jeudi 16 octobre 2014

CAMPUS LICEO CLASSICO CAIROLI










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CAMPUS LICEO CLASSICO CAIROLI VARESE


























mercredi 15 octobre 2014

Machiavelli Le Prince chapitre XXV: Combien, dans les choses humaines,la fortune a de pouvoir,et comment on peut y résister.







Voici le 2e volet de notre cours concernant  Le Prince

Le chapitre XXV  met en évidence l'idée fondamentale de 

Machiavelli de  la "Fortuna intesa quale intelligenza motrice 

del mondo "  (Luigi Russo) et que  selon notre écrivain 

devait dépasser le myhe du Moyen-Âge d'une vertu  

contemplative (chrétienne) pour aboutir à une conception de 

gloire mondaine.




 Le Prince
Combien, dans les choses humaines,
la fortune a de pouvoir,
et comment on peut y résister.


Je n'ignore point que bien des gens ont pensé et pensent encore que Dieu et la fortune régissent les choses de ce monde de telle manière que toute la prudence humaine ne peut en arrêter ni en régler le cours : d'où l'on peut conclure qu'il est inutile de s'en occuper avec tant de peine, et qu'il n'y a qu'à se soumettre et à laisser tout conduire par le sort. Cette opinion s'est surtout propagée de notre temps par une conséquence de cette variété de grands événements que nous avons cités, dont nous sommes encore témoins, et qu'il ne nous était pas possible de prévoir - aussi suis-je assez enclin à la partager.
Néanmoins, ne pouvant admettre que notre libre arbitre soit réduit à rien, j'ima­gine qu'il peut être vrai que la fortune dispose de la moitié de nos actions, mais qu'elle en laisse à peu près l'autre moitié en notre pouvoir. Je la compare à un fleuve impé­tueux qui, lorsqu'il déborde, inonde les plaines, renverse les arbres et les édifices, enlève les terres d'un côté et les emporte vers un autre :  tout fuit devant ses ravages, tout cède à sa fureur; rien n'y peut mettre obstacle. Cependant, et quelque redoutable qu'il soit, les hommes ne laissent pas, lorsque l'orage a cessé, de chercher à pouvoir s'en garantir par des digues, des chaussées et autres travaux ; en sorte que, de nou­velles crues survenant, les eaux se trouvent contenues dans un canal, et ne puissent plus se répandre avec autant de liberté et causer d'aussi grands ravages. Il en est de même de la fortune, qui montre surtout son pouvoir là où aucune résistance n'a été préparée, et porte ses fureurs là où elle sait qu'il n'y a point d'obstacle disposé pour l'arrêter.
 Si l'on considère l'Italie, qui est le théâtre et la source des grands changements que nous avons vus et que nous voyons s'opérer, on trouvera qu'elle ressemble à une vaste campagne qui n'est garantie par aucune sorte de défense. Que si elle avait été pré­munie, comme l'Allemagne, l'Espagne et la France, contre le torrent, elle n'en aurait pas été inondée, ou du moins elle n'en aurait pas autant souffert.
 Me bornant à ces idées générales sur la résistance qu’on peut opposer à la fortune, et venant à des observations plus particularisées, je remarque d'abord qu'il n'est pas extraordinaire de voir un prince prospérer un jour et déchoir le lendemain, sans néanmoins qu'il ait changé, soit de caractère, soit de conduite. Cela vient, ce me semble, de ce que j'ai déjà assez longuement établi, qu'un prince qui s'appuie entière­ment sur la fortune tombe à mesure qu'elle varie. Il me semble encore qu'un prince est heureux ou malheureux, selon que sa conduite se trouve ou ne se trouve pas conforme au temps où il règne. Tous les hommes ont en vue un même but : la gloire et les richesses ; mais, dans tout ce qui a pour objet de parvenir à ce but, ils n'agissent pas tous de la même manière : les uns procèdent avec circonspection, les autres avec impétuosité ; ceux-ci emploient la violence, ceux-là usent d'artifice ; il en est qui sont patients, il en est aussi qui ne le sont pas du tout : ces diverses façons d'agir quoique très différentes, peuvent également réussir. On voit d'ailleurs que de deux hommes qui suivent la même marche, l'un arrive et l'autre n'arrive pas ; tandis qu'au contraire deux autres qui marchent très différemment, et, par exemple, l'un avec circonspection et l'autre avec impétuosité, parviennent néanmoins pareillement à leur terme : or d'où cela vient-il, si ce n'est de ce que les manières de procéder sont ou ne sont pas confor­mes aux temps? C'est ce qui fait que deux actions différentes produisent un même effet, et que deux actions pareilles ont des résultats opposés. C'est pour cela encore que ce qui est bien ne l'est pas toujours. Ainsi, par exemple, un prince gouverne-t-il avec circonspection et patience : si la nature et les circonstances des temps sont telles que cette manière de gouverner soit bonne, il prospérera ; mais il déchoira, au contraire, si, la nature et les circonstances des temps changeant, il ne change pas lui-même de système.
Changer ainsi à propos, c'est ce que les hommes même les plus prudents ne savent point faire, soit parce qu'on ne peut agir contre son caractère, soit parce que, lorsqu'on a longtemps prospéré en suivant une certaine route, on ne peut se persuader qu'il soit bon d'en prendre une autre. Ainsi l'homme circonspect, ne sachant point être impé­tueux quand il le faudrait, est lui-même l'artisan de sa propre ruine. Si nous pouvions changer de caractère selon le temps et les circonstances, la fortune ne changerait jamais.
Le pape Jules II fit toutes ses actions avec impétuosité ; et cette manière d'agir se trouva tellement conforme aux temps et aux circonstances, que le résultat en fut toujours heureux. Considérez sa première entreprise, celle qu'il fit sur Bologne, du vivant de messer Giovanni Bentivogli : les Vénitiens la voyaient de mauvais oeil, et elle était un sujet de discussion pour l'Espagne et la France; néanmoins, Jules s'y précipita avec sa résolution et son impétuosité naturelles, conduisant lui-même en per­sonne l'expédition; et, par cette hardiesse, il tint les Vénitiens et l'Espagne en respect, de telle manière que personne ne bougea : les Vénitiens, parce qu'ils crai­gnaient, et l'Espagne, parce qu'elle désirait recouvrer le royaume de Naples en entier. D'ailleurs, il entraîna le roi de France à son aide ; car ce monarque, voyant que le pape s'était mis en marche, et souhaitant gagner son amitié, dont il avait besoin pour abaisser les Vénitiens, jugea qu'il ne pouvait lui refuser le secours de ses troupes sans lui faire une offense manifeste. Jules obtint donc, par son impétuosité, ce qu'un autre n'aurait pas obtenu avec toute la prudence humaine ; car s'il avait attendu, pour partir de Rome, comme tout autre pape aurait fait, que tout eût été convenu, arrêté, préparé, certainement il n'aurait pas réussi. Le roi de France, en effet, aurait trouvé mille moyens de s'excuser auprès de lui, et les autres puissances en auraient eu tout autant de l'effrayer.
Je ne parlerai point ici des autres opérations de ce pontife, qui, toutes conduites de la même manière, eurent pareillement un heureux succès. Du reste, la brièveté de sa vie ne lui a pas permis de connaître les revers qu'il eût probablement essuyéss'il était survenu dans un temps où il eût fallu se conduire avec circonspection ; car il n'aurait jamais pu se départir du système de violence auquel ne le portait que trop son caractère.
Je conclus donc que, la fortune changeant, et les hommes s'obstinant dans la même manière d'agir, ils sont heureux tant que cette manière se trouve d'accord avec la fortune ; mais qu'aussitôt que cet accord cesse, ils deviennent malheureux.
Je pense, au surplus, qu'il vaut mieux être impétueux que circonspect; car la fortune est femme : pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse ; elle cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu'à ceux qui agissent froidement : aussi est-elle toujours amie des jeunes gens, qui sont moins réservés, plus emportés, et qui commandent avec plus d'audace.














Machiavelli Le Prince chapitre XVIII : Comment les princes doivent tenir leur parole




     Bonjour,
Dans l'attente du cours de demain  avec Madame Carla Soresina, 
notre prof bien-aimée de Letteratura Italiana,  à propos du Prince 
de Machiavelli,chapitre XVIII  In che modo i principi abbino a mantenere
 la fede , je vous invite (IID ESABAC) à la lecture en traduction française, avec un lien pour retrouver l'oeuvre complète.




Le Prince

Comment les princes doivent tenir leur parole.


Chacun comprend combien il est louable pour un prince d'être fidèle à sa parole et d'agir toujours franchement et sans artifice. De notre temps, néanmoins, nous avons vu de grandes choses exécutées par des princes qui faisaient peu de cas de cette fidélité et qui savaient en imposer aux hommes par la ruse. Nous avons vu ces princes l'emporter enfin sur ceux qui prenaient la loyauté pour base de toute leur conduite.

On peut combattre de deux manières : ou avec les lois, ou avec la force. La pre­mière est propre à l'homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme souvent celle-là ne suffit point, on est, obligé de recourir à l'autre : il faut donc qu'un prince sache agir à propos, et en bête et en homme. C'est ce que les anciens écrivains ont enseigné allégoriquement, en racontant qu'Achille et plusieurs autres héros de l'anti­quité avaient été confiés au centaure Chiron, pour qu'il les nourrît et les élevât.

Par là, en effet, et par cet instituteur moitié homme et moitié bête, ils ont voulu signifier qu'un prince doit avoir en quelque sorte ces deux natures, et que l'une a besoin d'être soutenue par l'autre. Le prince devant donc agir en bête, tâchera d'être tout à la fois renard et lion : car, s'il n'est que lion, il n'apercevra point les pièges; s'il n'est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d'être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s'en tiennent tout simplement à être lions sont très malhabiles.

Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplis­sement lui serait nuisible, et que les raisons qui l'ont déterminé à promettre n'existent plus : tel est le précepte à donner. Il ne serait pas bon sans doute, si les hommes étaient tous gens de bien; mais comme ils sont méchants, et qu'assurément ils ne vous tiendraient point leur parole, pourquoi devriez-vous leur tenir la vôtre? Et d'ailleurs, un prince peut-il manquer de raisons légitimes pour colorer l'inexécution de ce qu'il a promis?

A ce propos on peut citer une infinité d'exemples modernes, et alléguer un très grand nombre de traités de paix, d'accords de toute espèce, devenus vains et inutiles par l'infidélité des princes qui les avaient conclus. On peut faire voir que ceux qui ont su le mieux agir en renard sont ceux qui ont le plus prospéré.

Mais pour cela, ce qui est absolument nécessaire, c'est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l'art et de simuler et de dissimuler. Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu'un trompeur trouve toujours quelqu'un qui se laisse tromper.

Parmi les exemples récents, il en est un que je ne veux point passer sous silence.

Alexandre VI ne fit jamais que tromper; il ne pensait pas à autre chose, et il en eut toujours l'occasion et le moyen. Il n'y eut jamais d'homme qui affirmât une chose avec plus d'assurance, qui appuyât sa parole sur plus de serments, et qui les tint avec moins de scrupule : ses tromperies cependant lui réussirent toujours, parce qu'il en connaissait parfaitement l'art.

Ainsi donc, pour en revenir aux bonnes qualités énoncées ci-dessus, il n'est pas bien nécessaire qu'un prince les possède toutes ; mais il l'est qu'il paraisse les avoirJ'ose même dire que s'il les avait effectivement, et s'il les montrait toujours dans sa conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu'il lui est toujours utile d'en avoir l'apparence. Il lui est toujours bon, par exemple, de paraître clément, fidèle, humain, religieux, sincère ; il l'est même d'être tout cela en réalité : mais il faut en même temps qu'il soit assez maître de lui pour pouvoir et savoir au besoin montrer les qualités opposées.

 On doit bien comprendre qu'il n'est pas possible à un prince, et surtout à un prince nouveau, d'observer dans sa conduite tout ce qui fait que les hommes sont réputés gens de bien, et qu'il est souvent obligé, pour maintenir l'État, d'agir contre l'humanité, contre la charité, contre la religion même. Il faut donc qu'il ait l'esprit assez flexible pour se tourner à toutes choses, selon que le vent et les accidents de la fortune le commandent ; il faut, comme je l'ai dit, que tant qu'il le peut il ne s'écarte pas de la voie du bien, mais qu'au besoin il sache entrer dans celle du mal.

Il doit aussi prendre grand soin de ne pas laisser échapper une seule parole qui ne respire les cinq qualités que je viens de nommer ; en sorte qu'à le voir et à l'entendre on le croie tout plein de douceur, de sincérité, d'humanité, d'honneur, et principale­ment de religion, qui est encore ce dont il importe le plus d'avoir l'apparence : car les hommes, en général, jugent plus par leurs yeux que par leurs mains, tous étant à portée de voir, et peu de toucher. Tout le monde voit ce que vous paraissez ; peu connaissent à fond ce que vous êtes, et ce petit nombre n'osera point s'élever contre l'opinion de la majorité, soutenue encore par la majesté du pouvoir souverain.

Au surplus, dans les actions des hommes, et surtout des princes, qui ne peuvent être scrutées devant un tribunal, ce que l'on considère, c'est le résultat. Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. Le vulgaire est toujours séduit par l'apparence et par l'événement : et le vulgaire ne fait-il pas le monde? Le petit nombre n'est écouté que lorsque le plus grand ne sait quel parti prendre ni sur quoi asseoir son jugement.

De notre temps, nous avons vu un prince [1] (1) qu'il ne. convient pas de nommer, qui jamais ne prêcha que paix et bonne foi, mais qui, s'il avait toujours respecté l'une et l'autre, n'aurait pas sans doute conservé ses États et sa réputation.


[1]      Ferdinand le Catholique, roi d'Aragon.










Robert Bresson : lo sguardo dell'accettazione



Dans l'attente de la visite 
de l'Eglise de San Fedele à Milan 
mardi le 21 octobre (V D)
je vous invite  à ce 

CINEFORUM  dédié à Robert Bresson 











Auditorium e Galleria San Fedele (Via Ulrico Hoepli, 3a/b - Milano)
Martedì 21 ottobre 2014
ore 18.30: Incontro con  Mylène Bresson
ore 21.00: Un condamné à mort s’est échappé (1956

Martedì 4 novembre 2014
ore 18.30: Tavola rotonda, Come un soffio, come un gesto, come una luce
ore 21.00: L’Argent (1983)
Martedì 25 novembre 2014ore 18.30: Mostra, Georges Rouault - La notte della redenzione
ore 21.00: Au hasard Balthasar (1966)
Martedì 16 dicembre 2014ore 18.30: Laboratorio cinematografico per studenti universitari
ore 21.00: Pickpocket (1959)
Martedì 20 gennaio 2015 ore 18.30: Conferenza, Bresson e la cultura teologica francese
ore 21.00: Mouchette (1967)
Ingresso: €7 / € 4 (studenti)
Abbonamenti: € 25 / € 15 (studenti)
info e prevendite: Biglietteria Auditorium lun-ven 10/12.30 - 14/18

tel.0286352231 -  www.centrosanfedele.netacquisto on line:

 CLICCA QUI – www.webtic.itEVENTO FACEBOOK




Per informazioni
Auditorium Via Hoepli 3/b, 20121 Milano
Alessandra Gorla 0286352231segreteria.ccsf@sanfedele.net

mardi 14 octobre 2014

POF 2014-2015 : CINEFORUM en langue française








CINEFORUM IN LINGUA FRANCESE: 

a.s. 2014-2015

“CINEMA ET  LITTERATURE ”

Genre comédie   durée 1 h. 20    le mercredi 22 octobre   2014
Presenta e commenta il film il prof. Zerba

2.Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet
Genre drame / guerre   durée 1h. 52   le jeudi 6  novembre 2014    
Presenta e commenta il film la prof.ssa Alessandra Mita

3. Alceste à Byciclette de Philippe Le Guay
Genre  comédie    durée 1h. 53   le jeudi 11 décembre 2014   
Presenta e commenta il film il  prof.  Zerba 

4.Le grand cahier de Jànos Szàsz
Genre drame durée 1h. 53   le  mercedi 28 janvier 2015  
Presenta e commenta il film il prof Enzo Laforgia

5.Chocolat   de Lasse Hallström
Genre romance  durée 2h.    le  mercedi 12 février 2015  
Presenta e commenta il film il prof. Perelli

6. Avis de mistral de Rose Bosch
Genre  drame    durée 1h.  45  le  jeudi 9 avril 2015  
Presenta e commenta il film il  prof.  Zerba 


Pubblico : Biennio e  Triennio

Ogni incontro sarà suddiviso in 3 momenti:

Presentazione del film - visione -  breve dibattito.

Aula IV D Inizio ore 14,15

Numero minimo di incontri  per il riconoscimento del corso:
 4 incontri su 6

Obiettivi:Saper comprendere  nella sua globalità un film in lingua originale con o senza sottotitoli in Lingua Francese e rielaborare le tematiche proposte.

N.B.  Si  consiglia di  richiedere al prof Zerba la fiche di presentazione del film prima della visione.


*Il  prof  Zerba sarà presente a tutti gli incontri










lundi 13 octobre 2014

Philippe Claudel Parfums, Maison d’enfance, Éditions Stock 2012










 Maison d’enfance

Je suis assis à la table de la cuisine et  nous sommes le 17 novembre 2011. Au-dehors il fait quelques degrés au-dessus du zéro. Il bruine. C’est un jour gris comme je les aime. Dans deux heures il fera nuit. La maison est inoccupé depuis plus de deux ans. Depuis la mort de mon  remplir d’objets divers, médicaments, paperasses. Le lit de mon père a disparu. Il l’a cassé en s’écroulant un matin après être allé boire son café. Des balais sont en plan. La maison ressemble à un mort dont on aurait à demi fait la toilette et puis qu’on aurait abandonné ainsi, sans raison majeure, ni par dégoût, ni par oubli, mais tout simplement parce qu’on avait autre chose à faire. J’ai hésité longtemps avant de venir écrire ce texte ici, à cette même table où, enfant, je fais mes devoirs, dans cette cuisine qui n’a pas beaucoup changé où nous prenons nos repas, jouons au Monopoly, au Nain jaune, aux Petits chevaux, au Baccalauréat, avec mes sœurs Brigitte et Nathalie et mes parents. Il fait très froid dans cette maison, aujourd’hui. Elle n’est  pas chauffée. Personne n’y habite plus. C’est la maison d’un mort, et mon père dans sa tombe, de l’autre côté de la route, à moins de deux cents mètres, ne doit guère avoir plus froid que moi. Si je lève les yeux, par la fenêtre je retrouve le paysage de mon enfance. Les jardins sont toujours là, mais désormais laissés à eux-mêmes. Celles et ceux qui les cultivaient  avec obstination ont disparu depuis longtemps. Je dis leurs noms pour qu’ils ne soient pas tout à fait oubliés : le grand Hoquart, Madame Cahour, Madame et Monsieur Moni, Madame et Monsieur Herbeth, Monsieur Méline Monsieur Lebon. Nos voisins les Moretti, les Claude, les Rippling, les Finot. Voilà. Il y a toujours la amre, les prés, le cours du Sânon, le Grand Canal et, au-delà , le Rambêtant qui disparaît dans la brume et le ciel. Quelqu’un a parqué une caravane derrière le petit chemin. Tache blanche et jaune, incongrue. Je me demande quel voyageur elle peut bien attendre. Mais peut-être a-t-on décidé de la laisser là, comme certains tentent de perdre leur chien quand ils en sont lassés. Je fais le tour des pièces. J’entre par el garage, après avoir actionné les trois verrous dont mon père, dans ses derniers jours inquiets , a doté la porte. Je retrouve l’odeur d’essence, d’égout et d’atelier de bricolage, burette d’huile, lanières de cuir, sangles. Sur l’établi , écrite à même une latte de bois, la phrase d’Einstein « L’ordre est la vertu des médiocres », dont il avait fait une commode devise. Je reviens chez moi en terre connue. Mais ensuite, plus rien. Je monte à l’étage, cuisine, chambre salon, séjour. J’ouvre les volets. Je vais au grenier, passe dans la chambre de ma sœur aînée, et j’arrive dans la mansarde que mon père aménage quand j’ai treize ans . Ma chambre. Mon domaine, qui devient quand je quitte le lieu celui de ma petite sœur. Lambris de sapin aux murs et au plafond, bureau fait dans la même essence, moquette verte au sol. J’aime cet endroit. Il évoque les refuges en montagne qui me font rêver et que je fréquenterai plus tard. J’y ai ma première érection. Je m’y fais ma première branlette en songeant aux seins de ma professeur d’allemand de quatrième. J’y fume ma première cigarette. J’y regarde des années durant sur un vieux poste en noir et blanc le ciné-club de Claude-Jean Philippe, et c’est donc là, sous le toit, que je rencontre jean Grémillon, Julien Duvivier, Ernest Lubitsch, Frank Capra, Federico Fellini et quelques autres. Le même froid penaud trempe toutes les pièces et j’ai beau respirer longuement, me moucher à plusieurs reprises pour dégager mes narines, fermer les yeux, je ne sens aucune odeur, aucun parfum. Rien. La maison ne sent plus rien. Mon père est parti en emportant ce qui fait la marque de cette habitation. Il est mort, et le parfum de la maison est mort en même temps que lui. J’ai froid. C’est la première fois que j’écris ici depuis tant d’années. Plus de trente ans je pense. C’est aussi la dernière. Bientôt la maison sera vendue, repeinte, transformée. Des être l’habiteront, y apporteront leurs vies, leurs rêves, leurs peines, leurs angoisses et leur quiétude. Ils y dormiront, s’aimeront, mangeront, se laveront, irons aux cabinets, bricoleront, pleureront, riront, élèveront leurs enfants. Peu à peu la maison, comme une cire malléable, se conformera à eux, et retiendra leurs odeurs. Je sais qu’en passant devant elle, à bicyclette ou en voiture, je ne la regarderai pas. Je ne pourrai pas. En allant à Sommerviller, je préférerai tourner la tête vers la droite, vers le cimetière, vers les morts, vers mon père. C’est triste de ne plus rien sentir.. C’est triste d’être là, dans la maison froide qui a perdu son parfum comme Peter Schlemihl a perdu son ombre. Je pensais être ému. Je pensais même pleurer moi qui pleure si facilement. Mais non. Je suis seulement surpris. Étonné. Je ne sais pas si c’est moi qui ai dérivé ou si c’est la maison. Mais nous sommes désormais comme deux étrangers l’un à l’autre. Après tout, c’est ma faute. Personne ne m’a forcé à y revenir. Je vais partir. Je vais refermer les volets, les lumières, les portes, actionner les trois verrous. Je vais retourner dans la vie. Ici, je n’ai plus ma place. Je viens de le comprendre. Je viens aussi d’éternuer. Si je reste encore, je sens que je vais m’enrhumer. Chez nous, on dit attraper la mort.



Philippe Claudel Parfums, Maison d’enfance, Éditions Stock 2012