jeudi 25 février 2016

FEDERICO PODANO et ALICE PRESTINT :"Ce pays qui te ressemble" de Tobie Nathan (GONCOURT DES LYCEENS ITALIENS)



Difficile de ne pas lire ce roman 

après les critiques 

d'Alice et Federico

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L’ âme d’un pays dans un livre

        Né d’un père aveugle et d’une mère considérée une sorcière, dans le quartier juif du Caire, Zohar, protagoniste et narrateur, nous enchante dès le début du roman avec son autobiographie : une naissance surprenante, une enfance mouvementée, beaucoup d’amour et de déplacements et l’ascension sociale marquent la vie du jeune égyptien, qui est le thème principale du livre.
       Cependant, comme le titre veut nous communiquer, il y a un autre grand protagoniste qui surmonte peut-être Zohar lui-même : l’Egypte. A côté de l’histoire personnelle du juif, le lecteur suit tous les événements qui changent son pays natal et dont les étapes, donc, sont synchronisées aux grands changements de la vie de Zohar : la décadence du dernier roi Farouk, l’islamisation, la rentrée de la région dans le monde moderne.

       Cette trame permet à l’auteur de construire la narration ouverte et complète qu’on a tendance à associer aux longs contes orales arabes : Zohar dédie une espace considérable, par exemple, à la vie de ses parents et on connaît l’histoire de Masreya, sa sœur de lait dont le nom signifie volontairement « l’égyptienne », à travers une longue digression. Malgré le grand nombre de pages qui en résulte, la lecture est captivante, magnétique. Les ambiances créées, surtout celles de la première partie du livre (la plus lente parce qu’elle a moins de dialogues), sont magnifiques, imprégnées des mystères et des rites de l’ancienne culture égyptienne, et vont bien nous passionner. Le style du roman est donc bien riche et évocateur, mais il ne devient jamais ennuyeux.

        Les personnages de l’œuvre sont très bien caractérisés et mettent en scène plusieurs aspects, ou mieux plusieurs  âmes, de l’Egypte : Masreya, l’amour maudit et ancien de Zohar, est une danseuse fascinante et libre ; Farouk est le souverain charmant mais faible ; Joe di Reggio, juif lui aussi, est le symbole de la richesse, mais aussi de la dévotion ; Nino est le jeune juif qui, par contre, embrasse l’Islam qui vient de le toucher.

       Mais surtout, il y a Zohar, dont les réflexions et la profondeur des sentiments arrivent à nous transmettre son second amour impossible : celui pour l’Egypte, qui à la fin du roman nous aura complètement charmés.

Federico Podano 



Hymne poétique à la tolérance et au partage, Ce pays qui te ressemble est à l'image de son auteur, l'ethnopsychiatre Tobie Nathan : enjoué, généreux et empli d'humanité.




Mystère et séduction dans l'Égypte de Tobie Nathan

Le Caire de la première moitié du XXème siècle est un grand ensemble de contradictions : juifs et musulmans, influence britannique et allemande, dévotion et libertinage.
Et c'est dans cette ambiance qui a lieu l'histoire de Zohar Zohar, juif, né d'un père aveugle et d'une mère crue sorcière. Et pendant qu'il passe sa vie parmi ses amis, dans des  nuits damour, des moyens pour s'enrichir et escalader jusqu'au sommet le  pouvoir, de grands événements historiques se déroulent autour de lui. Son histoire simbrique avec celle de l'Égypte, avec son changement et la perte de la liberté et de la tolérance qui la distinguait,   faisant vivre  en accord des cultures et des religions différentes.
Et alors que faire? Sadapter aux nouveaux coutumes ou rester toujours fidèle à soi-même? Rester ou s'en aller?
Ce pays qui te ressemble  de Tobie Nathan est bien plus qu'un conte de la vie d'un garçon juif vivant au Caire. C'est lhistoire de l’Égypte et de la perte de son identité. Et dans ce contexte s'insèrent les personnages du roman, qui représentent  différents aspects de leur pays: il y a Masreya, la danseuse belle et sensuelle, soeur de lait de Zohar et symbole de la séduction, du plaisir et de la liberté; il y a Joe Di Reggio, le juif riche et aristocrate, emblème à la fois du luxe et de la dévotion à sa religion; il y a le roi Farouk, représentation de la dissolution; il y a Nino, garçon cultivé et aspirant médecin qui, juif, se convertit à lIslam radical; et enfin il y a Zohar,  qui semble  indifférent à ce qui arrive autour de lui, mais qui cache , en réalité, sa préoccupation, sa mélancolie et sa nostalgie pour son pays, qui ne sera plus ce qu'il était.
Mais c'est aussi une histoire damour, dun amour maudit et interdit de Zohar pour Masreya et pour son pays.
Malgré la longueur du roman (536 pages!), le rythme ne résulte ni trop lent ni trop accéléré, donnant au livre un aspect cohérent et le style est fluide, rendant la lecture agréable.
Les dialogues entre les personnages sont vraisemblables et intéressants, dans un roman où la parole, séduisante et persuasive, a une puissance magnifique sur linterlocuteur.
Plus qu'aux aventures de Zohar, lattention du lecteur est attirée par les réflexions qu'on peut tirer sur un pays tout particulier : le lecteur réussit à se sentir partie de cette Égypte colorée et parfumée, en découvrant les traditions et les moeurs des habitants du Caire.
On apprend aussi comment les grands événements de la première moitié du siècle passé ont influencé ce pays, qui n'a jamais été protagoniste dans les dynamiques des Guerres Mondiales et qu'on a lhabitude doublier quand on parle de cette période historique.
Pour conclure, on peut dire que Tobie Nathan a fait un merveilleux travail avec sa dernière oeuvre, grâce à laquelle le lecteur sera sans aucun doute enrichi au niveau culturel, après avoir respiré lair doux, chaud et séduisant de l’Égypte, pays charmant et riche en  mystères, énigmatique et indéchiffrable.

Alice Prestint








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