mardi 20 janvier 2015
Guillaume Apolllinaire "L'Adieu"
"L'adieu"
Guillaume Appolinaire
J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t-en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps Brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends.
dimanche 18 janvier 2015
"Age tendre et tête de bois"
Ce qui compte pour moi
C'est qu'ils sont devenus des hommes
Et qu'un jour parmi eux
Il s'en trouvera deux...
Pour aller fonder Rome
Ils sortent de l'enfance comme s'ils sortaient d'un bois
Plus tremblant d'arrogance que de peur ou de froid
Les jeunes loups, les jeunes loups.
Ils abordent la vie avec la même foi
Chacun guettant sa proie d'un égal appétit
De jeune loup, les jeunes loups
Si vous tentez de les séduire
Ils vous montrent les dents,
Mais quand ils sourient leur sourire
Est celui d'une enfant.
Il ne faut pas les flatter
De la main, ce ne sont pas des chiens
Ils gardent toujours leur fierté
Même s'ils n'ont pour manger
Qu'un seul os à ronger.
Ils aiment s'amuser, mais ne savent pas qu'ils jouent
Quand entre chien et loup on les voit déguisés
En loups-garous, les jeunes loups.
Parfois leurs yeux s'allument
Quand passe une ingénue
Aux longs cheveux de lune
Qu'ils suivent dans la rue
A pas de loups, les jeunes loups.
Et bientôt dans leur cœur tout bouge
Quand ils se voient tremblant
Au bras d'un petit chaperon rouge
Qu'ils habillent de blanc
Ils se croient apprivoisés,
Installés dans un conte de fées
Mais rien n'est fini pour autant
Car la vie les attend
Pour leur faire les dents
Pour que jeunesse se passe
Ou sans raison du tout
On leur dit tout à coup
D'aller faire la chasse,
Aux autres loups, les jeunes loups.
Avec ou sans lauriers, ils reviennent meurtris
Et peuvent réciter, même sans l'avoir appris
La mort du loup, les jeunes loups
Alors ils arrêtent leurs frasques
Et s'arrachent soudain
Le loup qui leur servait de masque
Et par un beau matin
Se retrouvent à la croisée des chemins
Seuls devant leur destin
Et prennent la voie de leur choix
Qu'ils poursuivent tout droit
Sans reculer d'un pas.
Même si beaucoup d'entre eux
Vivent sans foi ni loi,
Cela importe peu
Ce qui compte pour moi
C'est qu'ils sont devenus des hommes
Et qu'un jour parmi eux
Il s'en trouvera deux...
Pour aller fonder Rome
Plus tremblant d'arrogance que de peur ou de froid
Les jeunes loups, les jeunes loups.
Ils abordent la vie avec la même foi
Chacun guettant sa proie d'un égal appétit
De jeune loup, les jeunes loups
Si vous tentez de les séduire
Ils vous montrent les dents,
Mais quand ils sourient leur sourire
Est celui d'une enfant.
Il ne faut pas les flatter
De la main, ce ne sont pas des chiens
Ils gardent toujours leur fierté
Même s'ils n'ont pour manger
Qu'un seul os à ronger.
Ils aiment s'amuser, mais ne savent pas qu'ils jouent
Quand entre chien et loup on les voit déguisés
En loups-garous, les jeunes loups.
Parfois leurs yeux s'allument
Quand passe une ingénue
Aux longs cheveux de lune
Qu'ils suivent dans la rue
A pas de loups, les jeunes loups.
Et bientôt dans leur cœur tout bouge
Quand ils se voient tremblant
Au bras d'un petit chaperon rouge
Qu'ils habillent de blanc
Ils se croient apprivoisés,
Installés dans un conte de fées
Mais rien n'est fini pour autant
Car la vie les attend
Pour leur faire les dents
Pour que jeunesse se passe
Ou sans raison du tout
On leur dit tout à coup
D'aller faire la chasse,
Aux autres loups, les jeunes loups.
Avec ou sans lauriers, ils reviennent meurtris
Et peuvent réciter, même sans l'avoir appris
La mort du loup, les jeunes loups
Alors ils arrêtent leurs frasques
Et s'arrachent soudain
Le loup qui leur servait de masque
Et par un beau matin
Se retrouvent à la croisée des chemins
Seuls devant leur destin
Et prennent la voie de leur choix
Qu'ils poursuivent tout droit
Sans reculer d'un pas.
Même si beaucoup d'entre eux
Vivent sans foi ni loi,
Cela importe peu
Ce qui compte pour moi
C'est qu'ils sont devenus des hommes
Et qu'un jour parmi eux
Il s'en trouvera deux...
Pour aller fonder Rome
samedi 17 janvier 2015
"NOTTE AL LICEO CLASSICO E. CAIROLI" : THE OVAL PORTRAIT (1842) -LE PORTRAIT OVALE (1857)
THE OVAL PORTRAIT (1842)
LE PORTRAIT OVALE (1857)
Le désir de peindre
Malheureux peut-être l'homme, mais heureux
l'artiste que le désir déchire!
Je brûle de peindre celle qui m'est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme
une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu'elle a disparu!
Elle est belle, et plus que belle; elle est surprenante. En elle le noir abonde: et tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l'éclair: c'est une explosion dans les ténèbres.
Je la comparerais à un soleil noir, si l'on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l'a marquée de sa redoutable influence; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d'une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l'herbe terrifiée!
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l'amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l'inconnu et l'impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d'une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
Je brûle de peindre celle qui m'est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme
une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu'elle a disparu!
Elle est belle, et plus que belle; elle est surprenante. En elle le noir abonde: et tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l'éclair: c'est une explosion dans les ténèbres.
Je la comparerais à un soleil noir, si l'on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l'a marquée de sa redoutable influence; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d'une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l'herbe terrifiée!
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l'amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l'inconnu et l'impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d'une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
Charles
Baudelaire Le spleen de Paris (1869)
Le
Désir de peindre évoque, par le biais d’une métaphore picturale topique, le
problème de la représentation qui sous-tend l’écriture du poème. L’objet
de cette « peinture » est une belle femme « apparue si rarement » et qui a «
disparu ». Sa description, qui se fait pour ainsi dire à
coups d’essai, thématise la recherche de l’expression juste et montre in actu l’élaboration du texte littéraire.
Dans cette perspective, Le
Désir de peindre se présente comme un texte fondamental pour l’analyse de l’esthétique
baudelairienne.
Le
portrait, je l’ai déjà dit, était celui d’une jeune fille. C’était une simple
tête, avec des épaules, le tout dans ce style qu’on appelle, en langage
technique, style de vignette ; beaucoup
de la manière de Sully dans ses têtes de prédilection. Les bras, le sein, et
même les bouts des cheveux rayonnants, se fondaient insaisissablement dans l’ombre vague, mais
profonde, qui servait de fond à l’ensemble. Le cadre était ovale, magnifiquement doré et
guilloché dans le goût moresque. Comme œuvre d’art, on ne pouvait rien trouver
de plus admirable que la peinture elle-même. Mais il se peut bien que ce ne fût ni l’exécution
de l’œuvre, ni l’immortelle beauté de la physionomie qui m’impressionna si
soudainement et si fortement. Encore moins devais-je croire que mon imagination, sortant d’un
demi-sommeil, eût pris
la tête pour celle d’une personne vivante. — Je vis tout d’abord que les
détails du dessin, le style de vignette et l’aspect du cadre auraient
immédiatement dissipé un pareil charme, et m’auraient préservé de toute
illusion même momentanée. Tout en faisant ces réflexions, et très vivement, je
restai, à demi étendu, à demi assis, une heure entière peut-être, les yeux
rivés à ce portrait.
À la longue,
ayant découvert le vrai secret de son effet, je me laissai retomber sur le lit.
J’avais deviné que le charme de la peinture était une
expression vitale
absolument adéquate à la vie elle-même, qui
d’abord m’avait fait tressaillir, et finalement m’avait confondu, subjugué,
épouvanté. Avec une
terreur profonde et respectueuse, je replaçai le candélabre dans sa position
première. Ayant ainsi dérobé à ma vue la cause de ma profonde agitation, je
cherchai vivement le volume qui contenait l’analyse des tableaux et leur
histoire. Allant droit au numéro qui désignait le portrait ovale, j’y lus le
vague et singulier récit qui suit :
« C’était
une jeune fille d’une très rare beauté, et qui n’était pas moins aimable
que pleine de gaieté. Et maudite fut l’heure où elle vit, et aima, et épousa le
peintre. Lui, passionné,
studieux, austère, et ayant déjà trouvé une épouse dans son Art ; elle, une jeune fille d’une très rare
beauté, et non moins aimable que pleine de gaieté : rien que lumière et
sourires, et la folâtrerie d’un jeune faon ; aimant et chérissant toutes
choses ; ne haïssant que l’Art qui était son
rival ; ne
redoutant que la palette et les brosses, et les autres instruments fâcheux qui
la privaient de la figure de son adoré. Ce fut une terrible chose pour cette dame que
d’entendre le peintre parler du désir de peindre sa jeune épouse. Mais elle
était humble et obéissante, et elle s’assit avec douceur pendant de longues
semaines dans la sombre et haute chambre de la tour, où la lumière filtrait sur
la pâle toile seulement par le plafond. Mais lui, le peintre, mettait sa gloire
dans son œuvre, qui avançait d’heure en heure et de jour en jour. —
Et c’était un homme passionné, et étrange, et pensif, qui se
perdait en rêveries ; si bien qu’il ne voulait pas voir que la lumière
qui tombait si lugubrement dans cette tour isolée desséchait la santé et les
esprits de sa femme, qui languissait visiblement pour tout le monde, excepté
pour lui. Cependant,
elle souriait toujours, et toujours sans se plaindre, parce qu’elle voyait que le
peintre (qui avait un grand renom) prenait un plaisir vif et brûlant dans sa
tâche, et travaillait nuit et jour pour peindre celle qui l’aimait si fort,
mais qui devenait de jour en jour plus languissante et plus faible. Et, en vérité, ceux qui contemplaient le
portrait parlaient à voix basse de sa ressemblance, comme d’une puissante merveille et comme d’une preuve non moins
grande de la puissance du peintre que de son profond amour pour celle qu’il
peignait si miraculeusement bien. —
Mais, à la longue, comme la besogne approchait de sa fin,
personne ne fut plus admis dans la tour ; car le peintre était devenu fou par
l’ardeur de son travail, et il détournait rarement ses yeux de la toile, même
pour regarder la figure de sa femme. Et il ne voulait pas voir que les couleurs qu’il
étalait sur la toile étaient tirées des joues de
celle qui était assise près de lui. Et, quand bien des semaines furent passées et
qu’il ne restait plus que peu de chose à faire, rien qu’une touche sur la
bouche et un glacis sur l’œil, l’esprit de la dame palpita encore comme la flamme dans
le bec d’une lampe.
Et alors
la touche fut donnée, et alors le glacis fut placé ; et pendant un moment le peintre se tint en extase
devant le travail qu’il avait travaillé ; mais, une minute après, comme il contemplait
encore, il trembla, et il fut
frappé d’effroi ; et, criant d’une voix éclatante : « En vérité, c’est la Vie elle-même ! » il se retourna brusquement pour
regarder sa bien-aimée : — elle était morte ! »
Le Confiteor de l'Artiste
Que les fins de journées d’automne
sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu’à la douleur !
car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité ; et il n’est
pas de pointe plus acérée que celle de l’Infini. Grand délice que celui de noyer son regard
dans l’immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l’azur ! une petite voile frissonnante à l’horizon, et qui par sa petitesse et son isolement imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions. Toutefois, ces pensées, qu’elles sortent de moi ou s’élancent des choses, deviennent bientôt trop intenses. L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. Mes nerfs trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses. Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité de la mer, l’immuabilité du spectacle me révoltent… Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi ! Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil !
car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité ; et il n’est
pas de pointe plus acérée que celle de l’Infini. Grand délice que celui de noyer son regard
dans l’immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l’azur ! une petite voile frissonnante à l’horizon, et qui par sa petitesse et son isolement imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions. Toutefois, ces pensées, qu’elles sortent de moi ou s’élancent des choses, deviennent bientôt trop intenses. L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. Mes nerfs trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses. Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité de la mer, l’immuabilité du spectacle me révoltent… Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi ! Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil !
L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur
avant d’être vaincu.
avant d’être vaincu.
Les phares
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;
Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,
Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;
Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;
Colères de boxeurs, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand coeur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats ;
Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers décorés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;
Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu’on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir, et d’enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;
Delacroix, lac de sang hanté de mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;
Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C’est pour les coeurs mortels un divin opium !
C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C’est un phare allumé par mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !
Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous pouvons donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !
Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857.
Le tombeau d ’Edgar POE
Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le
change,
Le Poète suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
Que la Mort triomphait dans cette voix
étrange !
vendredi 16 janvier 2015
"NOTTE AL LICEO CLASSICO CAIROLI" 16 janvier 2015 : A. de Saint-Exupéry "Vol de nuit" (1931)
VOL DE NUIT (1931)
“Pour moi, voler ou écrire, c’est tout un”
L’histoire
de Vol de Nuit
se situe en amérique du Sud
dans les années 1920, lors de la naissance de l’aviation commerciale.
dans les années 1920, lors de la naissance de l’aviation commerciale.
Rivière,
qui dirige une équipe de l'Aéropostale en Amérique du Sud, cherche à démontrer
que le courrier est acheminé plus rapidement par avion que par chemin.
Le récit raconte l’histoire du pilote Fabien qui se perd lors d’un vol de
nuit dans la tempête. Face à l'épouse de celui-ci, Rivière comprend que l'amour
et le sens du devoir sont deux idéaux incompatibles.
De ses années de vols, A. de Saint-Exupéry rapporte des valeurs essentielles :les sens de la fraternité, la notion de dépassement de soi et l’importance des relations humaines.
On peut remarquer que lorsque des discrets éléments viennent individualiser les personnages , comme la maladie de
Rivière, (atteint vraisemblablement d’un cancer) le drame personnel est immédiatement conçu comme un moyen de mieux comprendre le monde et d’agir sur lui.
“Son
propre
mal lui enseignait beaucoup
de choses: Cela ouvre
certaines
fenêtres,
pensait-il”
Tout
comme
le récit , bref
et
tendu
vers
sa fin, scandé en XXIII chapitre,
la phrase du
roman
est marquée généralement
par sa brièveté et
profilée pour la vitesse
comme
un fuselage d’avion (Lucien Giraudo)
D’une écriture sobre et classique, l’auteur nous attire dans un monde de couleurs et de mouvement à l’instar du peintre d’ Hélice Robert Delaunay . “L’or
du
soir
“ des collines que survole le pilote Fabien fait place bientôt à l’ombre et à la nuit “pareil
à
une fumée sombre”.
A’ l’image du pilote saisi dans le mouvement circulaire des airs , le regard du spectateur est capté par l’effet giratoire provoqué par la forme
de l’hélice.
XVI Fabien "errait parmi les étoiles..."
Il monta, en corrigeant mieux les remous,
grâce aux repères qu'offraient les étoiles. Leur aimant pâle l'attirait. Il
avait peiné si longtemps, à la poursuite d'une lumière, qu'il n'aurait plus
lâché la plus confuse. Riche d'une lueur d'auberge, il aurait tourné jusqu'à la
mort, autour de ce signe dont il avait faim. Et voici qu'il montait vers des
champs de lumière.
Il s'élevait peu à peu, en spirale, dans le puits qui s'était
ouvert, et se refermait au-dessous de lui. Et les nuages perdaient, à mesure
qu'il montait, leur boue d'ombre, ils passaient contre lui, comme des vagues de
plus en plus pures et blanches. Fabien émergea.
Sa surprise fut extrême: la clarté
était telle qu'elle l'éblouissait. Il dut, quelques secondes, fermer les yeux.
Il n'aurait jamais cru que les nuages, la nuit, pussent éblouir. Mais la pleine
lune et toutes les constellations les changeaient en vagues rayonnantes.
L'avion avait gagné d'un seul
coup, à la seconde même où il émergeait, un calme qui semblait extraordinaire.
Pas une houle ne l'inclinait. Comme une barque qui passe la digue, il entrait
dans les eaux réservées. Il était pris dans une part de ciel inconnue et cachée
comme la baie des îles bienheureuses. La tempête, au-dessous de lui, formait un
autre monde de trois mille mètres d'épaisseur, parcouru de rafales, de trombes
d'eau, d'éclairs, mais elle tournait vers les astres une face de cristal et de
neige.
Fabien pensait
avoir gagné des limbes étranges, car tout devenait lumineux, ses mains, ses
vêtements, ses ailes. Car la lumière ne descendait pas des astres, mais elle se
dégageait, au-dessous de lui, autour de lui, de ces provisions blanches.
Ces
nuages, au-dessous de lui, renvoyaient toute la neige qu'ils recevaient de la
lune. Ceux de droite et de gauche aussi, hauts comme des tours. Il circulait un
lait de lumière, dans lequel baignait l'équipage. Fabien, se retournant, vit
que le radio souriait.
– Ça va mieux!
criait-il.
Mais la voix se perdait
dans le bruit du vol, seuls communiquaient les sourires. «Je suis tout à fait
fou, pensait Fabien, de sourire: nous sommes perdus.»
Pourtant, mille bras
obscurs l'avaient lâché. On avait dénoué ses liens, comme ceux d'un prisonnier
qu'on laisse marcher seul, un temps, parmi les fleurs.
«Trop beau»,
pensait Fabien. Il errait
parmi des étoiles accumulées avec la densité d'un trésor, dans un monde où rien
d'autre, absolument rien d'autre que lui, Fabien, et son camarade, n'était
vivant. Pareils à ces voleurs des villes fabuleuses, murés dans la chambre aux
trésors dont ils ne sauront plus sortir. Parmi des pierreries glacées, ils
errent, infiniment riches, mais condamnés.
Salì, correggendo meglio che poteva i risucchi, grazie ai punti di
riferimento che offrivan le stelle. La loro calamita pallida lo attirava.
Aveva tanto e così lungamente sofferto alla ricerca d'una luce, che,
trovatala, non a-vrebbe più abbandonato la più confusa. Ricco d'un chiarore
d'albergo, avrebbe girato sino alla morte, attorno a quel segno di cui
aveva fame. Edecco che saliva verso il campo di luce.
Saliva a poco a poco, a spirale, nel pozzo che s'era aperto e che si
ri-chiudeva sotto di lui. E, a misura ch'egli saliva, le nuvole
perdevano il lorofango d'ombra, passavano contro di lui, simili a onde
sempre più bianche.Fabien emerse.
La sua sorpresa fu estrema: la luce era tale che abbagliava. Per
qualchesecondo fu costretto a chiudere gli occhi. Non avrebbe mai
creduto che, dinotte, le nubi potessero abbagliare. Ma la luna piena
e tutte le costellazionile mutavano in onde raggianti.
L'aeroplano era improvvisamente sboccato, nello stesso attimo in cuiera
emerso, in una calma che pareva straordinaria. Non un'onda che
lo fa-cesse inclinare. Come una barca quando passa la
diga, esso entrava in ac-que riservate. Era preso in una parte sconosciuta
di cielo, nascosta come larada delle isole felici. Sotto di
lui, la tempesta formava un altro mondo ditremila metri di
spessore, percorso da raffiche, da trombe d'acqua, da lam- pi; ma
essa volgeva agli astri una faccia di neve e di cristallo.
Fabien s'immaginava d'aver raggiunto uno strano limbo,
perché tutto sifaceva luminoso; le sue mani, le sue vesti, le sue
ali. La luce non scendevadagli astri, ma si sprigionava, sotto di lui,
intorno a lui, da quei depositi bianchi.
Quelle nuvole sotto di lui, rimandavan tutta la neve che
ricevevano dallaluna; anche quelle a destra e a sinistra, alte come
torri. Ovunque scorrevaun latte di luce, nel quale l'equipaggio si
immergeva beato. Fabien, volgendosi, vide che
il radiotelegrafista sorrideva.
«Va meglio!» gridò.
Ma la sua voce si perdeva nel rumore del volo; soltanto i sorrisi
comunicavano. "Sono assolutamente pazzo" pensava Fabien;
"sorrido mentre siamo perduti."
Nondimeno mille braccia oscure l'avevano abbandonato. I suoi lacci erano
stati slegati, come quelli d'un prigioniero lasciato libero
di camminare, per un po', tra i fiori.
"Troppo bello" pensò Fabien. Errava tra le stelle accumulate
con la den-sità d'un tesoro, in un mondo nel quale nulla, all'infuori
di lui, Fabien, e delsuo compagno, era vivo. Essi sono simili a quei
ladri delle città favolose, murati entro la cameradel tesoro dalla
quale non potranno più uscire. Ed errano, in mezzo a
quellagelida gioielleria notturna, infinitamente ricchi,
ma condannati.
Et si vous le souhaitez
lisez-le en entier!
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