samedi 11 juillet 2015

J.-K. Huysmans " En rade"






Être en rade en français signifie  être bloqué, pris en  piège,

   Jacques Marles   est le protagonsite de ce roman énigmatique

où le  rêve,  la neurasthénie  de sa femme Louise et le souvenir

 de certaines lectures bibliques anticipent l'avenir de l'écrivain 

aussi bien que certains thèmes freudiens et surréalistes.



EN RADE




Le rêve de jacques

Il s'appliquait à engourdir ses angoisses par des occupations mécaniques et vaines; il compta les losanges du panneau, constatant avec soin les morceaux rapportés du papier de tenture dont les dessins ne joignaient pas; soudain un phénomène bizarre se produisit: les bâtons verts des treilles ondulèrent, tandis que le fond saumâtre du lambris se ridait tel qu'un cours d'eau.Et ce friselis de la cloison jusqu'alors immobile s'accentua; le mur, devenu liquide, oscilla, mais sans s'épandre; bientôt, il s'exhaussa, creva le plafond, devint immense, puis ses moellons coulants s'écartèrent et une brèche énorme s'ouvrit, une arche formidable sous laquelle s'enfonçait une route.Peu à peu, au fond de cette route, un palais surgit qui se rapprocha, gagna sur les panneaux, les repoussant, réduisant ce porche fluide à l'état de cadre, rond comme une niche, en haut, et droit, en bas.Et ce palais qui montait dans les nuages avec ses empilements de terrasses, ses esplanades, ses lacs enclavés dans des rives d'airain, ses tours à collerettes de créneaux en fer, ses dômes papelonnés* d'écailles, ses gerbes d'obélisques aux pointes couvertes ainsi que des pics de montagne d'une éternelle neige, s'éventra sans bruit, puis s'évapora, et une gigantesque salle apparut pavée de porphyre, supportée par de vastes piliers aux chapiteaux fleuronnés de coloquintes de bronze et de lys d'or. Derrière ces piliers, s'étendaient des galeries latérales, aux dalles de basalte bleu et de marbre, aux solivages de bois d'épine et de cèdre, aux plafonds caissonnés*, dorés comme des châsses; puis, dans la nef même, au bout du palais arrondi tel que les chevets à verrières des basiliques, d'autres colonnes s'élançaient en tournoyant jusqu'aux invisibles architraves d'un dôme, perdu, comme exhalé, dans l'immesurable fuite des espaces.
Autour de ces colonnes réunies entre elles par des espaliers de cuivre rose, un vignoble de pierreries se dressait en tumulte, emmêlant des cannetilles d'acier, tordant des branches dont les écorces de bronze suaient de claires gommes de topazes et des cires irisées d'opales. Partout grimpaient des pampres découpés dans d'uniques pierres; partout flambait un brasier d'incombustibles ceps, un brasier qu'alimentaient les tisons minéraux des feuilles taillées dans les lueurs différentes du vert, dans les lueurs vert-lumière de l'émeraude, prasines* du péridot*, glauques de l'aigue-marine, jaunâtres du zircon*, céruléennes* du béryl*; partout, du haut en bas, aux cimes des échalas, aux pieds des tiges, des vignes poussaient des raisins de rubis et d'améthystes, des grappes de grenats et d'amaldines*, des chasselas de chrysoprases, des muscats gris d'olivines et de quartz, dardaient de fabuleuses touffes d'éclairs rouges, d'éclairs violets, d'éclairs jaunes, montaient en une escalade de fruits de feu dont la vue suggérait la vraisemblable imposture d'une vendange prête à cracher sous la vis du pressoir un moût éblouissant de flammes ! Çà et là, dans le désordre des frondaisons et des lianes, ces ceps fusaient, à toute volée, se rattrapant par leurs vrilles à des branches qui formaient berceau et au bout desquelles se balançaient de symboliques grenades dont les hiatus carminés d'airain caressaient la pointe des corolles phalliques jaillies du sol. Cette inconcevable végétation s'éclairait d'elle-même; de tous côtés, des obsidianes* et des pierres spéculaires incrustées dans des pilastres, réfractaient, en les dispersant, les lueurs des pierreries qui, réverbérées en même temps par les dalles de porphyre, semaient le pavé d'une ondée d'étoiles. Soudain la fournaise du vignoble, comme furieusement attisée, gronda; le palais s'illumina de la base au faîte, et soulevé sur une sorte de lit, le Roi parut, immobile dans sa robe de pourpre, droit sous ses pectoraux d'or martelé, constellés de cabochons, ponctués de gemmes, la tête couverte d'une mitre turriculée, la barbe divise* et roulée en tube, la face d'un gris vineux de lave, les pommettes osseuses, en saillie sous des yeux creux. Il regardait à ses pieds, perdu dans un rêve, absorbé par un litige d'âme, las peut-être de l'inutilité de la toute-puissance et des inaccessibles aspirations qu'elle fait naître; dans son oeil pluvieux, couvert tel qu'un ciel bas, l'on sentait la disette de toute joie, l'abolition de toute douleur, l'épuisement même de la haine qui soutient et de la férocité dont le régal continué s'émousse. entement enfin, il leva la tête et vit, devant un vieillard au crâne en oeuf, aux yeux forés de travers sur un nez en gourde, aux joues sans poils, granulées ainsi qu'une chair de poule et molles, une jeune fille debout, inclinée, haletante et muette. Elle avait la tête nue et ses cheveux très blonds pâlis par des sels et nuancés par des artifices de reflets mauves coiffaient son visage comme d'un casque un peu enfoncé, couvrant le sommet de l'oreille, descendant tel qu'une courte visière sur le haut du front. Le cou dégagé restait nu, sans un bijou, sans une pierre, mais, des épaules aux talons, une étroite robe la précisait, serrant les bulles timorées de ses seins, affûtant leurs pointes brèves, lignant les ambages ondulés du torse, tardant aux arrêts des hanches, rampant sur la courbe exiguë du ventre, coulant le long des jambes indiquées par cette gaine et rejointes, une robe d'hyacinthe d'un violet bleu, ocellée comme une queue de paon, tachetée d'yeux aux pupilles de saphir montées dans des prunelles en satin d'argent. Elle était petite, à peine développée, presque garçonnière, un tantinet dodue, très amenuisée, toute frêle; ses yeux bleus flore étaient reculés vers les tempes par des tirets de teinture lilas et estompés en dessous pour les faire fuir; ses lèvres fardées crépitaient dans une pâleur surhumaine, dans une pâleur définitive acquise par un décolorement* voulu du teint; et la mystérieuse odeur qui émanait d'elle, une odeur aux âmes liées et discernables, expliquait ce blanc subterfuge par les pouvoirs des parfums de décomposer les pigments de la peau et d'altérer pour jamais le tissu du derme.
Cette odeur flottait autour d'elle, l'auréolait, pour ainsi dire, d'un halo d'arômes, s'évaporait de sa chair par bouffées tantôt agiles et tantôt lourdes. Sur une première couche de myrrhe, au relent résineux et brusque, aux effluences amères presque hargneuses, à la senteur noire, une huile de cédrat s'était posée, impatiente et fraîche, un parfum vert, qu'arrêtait la solennelle essence du baume de Judée dont la nuance fauve dominait, à son tour contenue, comme asservie, par les rouges émanations de l'oliban.
Ainsi debout dans sa robe égrenée de flammes bleues, imbibée d'effluves, les bras ramenés derrière le dos, la nuque un peu renversée sur le cou tendu, elle demeurait immobile mais, par instants, des frissons passaient sur elle et les yeux de saphir tremblaient, en pétillant, dans leurs prunelles d'étoffe remués par la hâte des seins. Alors l'homme à la tête glabre, au crâne en oeuf, s'approcha d'elle, des deux mains saisit la robe qui glissa et la femme jaillit, complètement nue, blanche et mate, la gorge à peine sortie, cerclée autour du bouton d'une ligne d'or, les jambes fuselées, charmantes, le ventre gironné d'un nombril glacé d'or, moiré au bas comme les cheveux de reflets mauves. Dans le silence des voûtes, elle fit quelques pas, puis s'agenouilla et la pâleur inanimée de sa face s'accrut encore.
Reflété par le porphyre des dalles, son corps lui apparaissait tout nu; elle se voyait, telle qu'elle était, sans étamine, sans voile, sous le regard en arrêt d'un homme; le respect épeuré qui, tout à l'heure, la faisait frémir devant le muet examen d'un Roi, la détaillant, la scrutant avec une savourante* lenteur, pouvant, s'il la congédiait d'un geste, insulter à cette beauté que son orgueil de femme jugeait indéfectible et consommée, presque divine, se changeait en la pudeur éperdue, en l'angoisse révoltée d'une vierge livrée aux mutilantes caresses du maître qu'elle ignore. La transe d'une irréparable étreinte, rudoyant sa peau anoblie par les baumes, broyant sa chair intacte, descellant, violant, le ciboire fermé de ses flancs, et, surgissant plus haut que la vanité du triomphe, le dégoût d'un ignoble holocauste, sans attache d'un lendemain peut-être, sans balbuties d'un personnel amour leurrant par d'ardentes simagrées d'âme la douleur corporelle d'une plaie, l'anéantirent; — et la posture qu'elle gardait écartant ses membres, elle aperçut devant elle, dans la glace du pavé noir, les couronnes d'or de ses seins, l'étoile d'or de son ventre et sous sa croupe géminée, ouverte, un autre point d'or. L'oeil du Roi vrilla cette nudité d'enfant et lentement il étendit vers elle la tulipe en diamant de son sceptre dont elle vint, défaillante, baiser le bout. Il y eut un vacillement dans l'énorme salle; des flocons de brume se déroulèrent, ainsi que ces anneaux de fumée qui, à la fin des feux d'artifice, brouillent les trajectoires des fusées et dissimulent les paraboles en flammes des baguettes; et, comme soulevé par cette brume, le palais monta s'agrandissant encore, s'envolant, se perdant dans le ciel, éparpillant, pêle-mêle, sa semaille* de pierreries dans le labour noir où scintillait, là-haut, la fabuleuse moisson des astres. Puis, peu à peu, le brouillard se dissipa; la femme apparut, renversée, toute blanche, sur les genoux de pourpre, le buste cabré sous le bras rouge qui la tisonnait. 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un grand cri rompit le silence, se répercuta sous les voûtes.

— Hein ? quoi !
La chambre était noire comme un cul de four. — Jacques restait abasourdi, le cœur battant, le bras pétri par des mains crispées. Il écarquillait les yeux dans l'ombre; le palais, la femme nue, le Roi, tout avait disparu.






Jacques et Louise Marles sont ruinés. Pour fuir leurs créanciers, ils partent en Brie, dans un château dont Antoine, l’oncle de Louise, a la garde. Arrivés sur place, ils constatent que le château de Lourps est une ruine battue par les vents et hantée par les chats-huants. La promesse du repos et du réconfort s’éloigne rapidement. Aux tracas parisiens se substituent les misères provinciales.Antoine et Norine, sa femme, sont des paysans filous, âpres au gain, avares et malhonnêtes. Ils ne voient en Louise et Jacques que des Parisiens à rançonner. Ressassant leur pauvreté et égrenant la liste de leurs prétendus malheurs paysans, ils incarnent l’image populaire des provinciaux rustres et malappris. Leur langage à lui seul, entre patois et jurons, se veut l’illustration de leur caractère grossier. Étymologiquement, Jacques est l’un d’eux par son prénom, mais tout son être se révolte et se rebiffe : pour lui, il est impensable de s’assimiler à cette population frustre. Et pourtant, dans sa solitude exacerbée, il croit trouver un plaisir à la compagnie des navrants paysans.Dès le début du séjour, Jacques est traversé de rêves et d’hallucinations qui le laissent épuisé. « Il tenta de s’analyser, s’avoua qu’il se trouvait dans un état désorbité d’âme, soumis contre toute volonté à des impressions externes, travaillé par des nerfs écorchés en révolte contre sa raison, dont les misérables défaillances s’étaient, quand même, dissipées depuis la venue du jour. » (p.76) Des heures entières, Jacques revit les songes qui ont occupé son esprit : « l’insondable énigme du Rêve le hantait. » (p.78) C’est ainsi qu’il occupe de mornes journées. Jacques s’ennuie maladivement : plus sa mélancolie s’aggrave, plus l’ennui se fait prégnant et cet ennui entraîne une mélancolie toujours plus profonde. Mais, à l’inverse de l’illustre Des Esseintes, héros du précédent roman de Huysmans, Jacques n’a pas de fortune pour tenter de tromper l’ennui. Sa misère lui est une douleur supplémentaire, une barrière à un hypothétique bonheur. Le château en ruines est propre aux fantasmagories les plus hideuses et aux suppositions les plus baroques. Son immensité délabrée et ses mystères insondés ont quelque chose de gothique qui cède finalement au pathétique le plus profond. Nul secret et nulle merveille en ces murs poussiéreux, le château n’est qu’une bâtisse aussi vide que l’âme de Jacques, une incarnation architecturale du taedium vitae. À l’instar de Jacques qui se laisse glisser dans une mélancolie néfaste, le château de Lourps rend les armes devant le temps et les hommes. Les ténébreux songes de Jacques ne sont finalement que l’écho de ses promenades vaines dans les couloirs du triste manoir. « Les cauchemars de Jacques étaient patibulaires et désolants, laissaient dès le réveil, un funèbre impression qui stimulait la mélancolie des pensées déjà lasses de se ressasser, à l’état de veille, dans le milieu de ce château vide. » (p. 199)
Dans la solitude et l’indigence campagnarde, la maladie de nerfs de Louise s’aggrave. Et le couple se délite inexorablement. L’épouse refuse sa couche à l’époux et l’homme s’exaspère de cette chasteté forcée autant qu’il s’énerve de ne plus désirer sa femme. « Ce séjour à Lourps aura vraiment eu de bien heureuses conséquences ; il nous aura mutuellement initiés à l’abomination de nos âmes et de nos corps. » (p. 211) À cela s’ajoutent les terreurs causées par le manque d’argent et les angoisses des comptes qui laissent la bourse de plus en plus vide. Pour Jacques et son épouse, ce séjour en province n’aura rien résolu. Le retour à Paris, espéré et idéalisé, porte à peine la promesse de lendemains meilleurs. « Ce départ ferait-il taire la psalmodie de ses pensées tristes et décanterait-il cette détresse d’âme dont il accusait la défection de sa femme d’être la cause ? Il sentait bien qu’il ne pardonnerait pas aisément à Louise de s’être éloignée de lui au moment où il aurait voulu se serrer contre elle. » (p. 211) Dans ce roman, Huysmans s’essaie au symbolisme et à la transcription du rêve. Une nouvelle fois, il fait montre d’une remarquable puissance d’évocation dans ses descriptions : entre hypotyposes et ekphrasis, elles ne laissent rien au hasard et le lecteur n’est privé d’aucun détail. Dans Là-bas, Huysmans faisait s’élever les murs à partir de ruines, ici il fait tomber les murs et révèle les ruines à venir. L’opposition Paris/province est savoureuse, mais ce roman m’a assez rapidement lassée et je l’ai achevé sans plaisir. Si j’ai retrouvé la belle plume de Huysmans, j’ai le sentiment qu’il s’est écouté écrire : bien que l’auteur propose des phrases sublimes, il aurait pu faire l’économie de quelques formulations, voire de quelques pages.






mardi 7 juillet 2015

Fabrice Humbert " Avant la chute" (2012)






Trois univers se croisent dans ce beau roman de




Trois histoires de violence, de sang et de mort
qui nous concernent Tous






 En Colombie, après l’assassinat de leur père par des groupes paramilitaires, Sonia et Norma Castillo tentent de rejoindre les Etats-Unis. Au Mexique, le sénateur Urribal est pris en tenailles entre soupçons politiques et menaces des cartels de la drogue. En France, dans une cité de banlieue, Naadir, élève surdoué, assiste au naufrage de ses frères. Vaste fresque d'un monde qui se défait, le roman de Fabrice Humbert raconte la montée des périls, le basculement des sociétés mais aussi l'énergie de la vie. Avec le sens de la narration qui a fait le succès de L'Origine de la violence et de La Fortune de Sila, il relate notre histoire à tous









jeudi 2 juillet 2015

BONNES VACANCES avec Titeuf et Zoufris Maracas





















Y’a qu’à danser
La mer nous donne du poisson
Y’a qu’à danser 
Les femmes nous donnent des enfants
Y’a qu’à danser
Z’étoiles nous guident dans l’océan
Y’a qu’à danser
Et regarder passer le temps

Sur une ile du Pacifique
La nuit leur donna deux enfants
Un curieux et un sympathique
Qui écoutait passer le temps

Le premier toujours en retard
L’autre debout tous les matins
Le premier apprit la guitare
L’autre étudia politicien

L’inspiré resto au village
Y devint simple musicien
Le pressé partit en voyage
Pour se faire oublier des siens

L’a étudié 10 ans l’université
L’a étudié comment on manage les gens
L’a étudié comment marche la planche à billets
L’a fait un petit coup d’Etat, 
monter son p’tit gouvernement

Y’a qu’à danser
La mer nous donne du poisson
Y’a qu’à danser
Les femmes nous donnent des enfants
Y’a qu’à danser
La canne à sucre nous fait le rhum
Y’a qu’à danser
Et regarder passer le temps

Sur une ile des tropiques
Un jour déboula les gendarmes
Pour nous dire d’un air tragique
Dégagez moi toutes ces cabanes

Faut pas faire chier gendarme
Faut nous laisser danser
Faut pas faire chier gendarme
Ca c’est la plage où on est né

Le gendarme il voulait rien savoir
L’a appliqué le règlement
Il a sorti son arme
Dézingué la moitié des gens

Y’a qu’à chanter y’a qu’à danser
Y’a plus personne pour danser
Y’a qu’à jouer y’a qu’à aimer
Y’a plus personne pour aimer

Le fréro le musicien
Sachant son frère politicien
Au bureau de ce dernier
Se rendit d’un pas décidé

Le pressé que deviens-tu ?
Sais tu qu’au village on nous tue ?
Qu’on fout le feu à nos cabanes
Qu’on nous empêche de vivre nus

Mon fréro mon fréro
Comprend de par ma position
Mon fréro mon fréro
Je suis chez des institutions

Et vois-tu cher ami
Si les gens savaient d’où je viens
Bien vois-tu cher ami
Je ne serais plus politicien

C’est pourquoi cher monsieur
J’ai donné l’ordre d’évacuer
Sans attendre dans la nuit
Les gens de l’ile ou je suis né

Mon fréro dit le musicien
Tu t’es perdu dans tes papiers
Toi qu’i n’a jamais su nager
Tes yeux semblent s’emplir de larmes
Je m’en vais laisser te noyer

Sur une ile du Pacifique
La mort reprit les deux enfants
L’un heureux de sa musique
L’autre rongé par ses tourments

Y’a qu’à danser
La mer nous donne du poisson
Y’a qu’à danser
Les femmes nous donnent des enfants
Y’a qu’à danser
Z’étoiles nous guident dans l’Océan
Y’a qu’à danser
Et regarder passer le temps.



ZOUFRIS MARACAS



mardi 30 juin 2015

De GEORGES BRASSENS à NANNI SAMPA "LES AMOUREUX DES BANCS PUBLICS"










Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu'on voit sur les trottoirs 
Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu'on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c'est une absurdité
Car à la vérité
Ils sont là c'est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympatiques

Ils se tiennent par la main
Parlent du lendemain
Du papier bleu d'azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher
Ils se voient déjà doucement
Ell' cousant, lui fumant
Dans un bien-être sûr
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympatiques

Quand la saint' famill' machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris
Ell' leur décoche hardiment des propos venimeux
N'empêch' que tout' la famille
Le pèr', la mèr', la fille
Le fils, le Saint Esprit
Voudraient bien de temps en temps pouvoir 
s'conduir' comme eux

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympatiques

Quand les mois auront passé
Quand seront apaisés
Leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s'apercevront émus
Qu' c'est au hasard des rues
Sur un d'ces fameux bancs
Qu'ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympatiques

















I Panchett

(Les amoreux sur le bancs pubblic)

Quej cont on cervell ristrett
Pensen che ‘sti panchett
Che vedom per i strad
Hinn miss lì domà
per fà settà giò i disgraziaa
Ma però l’è minga inscì
Se propi devi dì
Perché i hann sistemaa:
L’è per fà settà
i moros che voeuren limonà

Ritornell:                                            
A i ‘namoraa settaa giò lì in su quej panchètt
Semper lì su i panchètt
Ghe ne importa no de fà dispètt
A la gent che passa.
I ‘namoraa settaa giò lì in su quej panchètt
Semper lì su i panchètt
Quand che lee l’è ‘dree a mangià on sorbètt
Lù’l ghe va intorna a fà el gallèt

Poeu se tègnen per la man
E parlen del doman
Discuten di color
De mètt su sora i paret
in camera de lètt
Già se veden sistemaa
Lee quietta a rammendà
E lù che’l passa i or
A cercàgh el nòmm
del primm de tanti ciappinètt

(ritornell)

Quand che mamma, fioeu e papà,
La zia cont el curaa
Ghe passen li dedree,
Van adree a sbragià che ormai
gh’è pù de religion,
Ma però voeuri scommètt
Che specie a quej donnètt
Ghe piasaria podè
Settas giò anca lor
lì inscì cont on giovinotton

(ritornell)

Quand i ann sarànn passaa
 Se sarànn brusaa
I sògn in del cassètt,
Quand el ciel sora de lor
el sarà brutt e scur
Se ne accorgerànn de cert
Che su qej panchètt verd
Settaa a fàss dispètt
Hann passaa i moment miglior
de tutt el lor amor

(ritornell)

dimanche 28 juin 2015

FRANCESCO GUCCINI : "VORREI"....







Oui, oui,  je voudrais bien ....





Vorrei conoscer l’ odore del tuo paese,
camminare di casa nel tuo giardino,
respirare nell’ aria sale e maggese,
gli aromi della tua salvia e del rosmarino.
Vorrei che tutti gli anziani mi salutassero
parlando con me del tempo e dei giorni andati,
vorrei che gli amici tuoi tutti mi parlassero,
come se amici fossimo sempre stati.
Vorrei incontrare le pietre, le strade, gli usci
e i ciuffi di parietaria attaccati ai muri,
le strisce delle lumache nei loro gusci,
capire tutti gli sguardi dietro agli scuri

e lo vorrei
perchè non sono quando non ci sei
e resto solo coi pensieri miei ed io…
Vorrei con te da solo sempre viaggiare,
scoprire quello che intorno c’è da scoprire
per raccontarti e poi farmi raccontare
il senso d’ un rabbuiarsi e del tuo gioire;
vorrei tornare nei posti dove son stato,
spiegarti di quanto tutto sia poi diverso
e per farmi da te spiegare cos’è cambiato
e quale sapore nuovo abbia l’ universo.
Vedere di nuovo Istanbul o Barcellona
o il mare di una remota spiaggia cubana
o un greppe dell’ Appennino dove risuona
fra gli alberi un’ usata e semplice tramontana
e lo vorrei
perchè non sono quando non ci sei
e resto solo coi pensieri miei ed io…
Vorrei restare per sempre in un posto solo
per ascoltare il suono del tuo parlare
e guardare stupito il lancio, la grazia, il volo
impliciti dentro al semplice tuo camminare
e restare in silenzio al suono della tua voce
o parlare, parlare, parlare, parlarmi addosso
dimenticando il tempo troppo veloce o nascondere
 in due sciocchezze che son commosso.
Vorrei cantare il canto delle tue mani,
giocare con te un eterno gioco proibito
che l’ oggi restasse oggi senza domani
o domani potesse tendere all’ infinito
e lo vorrei
perchè non sono quando non ci sei
e resto solo coi pensieri miei ed io…






samedi 27 juin 2015

ESABAC EPREUVES D' HISTOIRE 2015





ESB1 - ESAMI DI STATO DI LICEO INTERNAZIONALE

Prova di: STORIA IN LINGUA FRANCESE
Svolga il candidato una delle seguenti prove a scelta tra:
a)                 composizione
b)                studio e analisi di un insieme di documenti

a)    composizione
Les relations internationales  de  la fin du XXème siècle  à nos jours : un nouvel ordre ou un nouveau désordre mondial ? (600 mots environ)

b)    studio e analisi di un insieme di documenti
Quelles sont les relations entre l’Union Soviétique et les démocraties populaires en Europe de 1945 à 1990 ? »

Dopo avere analizzato i  documenti proposti:
1) Rispondete alle domande della prima parte dell’esercizio.
2) Formulate una risposta organica in riferimento al tema posto.

Dossier documentaire:
Document 1 : Les démocraties populaires au milieu des années 1950 (carte)                              
Document 2 :  Une statue de Staline mise à terre à Budapest, lors de la révolution hongroise de 1956 (photo)                                                                                                                                                            Document 3  : La doctrine Brejnev. Discours au meeting de l’amitié soviéto-hongroise, 3 juillet 1968.  
Document 4 : Discours de Vaclav Havel devant le Parlement polonais du 25 janvier 1990.

Première partie :

Analysez l’ensemble documentaire en répondant  aux questions :

1.     Que pouvez-vous dire des liens géographiques, politiques, économiques et militaires entre l’URSS et les démocraties populaires ? (documents 1, 3 et 4)
2.     Comment s’exprime la contestation de l’influence soviétique dans les démocraties populaires ? (documents 2 et 4)
3.     À quels changements importants en URSS et dans les démocraties populaires Vaclav Havel fait-il allusion ? (document 4)

Deuxième partie :
En vous aidant des réponses aux questions, des informations contenues dans les documents et de vos
connaissances, rédigez une réponse organisée au sujet :Quelles sont les relations entre l’Union Soviétique et les démocraties populaires en Europe de 1945 à 1990 ? (300 mots environ)




Document 1 : Les démocraties populaires au milieu des années 1950 (carte)








D’après Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire du XXe siècle, tome II : le Monde entre guerre et paix, Paris, Hatier, 1996.

Document 2 : Une statue de Staline mise à terre le 24 octobre 1956 à Budapest, lors de la révolution hongroise de 1956







Document 3 : La doctrine Brejnev. Discours au meeting de l’amitié soviéto-hongroise, 3 juillet  1968. Cité dans « URSS, faits et documents », n°5, sept-oct. 1968.

Les pays socialistes pratiquent la plus étroite coopération en matière de sécurité et à cet égard le pacte de Varsovie joue un rôle considérable. Que tous sachent que le pacte de Varsovie dispose de moyens suffisants pour défendre efficacement les positions socialistes et pour assurer la sécurité de tous les membres. Parallèlement à la coopération militaire et politique entre les pays socialistes frères, la coopération économique occupe une place de premier plan. Le monde du socialisme vit intensément et se trouve dans une situation de progrès et de développement constants [...].
Il ne saurait y avoir de socialisme sans la propriété collective des moyens de production. Il ne saurait  y avoir de socialisme sans la participation des masses populaires  les plus vastes à la gestion de la société et de l’État. Il ne saurait y avoir de socialisme sans que le Parti communiste, fort des idées du marxisme-léninisme et de l’internationalisme prolétarien, joue le rôle dirigeant. Nous autres communistes, nous édifions le socialisme et le communisme dans nos pays respectifs : c’est pour nous le devoir le plus urgent.  Mais nous demeurons néanmoins des internationalistes par nos convictions, par notre éducation, par le cœur, et jamais l’avenir de l’édification socialiste dans d’autres pays, ni la cause commune du socialisme et du communisme sur terre ne nous laisserons indifférents.

Document  4 : Discours de Vaclav Havel devant le Parlement polonais du 25 janvier 1990

Pour la première fois il semble certain que la démocratie et la liberté, la justice et la souveraineté nationale sont en train de gagner, et que ce processus est irréversible. Cette certitude vient du fait que nos efforts  pour nous libérer ne sont pas isolés au milieu d’un océan d’incompréhension  mais au contraire confluent  pour former un seul fleuve.  Les changements obtenus par la nation polonaise  en dépit de revers temporaires, les changements importants en URSS, les tentatives de démocratisation en Hongrie et en RDA suivis de notre révolution pacifique en Tchécoslovaquie, la victoire héroïque et coûteuse des Roumains sur l’autocratie de Dracula, et enfin les changements auxquels nous assistons en Bulgarie, tout ceci forme un seul torrent qu’aucun barrage ne peut stopper.
[...] Nous savons que sans les longues années de lutte des Polonais, sans les efforts des peuples de l’URSS pour se libérer, sans le souvenir du soulèvement allemand de 1953, de la révolte hongroise de 1956, notre liberté fraîchement acquise et la relative facilité avec laquelle  nous l’avons gagnée, tout cela serait difficile à imaginer. Nous savons aussi bien sûr que le mouvement polonais  Solidarnosc, conduit par Lech Walesa, a le premier trouvé un moyen pacifique et efficace pour opposer une résistance continue au système totalitaire. Nous n’oublions pas non plus  que c’est vous  [...] qui l’an dernier, avez été les premiers à condamner la scandaleuse invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 [...].
La soi-disant «Droujba1» , cette façade  d’amitié  organisée et protocolaire  au sein du pacte de Varsovie et du Comecon, disparaît en même temps que les systèmes totalitaires. De même, ces encouragements insidieux, discrets, malveillants, aux tendances nationalistes et égoïstes, afin de «diviser pour régner», tout ceci disparaît aussi.

1Amitié




                  

vendredi 26 juin 2015

ESABAC EPREUVES DE LITTERATURE 2015





Esabac ordinaria 2015
ESB1 - ESAMI DI STATO DI LICEO INTERNAZIONALE

SEZIONI ESABAC
La seguente prova di esame è costituita da una prova di lingua e letteratura francese e da una prova di storia in lingua francese. La somministrazione della prova di storia deve avvenire dopo l’effettuazione della prova scritta di lingua e letteratura francese.

Prova di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE
Svolga il candidato una delle seguenti prove a scelta tra:
a)     analisi di un testo
b)    saggiobreve

a)    analisi di un testo

Dopo avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione personale sul tema proposto

Dans le haut quartier[1] n’habitaient que des blancs qui avaient fait fortune. Pour marquer la mesure surhumaine de la démarche blanche, les rues et les trottoirs du haut quartier étaient immenses. Un espace orgiaque, inutile, était offert aux pas négligents des puissants au repos.[…]. Arrosées plusieurs fois par jour, vertes, fleuries, ces rues étaient aussi bien entretenues que les  allées d’un immense jardin zoologique où les espèces rares veillaient sur elles-mêmes. Le centre du haut quartier était leur vrai sanctuaire. C’était au centre seulement qu’à l’ombre des tamariniers s’étalaient les immenses terrasses de leurs cafés. Là, le soir, ils se retrouvaient entre eux. Seuls les garçons de café étaient encore indigènes, mais déguisés en blancs, ils avaient été mis dans des smokings, de même qu’auprès d’eux les palmiers des terrasses étaient en pots. Jusque tard dans la nuit, installés dans des fauteuils de rotin derrière les palmiers et les garçons en pot, on pouvait voir les blancs suçant pernods, whisky-soda ou martel-perrier, se faire, en harmonie avec le reste, un foie bien colonial. La luisance des autos, des vitrines, du macadam arrosé, l’éclatante blancheur des costumes, la fraîcheur ruisselante des parterres  faisaient du haut quartier un bordel magique où la race blanche pouvait se donner, dans une paix sans mélange, le spectacle sacré de sa propre présence. Les magasins de cette rue, modes, parfumeries, tabacs américains, ne vendaient rien d’utilitaire. L’argent même, ici, ne devait servir à rien. Il ne fallait pas que la richesse des blancs leur pèse. Tout y était noblesse.
C’était la grande époque. Des centaines de milliers de travailleurs indigènes saignaient les arbres des cent mille hectares de terres rouges, se saignaient à ouvrir les arbres des cent mille hectares de terres qui par hasard s’appelaient déjà rouges avant d’être la possession des quelques centaines de planteurs blancs aux fortunes colossales. Le latex2 coulait. Le sang aussi. Mais le latex seul était précieux, recueilli, et recueilli, payait. Le sang se perdait. On évitait encore d’imaginer qu’il s’en trouverait un grand nombre pour venir un jour en demander le prix.

                                                                                                            Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (1950)

1 Ce quartier se trouve dans une ville du sud de l’Indochine française.
2 Du latex on tire le caoutchouc.



I.               COMPREHENSION
                 
1) En vous appuyant sur les adjectifs et les images (comparaisons, métaphores…), précisez les caractéristiques de cette ville.
2) Observez les verbes employés : que nous apprennent-ils sur les activités des colons et des indigènes ?
3) Repérez la couleur présente dans les deux paragraphes du texte(lignes 1-16 et 17-22). Quelle est la valeur symbolique?

II.             INTERPRETATION

1)  Quelle est la place réservée aux indigènes dans la ville ?
2) Quels aspects du système colonial sont critiqués par cette description du « haut quartier » ?

III.           REFLEXION PERSONNELLE

D’après Marguerite Duras elle-même « Très longtemps, […]UnBarrage contre le Pacifique  a été pris comme […] un livre de dénonciation de l’état colonial » : le roman et l’art en généralsont-ils des moyens efficaces de lutter contre les injustices sociales et les  inégalités ?
Développez une réflexion personnelle (300 mots environ).


b) Saggio breve
Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole)

Paysages : reflet du monde, reflet de l’âme ?

Document 1 

Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encore, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.

Alphonse de Lamartine, « L'Automne »,
Méditations poétiques (1820)


Document 2 

Julien poursuivait son chemin gaiement au milieu des plus beaux aspects que puissent présenter les scènes de montagnes. Il fallait traverser la grande chaîne au nord de Vergy. Le sentier qu’il suivait, s’élevant peu à peu parmi de grands bois de hêtres, forme des zigzags infinis sur la pente de la haute montagne qui dessine au nord la vallée du Doubs. Bientôt les regards du voyageur, passant par-dessus les coteaux moins élevés qui contiennent le cours du Doubs vers le midi, s’étendirent jusqu’aux plaines fertiles de la Bourgogne et du Beaujolais. Quelque insensible que l’âme de ce jeune ambitieux fût à ce genre de beauté, il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter de temps à autre, pour regarder un spectacle si vaste et si imposant.
Enfin il atteignit le sommet de la grande montagne, près duquel il fallait passer pour arriver, par cette route de traverse, à la vallée solitaire qu’habitait Fouqué, le jeune marchand de bois son ami. Julien n’était point pressé de le voir, ni aucun autre être humain. Caché comme un oiseau de proie, au milieu des roches nues qui couronnent la grande montagne, il pouvait apercevoir de bien loin tout homme qui se serait approché de lui. Il découvrit une petite grotte au milieu de la pente presque verticale d’un des rochers. Il prit sa course, et bientôt fut établi dans cette retraite. Ici, dit-il avec des yeux brillants de joie, les hommes ne sauraient me faire de mal.

Stendhal, Le Rouge et le Noir(1830)


Document 3

Pour une surprise, c'en fut une. À travers la brume, c'était tellement étonnant ce qu'on découvrait soudain que nous nous refusâmes d'abord à y croire et puis tout de même quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu'on était1 on s'est mis à bien rigoler, en voyant ça, droit devant nous...
Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout.  On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes.  Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l'Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante2 du tout, raide à faire peur.
On en a donc rigolé comme des cornichons. Ça fait drôle forcément, une ville bâtie en raideur.  Mais on n'en pouvait rigoler nous du spectacle qu'à partir du cou, à cause du froid qui venait du large pendant ce temps-là à travers une grosse brume grise et rose et rapide et piquante à l'assaut de nos pantalons et des crevasses de cette muraille, les rues de la ville, où les nuages s'engouffraient aussi à la charge du vent. 

1 Malgré notre situation de galérien.
2La ville couchée évoque la femme couchée.

Céline, Le Voyage au bout de la nuit(1932)



Document 4  

Un bubbolio lontano...

Rosseggia l'orizzonte,
Come affocato, a mare;
Nero di pece, a monte,
Stracci di nubi chiare:
Tra il nero un casolare:
Un'ala di gabbiano.

Giovanni Pascoli, “Temporale”, Myricae(1891)

Un roulement dans le lointain...

L'horizon qui rougeoie,
Tel un brasier, du côté de la mer;
D'un noir de poix, vers les montagnes,
Des lambeaux de nuages clairs:
Dans tout ce noir une chaumière:
Une aile éployée de mouette.

Giovanni Pascoli, “Temps d'orage”, Myricae (1891)

Traduction de Maurice Javion
(Anthologie bilingue de la poésie italienne, La Pléiade, Gallimard)



Document 5



Caspar David Friedrich,
Kunsthalle de Hambourg (1817)




Pour cet artiste  « l’art se présente comme médiateur entre la nature et l’homme », et  « le peintre ne doit pas peindre seulement ce qu’il voit en face de lui, mais aussi ce qu’il voit en lui ».