lundi 8 janvier 2018

Grand Corps Malade : Au feu rouge




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Heureusement, j'n'ai pas d'enfant se dit Yadna très souvent
Ce serait encore plus dur, encore plus humiliant

Et puis comment elle aurait fait avec un bébé comme paquetage ?
Est-ce qu'il aurait survécu après tout c'voyage ?
Yadna a fui les bombes, la guerre dans son pays
Elle sait qu'elle avait peur mais ne sait plus de quels ennemis
Entre les tirs de son président, des rebelles, de l'occident
De Daesh et des Kurdes, elle ne sait plus d'où vient l'vent
Elle ne sait plus d'où vient la poudre qui a rasé son village
Elle ne sait plus qui tire les balles qui ont éteint tous ces visages
Elle sait juste que l'Homme est fou et qu'c'est là-bas, en Syrie
Que s'est formé petit à p'tit l'épicentre de sa folie
Yadna pense à tout ça en s'approchant d'ma vitre
Moi, j'lui : "Non" avec la main et j'redémarre bien vite
J'avais p't-être un peu d'monnaie mais j'suis pressé, faut qu'je bouge
J'me rappelle de son regard, j'ai croisé Yadna au feu rouge

Après trois mois d'périple dans toutes sortes d'embarcations
Elle a souvent cru qu'la mort serait la seule destination
Comme lors de cette nuit noire au milieu d'la mer Égée
Dépassée par les vagues sur un bateau bien trop léger
Entre les centres de rétention et les passeurs les plus cruels
Yadna a perdu d'vue tous ceux qui avaient fui avec elle
Elle s'est retrouvée seule avec la peur, le ventre vide
Et des inconnus aussi perdus qu'elle comme seuls guides
Marchant pendant des semaines puis payant à des vautours
Le droit d'se cacher à l'arrière des camions sans voir le jour
Après ces mois d'enfer, elle passe ses nuits sur un carton
Son Eldorado se situe Porte de la Chapelle, sous un pont
Yana pense à tout ça en s'approchant d'ma vitre
Moi, j'lui : "Non" avec la main et j'redémarre bien vite
J'avais p't-être un peu d'monnaie mais j'suis pressé, faut qu'je bouge
J'me rappelle de son regard, j'ai croisé Yadna au feu rouge

Dans ses nuits, les cauchemars d'expulsion sont réguliers
Elle attend d'obtenir le statut d'réfugiée
Elle mendie au feu rouge avec la détresse comme baîllon
Elle se renseigne sur ses droits, petite princesse en rayon
Elle imagine parfois sa vie d'étudiante dans son pays
Si la justice avait des yeux, si la paix régnait en Syrie
Elle sourit même parfois, quand elle trouve la force d'y penser
Elle rêve en syrien mais, là, elle pleure en français
J'aperçois Yadna rapidement lorsque l'feu passe au vert
J'ai un p'tit pincement au cœur, mais j'suis en retard et j'accélère
Les plus grands drames sont sous nos yeux mais on est pressé, faut qu'on bouge
Y'a des humains derrière les regards ; j'ai croisé Yadna au feu rouge



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