samedi 8 novembre 2014

Joris-Karl Huysmans "Le hareng saur"



 Il est midi et demi...

préparez vos plats!
Le hareng saur



Ta robe, ô hareng, c'est la palette des soleils couchants, 
la patine du vieux cuivre, le ton d'or bruni des cuirs de
Cordoue,
les teintes de santal et de safran des feuillages 
d'automne ! 



Ta tête, ô hareng, flamboie comme un casque d'or, et l'on 
dirait
 de tes yeux des clous noirs plantés dans des cercles
de cuivre ! 



Toutes les nuances tristes et mornes, toutes les nuances 

rayonnantes et gaies amortissent et illuminent tour à tour 

ta  robe d'écailles. 



A côté des bitumes, des terres de Judée et de Cassel,
des 
ombres brûlées et des verts de Scheele, des bruns Van Dyck 

et des bronzes florentins, des teintes de rouille et de 
feuille morte,
resplendissent, de tout leur éclat, les ors
verdis, les ambres jaunes,
les orpins, les ocres de ru, 
les chromes, les oranges de mars ! 



Ô miroitant et terne enfumé, quand je contemple ta cotte 
de 
mailles,  je pense aux tableaux de Rembrandt, je revois
ses 
têtes superbes,  ses chairs ensoleillées, ses scintillements 
de bijoux sur le velours  noir ; je revois ses jets de lumière
 dans la nuit, ses traînées de poudre d'or dans 
l'ombre,
 ses éclosions de soleils sous les noirs arceaux !
  











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