Tout passe et tout demeure,
Mais notre affaire est de passer,
De passer en traçant des chemins,
Des chemins sur la mer.
Antonio Machado Proverbes et Chants XLIV
« Messieurs, si quelqu'un, il y quatre siècles, à l'époque où la guerre
existait de commune à commune, de ville à ville, de province à province, si
quelqu'un eût dit à la Lorraine, à la Picardie, à la Normandie, à la Bretagne,
à l'Auvergne, à la Provence, au Dauphiné, à la Bourgogne: Un jour viendra où
vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus
d'hommes d'armes les uns contre les autres...
Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre,
vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités
distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans
une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument
comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes
nos provinces, se sont fondues dans la France. Un jour viendra où il n'y aura
plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits
s'ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront
remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le
vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le
parlement est à l'Angleterre, ce que la diète est à l'Allemagne, ce que
l'Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l'on montrera un
canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture,
en s'étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où l'on verra ces deux
groupes immenses, les États-Unis d'Amérique, les États-Unis d'Europe, placés en
face l'un de l'autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs
produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies.
Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener, car nous
vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le, courant d'événements et
d'idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l'époque
où nous sommes, une année fait parfois l'ouvrage d’un siècle...
Dans notre vieille Europe, l'Angleterre a fait le premier pas, et par son
exemple séculaire, elle a dit aux peuples : Vous êtes libre. La France a fait
le second pas et elle a dit aux peuples: Vous êtes souverains. Maintenant
faisons le troisième pas, et tous ensemble, France Angleterre, Belgique,
Allemagne, Italie, Europe Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! »
Victor
Hugo
Avant l'exil, Congrès de la Paix
, 21 août 1849.
« Messieurs, si quelqu'un, il y quatre siècles, à l'époque où la guerre
existait de commune à commune, de ville à ville, de province à province, si
quelqu'un eût dit à la Lorraine, à la Picardie, à la Normandie, à la Bretagne,
à l'Auvergne, à la Provence, au Dauphiné, à la Bourgogne: Un jour viendra où
vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus
d'hommes d'armes les uns contre les autres...
Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre,
vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités
distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans
une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument
comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes
nos provinces, se sont fondues dans la France. Un jour viendra où il n'y aura
plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits
s'ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront
remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le
vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le
parlement est à l'Angleterre, ce que la diète est à l'Allemagne, ce que
l'Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l'on montrera un
canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture,
en s'étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où l'on verra ces deux
groupes immenses, les États-Unis d'Amérique, les États-Unis d'Europe, placés en
face l'un de l'autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs
produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies.
Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener, car nous
vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le, courant d'événements et
d'idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l'époque
où nous sommes, une année fait parfois l'ouvrage d’un siècle...
Dans notre vieille Europe, l'Angleterre a fait le premier pas, et par son
exemple séculaire, elle a dit aux peuples : Vous êtes libre. La France a fait
le second pas et elle a dit aux peuples: Vous êtes souverains. Maintenant
faisons le troisième pas, et tous ensemble, France Angleterre, Belgique,
Allemagne, Italie, Europe Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! »
Victor
Hugo
Avant l'exil, Congrès de la Paix
, 21 août 1849.
Tard dans la nuit,
Janek reprit le chemin du retour. Dobranski l’accompagna. Le vent soufflait dans
la forêt, les branches chantaient. Janek écoutait rêveusement ce murmure ;
on pouvait lui faire dire n’importe quoi. Il suffisait d’un peu d’imagination.
Il faisait un grand froid sec, le froid des premières nuits d’hiver.
-
Ça sent la neige, dit Jane.
-
Peut-être bien. Tu ne t’es pas
ennuyé ?
-
Non.
Dobranski marcha un
instant en silence.
-
J’espère que je me ferai pas
descendre avant d’avoir fini mon livre.
-
Ça doit être bien difficile d’écrire.
-
Oh !Tout est difficile
maintenant. C’est moins difficile que de demeurer vivant, que de continuer à
croire…
-
Quel est le sujet ?
-
Les hommes qui souffrent, luttent
et se rapprochent les uns les autres …
-
Les Allemands aussi ?
Dobranski ne répondit
pas.
-
Pourquoi les Allemands nous
font-ils ça ?
-
Par désespoir. Tu as entendu ce
que Pech a dit, tout à l’heure ? Que les hommes se racontent des jolies
histoires et puis il font tuer pour elles, ils s’imaginent qu’ainsi le mythe se
fera réalité … Il est tout près du désespoir lui aussi. Il n’y a pas que les
Allemands. Ça rode partout, depuis toujours, autour de l’humanité … Dès que ça
se rapproche trop, dès que ça pénètre en vous, l’homme se fait Allemand … même
s’il est un patriote polonais. La question est de savoir si l’homme est
allemand ou non … s’il lui arrive seulement de l’être parfois. C’est ce que j’essaie
de mettre dans mon livre. Tu ne me demande pas le titre ?
-
Dis-le-moi.
-
Ça s’appelle Éducation européenne. C’est Tadek Chmura qui m’a suggéré ce titre.
Il lui donnait évidemment un sens ironique … Éducation européenne, pour lui ce
sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre
dans des trous comme des bêtes … Mais moi, je relève le défi. On peut me dire
tant qu’on voudra que la liberté, la dignité, l’honneur d’être un homme, tout
ça, enfin, c’est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel
on se fait tuer. La vérité, c’est qu’il y a des moments dans l’histoire, des
moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l’homme de
désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin
d’une cachette, d’un refuge. Ce refuge, parfois, c’est seulement une chanson,
un poème, une musique, un livre. Je
voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu’en l’ouvrant, après la
guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu’ils
sachent qu’on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu’on n’a pas pu
nous forcer à désespérer. Il n’y a pas d’art désespéré - le désespoir, c’est
seulement un manque de talent.
Romain Gary Éducation européenne,
Gallimard, 1956.
Dans ce bassin où jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siècles d'histoire,
Des prophètes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a l'odeur du sang
Qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris
Comme autant de plaies vives,
Des îles barbelées,
Des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a des oliviers
Qui meurent sous les bombes
Là où est apparue
La première colombe,
Des peuples oubliés
Que la guerre moissonne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Dans ce bassin, je jouais
Lorsque j'étais enfant.
J'avais les pieds dans l'eau.
Je respirais le vent.
Mes compagnons de jeux
Sont devenus des hommes,
Les frères de ceux-là
Que le monde abandonne,
En Méditerranée.
Le ciel est endeuillé,
Par-dessus l'Acropole
Et liberté ne se dit plus
En espagnol.
On peut toujours rêver,
D'Athènes et Barcelone.
Il reste un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Tard dans la nuit,
Janek reprit le chemin du retour. Dobranski l’accompagna. Le vent soufflait dans
la forêt, les branches chantaient. Janek écoutait rêveusement ce murmure ;
on pouvait lui faire dire n’importe quoi. Il suffisait d’un peu d’imagination.
Il faisait un grand froid sec, le froid des premières nuits d’hiver.
-
Ça sent la neige, dit Jane.
-
Peut-être bien. Tu ne t’es pas
ennuyé ?
-
Non.
Dobranski marcha un
instant en silence.
-
J’espère que je me ferai pas
descendre avant d’avoir fini mon livre.
-
Ça doit être bien difficile d’écrire.
-
Oh !Tout est difficile
maintenant. C’est moins difficile que de demeurer vivant, que de continuer à
croire…
-
Quel est le sujet ?
-
Les hommes qui souffrent, luttent
et se rapprochent les uns les autres …
-
Les Allemands aussi ?
Dobranski ne répondit
pas.
-
Pourquoi les Allemands nous
font-ils ça ?
-
Par désespoir. Tu as entendu ce
que Pech a dit, tout à l’heure ? Que les hommes se racontent des jolies
histoires et puis il font tuer pour elles, ils s’imaginent qu’ainsi le mythe se
fera réalité … Il est tout près du désespoir lui aussi. Il n’y a pas que les
Allemands. Ça rode partout, depuis toujours, autour de l’humanité … Dès que ça
se rapproche trop, dès que ça pénètre en vous, l’homme se fait Allemand … même
s’il est un patriote polonais. La question est de savoir si l’homme est
allemand ou non … s’il lui arrive seulement de l’être parfois. C’est ce que j’essaie
de mettre dans mon livre. Tu ne me demande pas le titre ?
-
Dis-le-moi.
-
Ça s’appelle Éducation européenne. C’est Tadek Chmura qui m’a suggéré ce titre.
Il lui donnait évidemment un sens ironique … Éducation européenne, pour lui ce
sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre
dans des trous comme des bêtes … Mais moi, je relève le défi. On peut me dire
tant qu’on voudra que la liberté, la dignité, l’honneur d’être un homme, tout
ça, enfin, c’est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel
on se fait tuer. La vérité, c’est qu’il y a des moments dans l’histoire, des
moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l’homme de
désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin
d’une cachette, d’un refuge. Ce refuge, parfois, c’est seulement une chanson,
un poème, une musique, un livre. Je
voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu’en l’ouvrant, après la
guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu’ils
sachent qu’on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu’on n’a pas pu
nous forcer à désespérer. Il n’y a pas d’art désespéré - le désespoir, c’est
seulement un manque de talent.
Romain Gary Éducation européenne,
Gallimard, 1956.
Dans ce bassin où jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siècles d'histoire,
Des prophètes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a l'odeur du sang
Qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris
Comme autant de plaies vives,
Des îles barbelées,
Des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a des oliviers
Qui meurent sous les bombes
Là où est apparue
La première colombe,
Des peuples oubliés
Que la guerre moissonne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Dans ce bassin, je jouais
Lorsque j'étais enfant.
J'avais les pieds dans l'eau.
Je respirais le vent.
Mes compagnons de jeux
Sont devenus des hommes,
Les frères de ceux-là
Que le monde abandonne,
En Méditerranée.
Le ciel est endeuillé,
Par-dessus l'Acropole
Et liberté ne se dit plus
En espagnol.
On peut toujours rêver,
D'Athènes et Barcelone.
Il reste un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Ma bella più di tutte l' isola non trovata,
quella che il Re di Spagna s' ebbe da suo cugino,
il Re di Portogallo,con firma suggellata
e "bulla" del pontefice in Gotico-Latino...
Il Re di Spagna fece
vela cercando l' isola incantata,
però quell' isola non c'era
e mai nessuno l'ha trovata:
svanì di prua dalla galea come un' idea,
come una splendida utopia,
è andata via e non tornerà mai più...
Le antiche carte dei
corsari
portano un segno misterioso
e ne parlan piano i marinai
con un timor superstizioso:
nessuno sa se c'è davvero od è un pensiero,
se, a volte, il vento ne ha il profumo
è come il fumo che non prendi mai!
Ma bella più di tutte l' isola non trovata,
quella che il Re di Spagna s' ebbe da suo cugino,
il Re di Portogallo,con firma suggellata
e "bulla" del pontefice in Gotico-Latino...
Il Re di Spagna fece
vela cercando l' isola incantata,
però quell' isola non c'era
e mai nessuno l'ha trovata:
svanì di prua dalla galea come un' idea,
come una splendida utopia,
è andata via e non tornerà mai più...
Le antiche carte dei
corsari
portano un segno misterioso
e ne parlan piano i marinai
con un timor superstizioso:
nessuno sa se c'è davvero od è un pensiero,
se, a volte, il vento ne ha il profumo
è come il fumo che non prendi mai!
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