mercredi 4 novembre 2015

Le prix Goncourt 2015 est attribué à Mathias Enard pour son roman "Boussole"










"Foisonnant ? C’est peu dire. Jusqu’à l’étourdissement, 

non par asphyxie mais par ivresse. L’auteur le sait qui 

désamorce la critique à venir en laissant Sarah reprocher

 au narrateur :« Franz, tu me soûles. C’est incroyable. Tu 

parles sans interruption depuis deux kilomètres. Mon Dieu 

ce que tu peux être bavard ! "








Boussole raconte l'histoire d'un musicologue amoureux 

de l'Orient, insomniaque, et épris d'une jeune femme

 insaisissable, spécialiste de l'orientalisme.









Le Goncourt tout court revient donc à Boussole,

 un roman qui brasse les lieux, les époques, les personnages 

et les langues, au fil d’une nuit d’insomnie, celle qui frappe 

son narrateur, Franz Ritter, un musicologue viennois. 

Entre 23 heures et 7 heures, il ressasse ainsi sa vie et 

ses obsessions. 

Elles le font remonter jusqu’au XIXe siècle, pour ranimer

 de hautes figures de l’orientalisme.  Franz est en effet l’un

 de leurs héritiers, spécialiste des influences venues de 

Turquie, et de bien au-delà, sur la musique dite 

« occidentale ».









lundi 2 novembre 2015

FRANCE THEATRE : 6RANO 3.0



Varese Teatro Nuovo 

le samedi 7 novembre à 11,00



 






6rano 3.0 : la trame du spectacle 


 Comme chaque jour à la sortie des cours, 
quand la cloche a sonné, les élèves 
se rencontrent au Café du Lycée. 
Attablés en terrasse, ils parlent de tout, 
de leurs études bien sûr mais aussi de la vie en 
général. 

La bande est composée de Savinien, le meneur;
 de Morgane, la plus jolie fille du lycée; de Armand,
 riche héritier; et de Jennifer, la copine de Morgane. 

Mais l'arrivée d'un nouvel élève va bouleverser 
cet équilibre. Tristan est beau et Morgane ne résiste 
pas longtemps à son charme. Elle en tombe 
immédiatement amoureuse. 

Elle en parle aussitôt à Savinien sans savoir que 
lui aussi est secrètement amoureux d'elle depuis toujours. Par fidélité et loyauté, il met son orgueil 
de côté et annonce la « bonne nouvelle » à Tristan.  

Mais Tristan lui avoue qu'il n'a jamais su parler
 d'amour aux femmes. 
Savinien lui propose alors de s'unir à lui. 
Il sera l'esprit de Tristan et 
l’aidera à trouver les mots justes pour 
conquérir Morgane. 

Morgane découvrira, au départ de Tristan, 
que le garçon qu'elle aimait, 
au travers des mots d'amour qui lui étaient
 adressés, était en fait Savinien, son ami de toujours... 









Le Réalisme














Le roman au 19e siecle : Balzac









Le roman et la nouvelle réalistes au XIXe siècle




Le roman au XIXe siècle : Stendhal








dimanche 1 novembre 2015

GUY BEART "L ' eau vive", d'après le magnifique film "Manon des Sources"



















Ma petite est comme l'eau, elle est comme l'eau vive
Elle court comme un ruisseau, que les enfants poursuivent
Courez, courez vite si vous le pouvez
Jamais, jamais vous ne la rattraperez

Lorsque chantent les 
pipeaux, lorsque danse l'eau vive
Elle mène mes troupeaux, au pays des olives
Venez, venez, mes chevreaux, mes agnelets
Dans le laurier, le thym et le serpolet

Un jour que, sous les roseaux, sommeillait mon eau vive
Vinrent les gars du hameau pour l'emmener captive 
Fermez, fermez votre cage à double clé
Entre vos doigts, l'eau vive s'envolera

Comme les petits bateaux, emportes par l'eau vive
Dans ses yeux les jouvenceaux voguent à la dérive
Voguez, voguez demain vous accosterez
L'eau vive n'est pas encore à marier

Pourtant un matin nouveau à l'aube, mon eau vive
Viendra battre son trousseau, aux cailloux de la rive
Pleurez, pleurez, si je demeure esseulé
Le ruisselet, au large, s'en est allé.



MANON DES SOURCES 







JEAN DE FLORETTE





jeudi 29 octobre 2015

Blaise Cendrars "ILES"





L'isola delle Femmine

 Carlo Columba, Palerme, Italie 



MERCI à Marie ,

 notre assistante de français,

pour ce poème 

d'ILES ... 

paysages de l'AME ... 

paysages de REVE 




Iles




Iles



Iles



Iles où l’on ne prendra jamais terre

Iles où l’on ne descendra jamais

Iles couvertes de végétation

Iles tapies comme des jaguars

Iles muettes

Iles immobiles

Iles inoubliables et sans nom

Je lance mes chaussures par-dessus bord 
car je voudrais bien aller jusqu’à vous


Blaise Cendrars, Feuilles de route (1924)






Portrait de Blaise Cendrars par Modigliani (1917)





L'isola non trovata






mercredi 28 octobre 2015

Michel Sardou et Louane : En chantant / Je vais t'aimer




MERCI à CHIARA C.  pour cette photo


Voilà 2 magnifiques chansons de 

SARDOU, 

chantées par 

 LOUANE 

dans le film 





Je devrais  dédier cette chanson
à  Giorgia P., II D ESABAC, 

mais puisque, aujourd'hui, 
elle ne le mérite pas complètement 
 je la dédie alors 
à mon ancienne élève Giorgia 
lorsqu' elle étudiait davantage




Quand j'étais petit garçon,
Je repassais mes leçons
En chantant
Et bien des années plus tard,
Je chassais mes idées noires
En chantant.
C'est beaucoup moins inquiétant
De parler du mauvais temps
En chantant
Et c'est tellement plus mignon
De se faire traiter de con
En chanson.

La vie c'est plus marrant,
C'est moins désespérant
En chantant.

La première fille de ma vie,
Dans la rue je l'ai suivie
En chantant.
Quand elle s'est déshabillée,
J'ai joué le vieil habitué
En chantant.
J'étais si content de moi
Que j'ai fait l'amour dix fois
En chantant
Mais je n'peux pas m'expliquer
Qu'au matin elle m'ait quitté
Enchantée.

L'amour c'est plus marrant,
C'est moins désespérant
En chantant.

Tous les hommes vont en galère
A la pêche ou à  la guerre
En chantant.
La fleur au bout du fusil,
La victoire se gagne aussi
En chantant.


On ne parle à  Jéhovah,
A Jupiter, à  Bouddha
Qu'en chantant.
Qu'elles que soient nos opinions,
On fait sa révolution
En chanson.

Le monde est plus marrant,
C'est moins désespérant
En chantant.

Puisqu'il faut mourir enfin,
Que ce soit côté jardin,
En chantant.
Si ma femme a de la peine,
Que mes enfants la soutiennent
En chantant.
Quand j'irai revoir mon père
Qui m'attend les bras ouverts,
En chantant,
J'aimerais que sur la terre,
Tous mes bons copains m'enterrent
En chantant.
La mort c'est plus marrant,
C'est moins désespérant
En chantant.
Quand j'étais petit garçon,
Je repassais mes leçons
En chantant
Et bien des années plus tard,
Je chassais mes idées noires
En chantant.
C'est beaucoup moins inquiétant
De parler du mauvais temps
En chantant
Et c'est tellement plus mignon
De se faire traiter de con
En chanson






A faire pâlir tous les Marquis de Sade,
A faire rougir les putains de la rade,
A faire crier grâce à  tous les échos,
A faire trembler les murs de Jéricho,
Je vais t'aimer.

A faire flamber des enfers dans tes yeux,
A faire jurer tous les tonnerres de Dieu,
A faire dresser tes seins et tous les Saints,
A faire prier et supplier nos mains,
Je vais t'aimer.

Je vais t'aimer
Comme on ne t'a jamais aimée.
Je vais t'aimer
Plus loin que tes rêves ont imaginé.
Je vais t'aimer. Je vais t'aimer.

Je vais t'aimer
Comme personne n'a osé t'aimer.
Je vais t'aimer
Comme j'aurai tellement aimé être aimé.
Je vais t'aimer. Je vais t'aimer. 


A faire vieillir, à  faire blanchir la nuit,
A faire brûler la lumière jusqu'au jour,
A la passion et jusqu'à  la folie,
Je vais t'aimer, je vais t'aimer d'amour.

A faire cerner à  faire fermer nos yeux,
A faire souffrir à  faire mourir nos corps,
A faire voler nos âmes aux septièmes cieux,
A se croire morts et faire l'amour encore,
Je vais t'aimer.

Je vais t'aimer
Comme on ne t'a jamais aimée.
Je vais t'aimer
Plus loin que tes rêves ont imaginé.
Je vais t'aimer. Je vais t'aimer.

Je vais t'aimer
Comme personne n'a osé t'aimer.
Je vais t'aimer
Comme j'aurai tellement aimé être aimé.
Je vais t'aimer. Je vais t'aimer.






lundi 26 octobre 2015

Alfred de Musset : La Nuit de Mai : Allégorie du Pélican







Allégorie du Pélican







    LA MUSE


    Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
    Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
    Que les séraphins noirs t'ont faite au fond du cœur;
    Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur.
    Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
    Que ta voix ici-bas doive rester muette.


    Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
    Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
    Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
    Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
    Ses petits affamés courent sur le rivage
    En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
    Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
    Ils courent à leur père avec des cris de joie
    En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
    Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
    De son aile pendante abritant sa couvée,
    Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
    Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
    En vain il a des mers fouillé la profondeur;
    L'océan était vide et la plage déserte;
    Pour toute nourriture il apporte son cœur.
    Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
    Partageant à ses fils ses entrailles de père,
    Dans son amour sublime il berce sa douleur;
    Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
    Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
    Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
    Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
    Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
    Il craint que ses enfants ne le laissent vivant;
    Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
    Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
    Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
    Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
    Et que le voyageur attardé sur la plage,
    Sentant passer la mort se recommande à Dieu.


    Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
    Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps;
    Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
    Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
    Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
    De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
    Ce n'est pas un concert à dilater le cœur ;
    Leurs déclamations sont comme des épées :
    Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant;
    Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang.






 extrait de La Nuit de Mai


Explication de la partie centrale v. 7-37 de ce poème de 1835.


Les deux premiers vers énoncent la thèse romantique de la souffrance comme moteur de la création : "Les chants désespérés sont les chants les plus beaux / Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots." Cela rappelle au passage que Chant = poésie lyrique, celle qui est destinée à exprimer les sentiments intimes, de préférence mélancoliques. Plaisir esthétique du sanglot, il y a là quelque chose qui peut paraître malsain, de masochiste ("Laisse-là s'élargir, cette sainte blessure") ; en tous les cas, cela confirme la nature tourmentée du poète.
Suit l'illustration par le récit du pélican, dont on détaillera les épisodes, et le dernier alexandrin (v. 38) qui énonce la similitude de son sort avec les poètes : "ainsi que font" est une comparaison qui oriente donc vers une vérité générale, dans une phrase conclusive qui apostrophe Musset poète (puisque c'est sa Muse qui parle et l'exhorte).
Mais restons-en à l'essentiel de notre bestiaire en étudiant l'histoire de ce volatile qui préfigure les Albatros, Cygne et autre Condor, dans la poésie versifiée.
Les deux premiers vers (9-10) présentent le pélican de retour d'un long voyage, thème cher à la poésie lyrique depuis Du Bellay (Heureux qui, comme Ulysse...), mais ici de façon négative : "lassé", "dans les brouillards". Le verbe "retourne" au présent narratif installe aussi une action habituelle et répétitive, ce que confirmera plus bas l'adverbe "parfois" (v. 29).
La fin de la phrase (v. 11-12), après ces compléments circonstanciels, nous apprend qu'il est "père" (v. 24) de "ses petits", lesquels attendent qu'il leur donne ce qu'il est allé chercher, puisqu'ils sont "affamés". On voit la charge qui pèse sur lui : bien que le père semble très fatigué ou blessé quand il vient "s'abattre sur les eaux", il doit encore se soucier de leur sort en les nourrissant.

La phrase suivante, répartie sur trois vers (13-15), met à la rime - plate, alors que les précédentes étaient croisées - "proie" et "joie", une relation de causalité les unissant : le père est fêté en tant que nourrisseur de sa progéniture, laquelle est personnifiée par les sentiments qu'elle éprouve : "croyant" : un contraste se dessine : les enfants sont encore au stade de l'illusion alors que le père, lui, a une conscience de son sort que dévoilera la suite du récit.

Pour l'instant la chute de la phrase sur les "goitres hideux" confirme le contraste, cette fois entre cette disgrâce et la joie précédente, en même temps qu'elle exploite le détail physique caractéristique du pélican : sa poche sous le bec gonflée des poissons emmagasinés.

La phrase suivante, répartie encore sur trois vers (16-18), confirme la distance existant entre père et enfants par sa prise de hauteur ("roche élevée"), comme s'il était conscient de la supériorité que lui confère sa souffrance de voyageur. Eloignement paradoxal car il reste le père protecteur : "de son aile pendante abritant sa couvée". Enfin arrive le couple sujet / verbe ("il regarde les cieux"), retardé par effet de suspense, comme si cette aspiration à la montée était pour lui l'essentiel. Car ce père est un rêveur, comme le prouve l'épithète "mélancolique". Quant au champ lexical de la religion ("cieux", confirmé plus loin avec "Dieu"), il cite à relire le concret oiseau "pêcheur" en un plus spirituel 'pécheur' (soit ce que l'on nomme une syllepse ).
Mais quel crime a bien pu commettre cet être pour qu'au vers suivant "le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte" (v. 19), dans une hyperbole insistant sur sa souffrance infligée comme une punition ? L'aspect sanguinolent trouve une explication avec le don total : "il apporte son cœur", parce qu'il n'a rien trouvé à donner à manger dans une rythme ternaire : "mers fouillées en vain", "océan vide", "plage déserte" (v. 20-21). Si bien que la seule "profondeur" qui soit bénéfique est celle de "sa poitrine" : son cœur, qui se lit au sens concret bien sûr (avec le sang d'une blessure physique), mais aussi au sens abstrait (donc deuxième syllepse), du fait qu'échouant dans la nourriture matérielle, il ne lui reste plus que la spirituelle : cœur à prendre au sens métonymique des sentiments, ici de dévouement, qui anticipe l'idée du "divin sacrifice" (v. 29).

La phrase s'agrandit (v. 23-28), en signe d'amplification des actions et des sentiments. Il faut de nouveau attendre le troisième vers (25, après 23 et 24) pour avoir le couple sujet / verbe toujours retardé "il berce sa douleur", situé tantôt dans le second hémistiche : "retourne à ses roseaux", "il regarde les cieux", "il apporte son cœur", "il s'affaisse et chancelle", tantôt dans le premier : "Alors il se soulève" (v. 32), "Il pousse dans la nuit" (v. 34), ce qui installe une certaine régularité, comme un refrain.

On note la valeur sacralisante du singulier : "une roche élevée" devient "étendu sur la pierre" ; quant à "sa sanglante mamelle", elle rend ce père très maternel, dans la mesure où, comme une mère, il donne de son corps, ici "ses entrailles de père", qui résonnent encore au sens religieux ( fruit de vos entrailles ).

Son impassibilité est totale devant "son festin de mort" (= le festin qu'il donne de sa propre mort) : "sombre et silencieux", "regardant". On retrouve le rythme ternaire, que l'on avait relevé, à la chute de la phrase, pour insister sur sa diversité sentimentale : "Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur." : horreur sanglante, tendresse du partage, volupté de "son amour sublime", qui va au-delà de sa douleur par idéal divin.

La dernière phrase (v. 29-37), encore plus ample que la précédente, figure le summum de la scène pathétique : au "lassé d'un long voyage" du v. 9 répond en écho "Fatigué de mourir dans un trop long supplice" (v. 30), ce qui implique la nécessité de mettre un terme à cette torture volontaire, en refusant la vie que pourraient lui laisser ses enfants (v. 31), et en penchant plutôt vers la mort annoncée (dès le v. 27).

C'est pourquoi l'envol spectaculaire, dramatisé par l'adverbe "alors" (v. 32) et le geste personnifiant du cœur frappé de façon plus sentimentale que physique, est sa manière la plus évidente de rejoindre le monde des cieux. Il peut en effet rejoindre "Dieu" car il est conscient de la grandeur de son sacrifice, au bénéfice de ses enfants, lesquels ne sont plus évoqués dans ce dernier épisode, comme s'ils étaient déjà orphelins.

Les "brouillards du soir" (v. 10) débouchent maintenant sur "la nuit" (v. 34) dont le précédent silence (v. 23) est déchiré par la sauvagerie du "cri" d'adieu : le positif de la montée religieuse et sacrée entre ici en antithèse avec le négatif de l'abandon nostalgique, profane. La fin de la proposition principale "si funèbre adieu" fait place à la subordonnée de conséquence (amorcée par "que" en anaphore avec "et que") étalée sur les 3 derniers vers. Elle énonce les répercussions de ce cri ultime,· d'abord sur les égaux du pélican : la mise en fuite d'autres "oiseaux de mer" ; on a là un semblant de contradiction, car comment ceux-ci pourraient-ils "déserter le rivage" alors qu'au v. 21 on apprenait que la plage était "déserte" et qu'elle se retrouve peuplée au v. 36 ? La logique du détail narratif n'est pas ce qui préoccupe Musset dans ce final.· Répercussion ensuite sur "le voyageur" (on retrouve la valeur sacralisante du singulier), qui ne peut être le pélican lui-même puisqu'il est en vol alors que "sur la plage" se trouve un autre voyageur, plutôt humain, qui fait un signe de prière en reconnaissant la valeur funèbre de l'oiseau qui "passe" au-dessus de lui. Musset n'a pas ici parlé du promeneur pour unifier le sort des deux types de voyageurs.Ces deux dernières actions, aussi bien sur plan humain que des autres oiseaux, accentuent le sentiment d'isolement du Pélican en quelque sorte sanctifié par le martyr qu'il a enduré. On voit bien là la portée du domaine de la religion chrétienne dans la poésie de Musset.


En conclusion,on reviendra sur l'irréalisme de la scène, car, quels que soient les détails descriptifs de l'alimentation familiale, c'est son symbolisme sentimental qui l'emporte sur la véracité des actions. Dans la tonalité pathétique, affectionnée des Romantiques, l'animal suscite en effet avant tout les sentiments de don de soi, "de tendresse et d'horreur", le macabre n'étant racheté que par le divin envol. Si bien que la vision d'un être "se frappant le cœur avec un cri sauvage" ne peut être celle de l'oiseau (l'action est irréaliste), mais bien celle du poète lui-même, Musset ayant ailleurs écrit : "Frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le génie". Cela est une nouvelle illustration de la thèse de la souffrance sanglante à la base de la création artistique.