dimanche 21 septembre 2014

Apollinaire Guillaume "Le pont Mirabeau"








  


Le poème Le Pont Mirabeau est un extrait du recueil Alcools paru en 1913. Apollinaire y fait allusion à sa rupture avec Marie Laurencin, une peintre avec qui il eut une liaison, et au-delà évoque la fuite du temps semblable à l'eau qui s'en va. L'eau est un thème romantique et lyrique qui renvoie au passage du temps et à la fuite de l'amour.


Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours


Faut-il qu'il m'en souvienne


La joie venait toujours après la peine


         Vienne la nuit sonne l'heure


         Les jours s'en vont je demeure


Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l'onde si lasse


         Vienne la nuit sonne l'heure

         Les jours s'en vont je demeure


L'amour s'en va comme cette eau courante

L'amour s'en va

Comme la vie est lente

Et comme l'Espérance est violente


         Vienne la nuit sonne l'heure

         Les jours s'en vont je demeure


Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine


         Vienne la nuit sonne l'heure

         Les jours s'en vont je demeure



"Le Pont Mirabeau" Apollinaire, Alcools (1912)




Raphaëlle, Baptiste, Lisa, Luke, Clémence, Bleuenn M.
  

Marc Lavoine






Léo Ferré






Serge Reggiani
  











Nuit Rhénane, Alcools ( 1913) de Guillaume Apollinaire










Nuit rhénane


Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds
  
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n’entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
  
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été

Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire


"Nuit rhénane", comme "Mai", appartient à la suite des Rhénanes du recueil Alcools(1913). Ce sont neuf poèmes inspirés par le séjour d'Apollinaire au bord du Rhin et, de manière allusive, par son amour pour Annie Playden. La spécificité de "Nuit rhénane" tient à sa mise en œuvre de figures empruntées à la mythologie germanique, les Ondines. Elles ont une séduction certaine et un pouvoir maléfique qui entraînent le poète dans un univers surnaturel inquiétant.
Nous étudierons tout d'abord la progression dramatique, remarquable dans un poème où rien ne se passe jusqu'au dernier vers. Puis nous analyserons l'expression des diverses manifestations du surnaturel. Enfin, nous nous attacherons, au double plan de l'énoncé et de l'énonciation. à la puissance magique du verbe : au plan de l'énoncé, à la magie du chant du batelier dans le poème ; au plan de l'énonciation, à la magie dans l'écriture d'Apollinaire.
1) La progression dramatique
· Strophe 1
Le poème s'ouvre sur l'évocation d'une scène paisible dans un cabaret, le soir au bord du Rhin, comme l'indique le titre: "Nuit rhénane". Le protagoniste - le personnage qui dit "je" et qui, dès le deuxième vers, nous invite à partager ses impressions "Écoutez") - contemple son verre empli de vin en écoutant "la chanson lente d'un batelier" (v. 2). Ce dernier célèbre l'apparition de "sept femmes" aux " cheveux verts" (v. 3-4). Ondines que la mythologie germanique fait vivre au fond des fleuves dans un palais de cristal où elles attirent et gardent prisonniers pêcheurs et chevaliers.
· Strophe 2
Abruptement, la deuxième strophe exprime l'effroi du protagoniste. S'adressant cette fois à ses compagnons de boisson: "Debout chantez plus haut en dansant une ronde" (v. 5), il révèle que c'est précisément "le chant du batelier", avec les Ondines qu'il décrit, qui est la cause de sa trayeur. Et il tente de conjurer leur puissance maléfique en s'entourant de jeunes filles ordinaires, "blondes 3 (v. 7), inexpressives "Au regard immobile ", v. 8) et sages (" aux nattes repliées ", v. 8).
· Strophe 3
La troisième strophe marque encore une progression dans l'ordre de l'étrange et de l'inquiétant. Le jeune homme (le protagoniste) y découvre l'ivresse du fleuve lui-même; et la répétition ("Le Rhin le Rhin est ivre", v. 9) traduit justement son saisissement et son appréhension que partagent aussi les étoiles ( "l'or des nuits , v. 10) qui e tombe[nt] en tremblant [s]e refléter" (v. 10) au fond du Rhin.
Au chant du batelier est associé un thème de mort ("à en râle mourir, v. 11) tandis que se révèle la nature véritable des Ondines : ce sont des sorcières jeteuses de sorts ("incantent", v. 12).
· Strophe4
La quatrième strophe, constituée d'un seul alexandrin, contraste par sa brièveté avec les quatrains précédents. Elle traduit précisément l'éclatement inattendu du verre: "Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire (v. 13), comme sous l'effet des Sorts des "fées aux cheveux verts (v. 12) de la strophe précédente ou de la chanson qui les célèbre.
L'absence de commentaire prouve la stupeur du protagoniste atterré par le triomphe du surnaturel. Le poème s'achève de manière abrupte, laissant le lecteur partager l'incrédulité du jeune homme.



"Nuit rhénane" est en fait un poème très complexe : il entraîne le lecteur dans une série d'interprétations que remettent en cause, à chaque fois, le bris du verre qui le clôt,  Rêverie dramatique née des vapeurs du vin, chanson glorifiant des sorcières à la fois belles et dangereuses, évocation voilée d'une femme aimée et cruelle.
Ce poème célèbre l'action magique par excellence, la création poétique qui renouvelle le monde. En ce sens, le bris du verre symbolise l'irruption de la poésie dans la réalité banale qu'elle fait voler en éclats.











L'Esprit Nouveau et les Poètes (1918)

L'ESPRIT NOUVEAU QUI DOMINERA  le monde entier ne s'est fait jour dans la poésie nulle part comme en France. La forte discipline intellectuelle que se sont imposée de tout temps les Français leur permet, à eux et à ceux qui leur appartiennent spirituellement, d'avoir une conception de la vie, des Arts et des Lettres qui, sans être la simple constatation de l'Antiquité, ne soit pas non plus un pendant du beau décor romantique.
L'esprit nouveau qui s'annonce prétend avant tout hériter des classiques un solide bon sens, un esprit critique assuré, des vues d'ensemble sur l'univers et dans l'âme humaine, et le sens du devoir qui dépouille les sentiments et en limite ou plutôt en contient les manifestations.
Il prétend encore hériter des romantiques une curiosité qui le pousse à explorer tous les domaines propres à fournir une matière littéraire qui permette d'exalter la vie sous quelque forme qu'elle se présente.
Explorer la vérité, la chercher, aussi bien dans le domaine ethnique, par exemple, que dans celui de l'imagination, voilà les principaux caractères de cet esprit nouveau.Cette tendance du reste a toujours eu ses représentants audacieux qui l'ignoraient; il y a longtemps qu'elle se forme, qu'elle est en marche (…)
 Le vers libre donna un libre essor au lyrisme; mais il n'était qu'une étape 

   des explorations qu'on pouvait faire dans le domaine de la forme.



 Les recherches dans la forme ont repris désormais une grande importance.
     Elle est légitime(…)
 

L'esprit nouveau est celui du temps même où nous vivons. Un temps fertile en surprises. Les poètes veulent dompter la prophétie, cette ardente cavale que l'on n'a jamais maîtrisée.
Ils veulent enfin, un jour, machiner la poésie comme on a machiné le monde.
 Ils veulent être les premiers à fournir un lyrisme tout neuf à ces nouveaux moyens d'expression qui ajoutent à l'art le mouvement et qui sont 1e phonographe et le cinéma. Ils n'en sont encore qu'à la période des incunables. Mais attendez, les prodiges parleront d'eux-mêmes et l'esprit nouveau, qui gonfle de vie l'univers, se manifestera formidablement dans les lettres, dans les arts et dans toutes les choses que l'on connaisse.
 





La Chanson de Craonne : anniversaire de la bataille du 16 avril 1917





  
Il y a  97 ans à Craonne  le  16 avril 1917, les Français lancent 

une grande offensive en Picardie, sur le Chemin des Dames. Mal 

préparée, mal engagée, elle va entraîner un profond ressentiment 

chez les soldats avec une reprise en main des questions militaires

 par le gouvernement.  Le village fut entièrement  rasé par les 

bombardements massifs :  5 millions d'obus sont tombés sur 

le Chemin des Dames entre le 6 et 16 avril 1917. 







  



Quand au bout d'huit jours, le repos terminé,
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personne ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comme dans un sanglot
On dit adieu aux civelots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.

Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !

C'est malheureux devoir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la même chose.
Au lieu de se cacher, tous ces embusqués,
Feraient mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autres, les pauvres purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendre les biens de ces messieurs-là.


Refrain
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la relève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain
Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les truffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce sera votre tour, messieurs les gros,
De monter sur le plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !







Lazare Ponticelli, le dernier poilu français mort à 110 en 2008, était d'origine italienne.





Le dernier "poilu" de la guerre de 1914-1918, Lazare Ponticelli,

  mort à l'âge de 110 ans, était d'origne italienne.




 LA GUERRE, ON VOULAIT PAS LA FAIRE


  
   



Après avoir longtemps refusé les funérailles nationales, il

 les a acceptées estimant qu'elles seraient l'occasion de se

 souvenir de tous ceux qui sont morts entre 1914 et 1918 

sans les honneurs. © David Amberg





À VOIR ET REVOIR POUR MIEUX COMPRENDRE

CE QUE C'EST QUE LA GUERRE...

ET  COMMENT IL A SAUVÉ UN SOLDAT ALLEMAND






   






C'était le dernier d'une immense cohorte, celle des 8,5 

millions de soldats français de la Grande guerre: Lazare

Ponticelli, dernier poilu survivant de l'un des conflits les 

plus meurtriers de l'Histoire.








Le Temps des Cathédrales - L'Europe de l'an Mil - (G Duby) 1978 .







Le Temps des cathédrales : l'art et la société (980–1420),

 Paris, Gallimard, 1976
















































































 Les Cathédrales dévoilées













Raymond Devos "Parler pour ne rien dire" ... et l'ESAME di STATO




Il arrive   parfois que non seulement les décors

mais les  élèves aussi  s'écroulent

(pour les profs, il s'en faut de peu !!!)



et parlent pour rien dire

 ou bien tout simplement  ils se taisent !






 incontournable! 



Mesdames et messieurs ... Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire.
Oh ! je sais ! Vous pensez : "S'il n'a rien à dire ... il ferait mieux de se taire !"
Evidemment ! Mais c'est trop facile ! ... c'est trop facile !
Vous voudriez que je fasse comme tout ceux qui n'ont rien à dire et qui le gardent pour eux ?

Eh bien non ! Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n'ai rien à dire, je veux qu'on le sache !
Je veux en faire profiter les autres !
Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs, vous n'avez à rien dire, eh bien, on en parle, on en discute !
Je ne suis pas ennemi du colloque.
Mais, me direz-vous, si on en parle pour ne rien dire, de quoi allons-nous parler ?
Eh bien, de rien ! De rien !
Car rien ... ce n'est pas rien.
La preuve c'est qu'on peut le soustraire.
Exemple : Rien moins rien = moins que rien !
Si l'on peut trouver moins que rien c'est que rien vaut déjà quelque chose !
On peut acheter quelque chose avec rien !
En le multipliant Une fois rien ... c'est rien
Deux fois rien ... c'est pas beaucoup !
Mais trois fois rien ! ... Pour trois fois rien on peut déjà acheter quelque chose ! ... Et pour pas cher !
Maintenant si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien :
Rien multiplié par rien = rien.
Trois multiplié par trois = neuf.
Cela fait rien de neuf !
Oui ... ce n'est pas la peine d'en parler !
Bon ! Parlons d'autres choses ! parlons de la situation, tenez !
Sans préciser laquelle !
Si vous le permettez, je vais faire brièvement l'historique de la situation, quelle qu'elle soit !
Il y a quelques mois, souvenez-vous la situation pour n'être pas pire que celle d'aujourd'hui n'en n'était pas meilleure non plus !
Déjà nous allions vers la catastrophe nous le savions ...
Nous en étions conscients !
Car il ne faudrait pas croire que les responsables d'hier étaient plus ignorants de la situation que ne le sont ceux d'aujourd'hui !

Oui la catastrophe, nous le pensions, était pour demain !
C'est-à-dire qu'en fait elle devait être pour aujourd'hui !
Si mes calculs sont justes !
Or, que voyons-nous aujourd'hui ?
Qu'elle est toujours pour demain !
Alors je vous pose la question, mesdames et messieurs :
Est-ce en remettant toujours au lendemain la catastrophe que nous pourrions faire le jour même
 que nous l'éviterons ?
D'ailleurs je vous signale entre parenthèses que si le gouvernement actuel n'est pas capable d'assurer la catastrophe, il est possible que l'opposition s'en empare !