CLUNY





lundi 5 janvier 2015

Jehan Jonas pour Mes Amis Rouennais ...ALICE et NICOLAS, EVELYNE, MARIE-PIERRE, NICOLAS





Jehan Jonas pour Mes Amis Rouennais 



ALICE et  NICOLAS, EVELYNE, 

MARIE-PIERRE,  NICOLAS


qui apparemment ne connaissent pas tellement

ce grand chanteur




Une âme et un couteau
La panoplie du crime
J'enroule sur mes rimes
La nuit comme un manteau
À la lueur d'un bec
De gaz anthropologue
J'attends comme une drogue
La joie d'occire un mec

Je suis un assassin
De vocation tardive
Mon allure chétive
Ne vous prouvera rien
Fi du fonctionnariat
Où j'ai laissé des plumes
Cette nuit dans la brume
Je guette le bourgeois

La rue comme une main
Étire sa peau triste
Et je vois en artiste
Les traces du destin
Sur ses veines s'achève
Un corps étendu dans
Une flaque de sang
Voyez, déjà je rêve

Je suis un assassin
Je fais dans le mystère
Des heures supplémentaires
Qui ne me coûtent rien
Le bureau imbécile
Qui traîne ma savate
Comme un fil à la patte
Sombre dans l'air tranquille

J'ai joué de la lame
Alors et au silence
Un trou dans une panse
Pour en faire sortir l'âme
Demain tous les journaux
Rougiront leurs colonnes
Du sang de la personne
Qui baigne entre deux eaux

Je suis un assassin
De vocation brutale
Seul avec tous ces râles
Je ne partage rien
Puis je reprends ma peau
Banale et anonyme
Huit heures qui s'anime
C'est l'heure du bureau



T'es qu'un flic de Paris, t'es qu'un flic de Paris

T'es la flicaille des gens honnêtes
Avec un œil dans nos assiettes,
Tu fais l'beau aux sorties de l'usine
L'air aggripant de Steve Mac Queen

Les pigeons font sur nos toitures
C'que tu fais toi sur nos voitures,
Autant qu'ils visent les monuments
Que toi t'évites les gouvernants

T'es qu'un flic de Paris, t'es qu'un flic de Paris

T'as d'l'avancement qui s'croise les bras
Dans les idées lorsque t'en as,
Tu bouches à droite pour le turbin,
Tu votes à gauche pour t'faire du bien

Comme une Peau d'Âne qui aurait pas tout,
T'es d'la pèlerine et rien en d'ssous,
De la baudruche assermentée
Gonflée au vent de la société

Bref un flic de Paris, bref un flic de Paris

Dans le panier de la connerie
Tu vas taper sur les gars qui
N'ont pas voulu marcher tout droit
Et qu'ton odeur n'impressionne pas

Tu m'diras qu'tu fais ton boulot
Qu't'es pas payé pour le cerveau,
Heureusement qu'on t'paye pas pour ça
Parce que sinon tu boufferais quoi ?

P't-être les flics de Paris, p't-être les flics de Paris

Depuis qu't'as prononcé tes vœux
Tu as l'esprit qui boite un peu,
Moitié par les coups du regret,
Moitié par les coups d'beaujolais

Si tu fous tes amis au clou
Pour un danger qui t'serre le cou,
Garde le ridicule qu'on te donne,
C'est l'seul au moins qui n'tue personne

Même les flics de Paris, même les flics de Paris

Chez toi, quand on pose des questions,
C'est pas à coups d'conversation,
Même quand t'interroges le bon Dieu
Y ressort jamais avec des bleus

T'as la manière d'te rendre utile
En uniforme ou en civil,
T'as beau bouffer du Gargantua,
T'es jamais qu'un larbin de l'Etat

Et un flic de Paris, et un flic de Paris

Enveloppé de ta sépulture
On t'sortira d'la préfecture
Pour un p'tit coin à concessions
Où on f'ra pousser des bâtons

En attendant tu fais des p'tits,
Tu bouches le soleil de Paris
Pour que continue la synthèse
De cette spécialité française

Qu'est le flic de Paris, qu'est le flic de Paris














Le soleil de France
A mis ses carreaux
Pour faire des vacances
À ses Parigots
Saint-Trop s'est fait belle
Pour se montrer nue
La France, mais laquelle ?
Mais la France mon...
Comme dirait Zazie

Ta lune en pleins feux
Y a pas de satellite
Le monde fait ce qu'il peut
Pour tourner plus vite
À Cap Kennedy
On traque l'inconnu
D'un doigt sale suivi
D' l'Amérique mon...
Comme dirait Zazie

A Moscou la poudre
De Kremlin pinpin
Je te passe ma foudre
Tu paieras demain
Puis tombe le rideau
L'entracte venu
C'est vu de très haut
La Russie mon...
Comme dirait Zazie

À Rome on baptise
Des deux goupillons
J' te vends mon église
À tous les rayons
La pudeur s'en fout
D' payer un peu plus
Vu qu' ça s' passe en dessous
D' l'Italie mon...
Comme dirait Zazie

La Chine c'est tout comme
Paraît qu'elle voit rouge
Il y pousse des hommes
Et les hommes ça bouge
La planète s'inquiète
Le Vietnam remue
Le Monde paie ses dettes
Mais le Monde, mon...
Vous m'avez compris






















Sur les quais y a des amoureux
Qui s'embrassent quand le ciel est bleu
Quand il est gris, quand il est blême
Qu'importe du moment qu'ils s'aiment
Sur les quais il y a des amants
Qui se séparent de temps en temps
Et qui se demandent à quoi ça sert
D'avoir de l'été en hiver

Moi, je m'en fous, je me pose plus de questions
Que la Seine emmène ses cadavres
Un jour je visiterai Le Havre
Vu par en dessous paraît que c'est bon

Sur les quais il y a des oiseaux
Qui chantent en se grattant le dos
Et s'envolent quand le soir s'allume
Pour ne pas y laisser des plumes
Sur les quais y a des gens bien
Qui viennent parfois même de très loin
Pour se refaire à coups de poèmes
C' qu'ils ont perdu dans leur seizième

Moi, je m'en fous, je me pose plus de questions
La Seine trimballe ses bateaux-mouches
Et jusqu'au matin qui les couche
Je discute avec les poissons

Sur les quais y a de drôles de gueules
Mais comme les ponts sont pas bégueules
Ils viennent leur offrir pour la nuit
Un service et couvert compris
Sur les quais y a la PJ
Qui dort près de la Conciergerie
Si tu viens à passer par là
Surtout ne t'y arrête pas

Moi, j' m'en fous, j'ai aut' chose à faire
Je quitte Paris, ses quais brumeux
Ses poètes et ses amoureux
Profitez-en, ça ne dure guère
Plus que le temps d'un r'mous ou deux






dimanche 4 janvier 2015

Qu’est-ce que un stage ? Ou mieux , un stage, ça sert à quoi ?








Qu’est-ce que  un  stage ?
Ou mieux , un stage,  ça sert à quoi ?

A «frotter et limer notre cervelle contre celle d’autruy »(1)





 « A cette cause, le commerce des hommes y est merveilleusement propre et la visite des pays estrangers…  pour en rapporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer notre cervelle contre celle d’autruy.»(2)
Nel XXVI capitoletto « De l’Institution des Enfants » degli Essais Montaigne esprime con questa pungente metafora il significato  del viaggio come conoscenza des pays estrangers… pour en rapporter …les humeurs …et leurs  façons utilizzando due verbi che nel francese moderno hanno in parte cambiato il loro significato: frotter: exercer une pression accompagnée de mouvement, soit en imposant un mouvement à un corps en contact avec un autre , soit en imposant à un corps la pression d’un autre corps en mouvement : onde evitare l’ambiguità della metafora  sarà bene interpretare in senso figurato mettre en contact, faire entrer en relation; limer: parfaire par un travail méticuleux, fignoler in francese moderno, exécuter dans les détails, polir (initier aux usages du monde - XVIe).Se si considera ,poi,  che è il COD(compl.ogg.) cervelle , che per effetto del  COI (compl. Ind.) retto da  contre (aurtuy) crea questo incredibile frottement, sfregamento,   si potrebbe rendere in modo più semplice, povero Montaigne !, ma spero  abbastanza comunicativo con La visite des pays étrangers permet d’ entrer en relation avec eux et de perfectionner  par un travail méticuleux notre esprit et nos jugements pour s’ initier aux usages du monde tout en douceur.(3)
Già  nel lontano 1580, 434 anni fa, il nostro grande Filosofo ed Umanista coglieva l’essenza di questo  irrefrenabile desiderio di conoscere e di  vivere che è proprio della giovinezza e di chi, pur augurandosi  di morire in tarda età,  non abbandona mai .
Se in questi ultimi anni ci siamo tuffati , io e miei ardimentosi alunni, in questa  travolgente esperienza  ad Angers, Londra, Cannes , Montpellier, Parigi, Rouen  credo che il motivo era , è, e spero sarà ancora  il seguente :

lo stage è diventato un altro modo di esistere!...
E non solo per imparare le lingue…


Siamo al giro di boa  e un lungo quadrimestre ci aspetta …ma poi …quasi quasi …ma si già si intravede una lucina  piccolina …l’estate… il tempo delle letture…. e dei viaggi sempre nuovi anche quando si ripercorre lo stesso sentiero e si rileggono gli stessi libri (4) ..e poi forse un altro stage? .. a settembre?…chissà?, .. forse… ma sì nel cuore c’è già!   Forse ancora Angers !…Forse Québec !! … Forse New York !!!…

E poi  in fondo  in fondo …

“Qui serait aussi insensé pour mourir sans avoir fait le tour de sa prison” ?(5) quando « On vit un peu dans l’instant comme les mouettes sur la crêtes d’une houle »(6)




cz
1)Michel de Montaigne (Essais I, XXV,  1580) p.223, Ed. Le Livre De Poche .
Pour ceux qui le désirent je reprends le passage en entier de façon que l’on puisse  cueillir pleinement  son sens qui mériterait beaucoup plus d’approfondissement :« A cette cause, le commerce des hommes y est merveilleusement propre et la visite des pays estrangers, non pour en rappeler seulement, à la mode de nostre noblesse Françoise, combien de pas a Santa Rotonda, ou la richesse des calessons de la Signora Livia, comme d’autres, combien le visage de Néron, de quelque vieille ruyne de là, est plus long ou plus large que celuy de quelque pareille medaille, mais pour en rapporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer notre cervelle contre celle d’autruy. Je voudrois qu’on commençast à le promener dès sa plus tendre enfance, et premierement, pour faire d’une pierre deux coups, par les nations voisines où le langage est le plus esloigné du nostre, et auquel, si vous ne la formez pas de bon’heure, la langue ne peut se plier. »
2)Ibidem
3)Le espressioni in   corsivo sono tratte dal  « Petit Robert 2008 », le espressioni in corsivo sottolineate  sono mie.
4) « Ogni rilettura d’un classico è una scoperta , come la prima lettura »I. Calvino Perché leggere i classici
5)L’œuvre au noir , Marguerite Yourcenar, in exergue à  Le tour de ma prison  , Gallimard 1991.
6)Lettres à ses amis et quelques autres, Marguerite Yourcenar, Gallimard Folio, 1995