Costa Piana (Castagnola)
Aragon a souvent déclaré à propos de sa mère
"Ma famille, c'était elle, personne d'autre"
Paru d'abord en Poésie 43 et repris en 1946 "Le domaine privé"
(En étrange pays dans mon pays lui-même) représente
le "tombeau poétique" de cette mère tant aimée.
Le poème est intégralement construit autour du mot maman
que l'enfant ne se donna jamais le droit de prononcer
(Philippe Forest)
Le mot n’a pas
franchi mes lèvres
Le mot n’a pas
touché mon cœur
Est-ce un lait dont la mort nous sèvre
Est-ce une drogue une liqueur
Jamais je ne l’ai dit
qu’en songe
Ce lourd secret pèse
entre nous
Et tu me vouais au mensonge
A tes genoux
Nous le portions comme une honte
Quand mes yeux n’étaient
pas ouverts
Et les tiens à la fin
du compte
Demandaient pardon d’être
verts
Te nommer ma sœur me désarme
J’ai trop
respecté ton chagrin
Le silence a le poids des larmes
Et leur refrain
Puisque tu dors et que leurs rires
Ne peuvent blesser ton sommeil
Permets-moi devant tous de dire
Que le soleil est le soleil
Que si j’ai
feint c’est pour toi seule
Jusqu’à la
fin fait l’innocent
Pour toi seule jusqu’au
linceul
Caché mon sang
J’avais
naissant le tort de vivre
J’irai
jusqu’au bout de mes torts
La vie est une histoire à suivre
Et la mort en est le remords
Ceux peut-être qui
me comprennent
Ne feront pas les triomphants
Car une morte est une reine
A son enfant
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