vendredi 26 juin 2015

ESABAC EPREUVES DE LITTERATURE 2015





Esabac ordinaria 2015
ESB1 - ESAMI DI STATO DI LICEO INTERNAZIONALE

SEZIONI ESABAC
La seguente prova di esame è costituita da una prova di lingua e letteratura francese e da una prova di storia in lingua francese. La somministrazione della prova di storia deve avvenire dopo l’effettuazione della prova scritta di lingua e letteratura francese.

Prova di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE
Svolga il candidato una delle seguenti prove a scelta tra:
a)     analisi di un testo
b)    saggiobreve

a)    analisi di un testo

Dopo avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione personale sul tema proposto

Dans le haut quartier[1] n’habitaient que des blancs qui avaient fait fortune. Pour marquer la mesure surhumaine de la démarche blanche, les rues et les trottoirs du haut quartier étaient immenses. Un espace orgiaque, inutile, était offert aux pas négligents des puissants au repos.[…]. Arrosées plusieurs fois par jour, vertes, fleuries, ces rues étaient aussi bien entretenues que les  allées d’un immense jardin zoologique où les espèces rares veillaient sur elles-mêmes. Le centre du haut quartier était leur vrai sanctuaire. C’était au centre seulement qu’à l’ombre des tamariniers s’étalaient les immenses terrasses de leurs cafés. Là, le soir, ils se retrouvaient entre eux. Seuls les garçons de café étaient encore indigènes, mais déguisés en blancs, ils avaient été mis dans des smokings, de même qu’auprès d’eux les palmiers des terrasses étaient en pots. Jusque tard dans la nuit, installés dans des fauteuils de rotin derrière les palmiers et les garçons en pot, on pouvait voir les blancs suçant pernods, whisky-soda ou martel-perrier, se faire, en harmonie avec le reste, un foie bien colonial. La luisance des autos, des vitrines, du macadam arrosé, l’éclatante blancheur des costumes, la fraîcheur ruisselante des parterres  faisaient du haut quartier un bordel magique où la race blanche pouvait se donner, dans une paix sans mélange, le spectacle sacré de sa propre présence. Les magasins de cette rue, modes, parfumeries, tabacs américains, ne vendaient rien d’utilitaire. L’argent même, ici, ne devait servir à rien. Il ne fallait pas que la richesse des blancs leur pèse. Tout y était noblesse.
C’était la grande époque. Des centaines de milliers de travailleurs indigènes saignaient les arbres des cent mille hectares de terres rouges, se saignaient à ouvrir les arbres des cent mille hectares de terres qui par hasard s’appelaient déjà rouges avant d’être la possession des quelques centaines de planteurs blancs aux fortunes colossales. Le latex2 coulait. Le sang aussi. Mais le latex seul était précieux, recueilli, et recueilli, payait. Le sang se perdait. On évitait encore d’imaginer qu’il s’en trouverait un grand nombre pour venir un jour en demander le prix.

                                                                                                            Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (1950)

1 Ce quartier se trouve dans une ville du sud de l’Indochine française.
2 Du latex on tire le caoutchouc.



I.               COMPREHENSION
                 
1) En vous appuyant sur les adjectifs et les images (comparaisons, métaphores…), précisez les caractéristiques de cette ville.
2) Observez les verbes employés : que nous apprennent-ils sur les activités des colons et des indigènes ?
3) Repérez la couleur présente dans les deux paragraphes du texte(lignes 1-16 et 17-22). Quelle est la valeur symbolique?

II.             INTERPRETATION

1)  Quelle est la place réservée aux indigènes dans la ville ?
2) Quels aspects du système colonial sont critiqués par cette description du « haut quartier » ?

III.           REFLEXION PERSONNELLE

D’après Marguerite Duras elle-même « Très longtemps, […]UnBarrage contre le Pacifique  a été pris comme […] un livre de dénonciation de l’état colonial » : le roman et l’art en généralsont-ils des moyens efficaces de lutter contre les injustices sociales et les  inégalités ?
Développez une réflexion personnelle (300 mots environ).


b) Saggio breve
Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole)

Paysages : reflet du monde, reflet de l’âme ?

Document 1 

Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encore, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.

Alphonse de Lamartine, « L'Automne »,
Méditations poétiques (1820)


Document 2 

Julien poursuivait son chemin gaiement au milieu des plus beaux aspects que puissent présenter les scènes de montagnes. Il fallait traverser la grande chaîne au nord de Vergy. Le sentier qu’il suivait, s’élevant peu à peu parmi de grands bois de hêtres, forme des zigzags infinis sur la pente de la haute montagne qui dessine au nord la vallée du Doubs. Bientôt les regards du voyageur, passant par-dessus les coteaux moins élevés qui contiennent le cours du Doubs vers le midi, s’étendirent jusqu’aux plaines fertiles de la Bourgogne et du Beaujolais. Quelque insensible que l’âme de ce jeune ambitieux fût à ce genre de beauté, il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter de temps à autre, pour regarder un spectacle si vaste et si imposant.
Enfin il atteignit le sommet de la grande montagne, près duquel il fallait passer pour arriver, par cette route de traverse, à la vallée solitaire qu’habitait Fouqué, le jeune marchand de bois son ami. Julien n’était point pressé de le voir, ni aucun autre être humain. Caché comme un oiseau de proie, au milieu des roches nues qui couronnent la grande montagne, il pouvait apercevoir de bien loin tout homme qui se serait approché de lui. Il découvrit une petite grotte au milieu de la pente presque verticale d’un des rochers. Il prit sa course, et bientôt fut établi dans cette retraite. Ici, dit-il avec des yeux brillants de joie, les hommes ne sauraient me faire de mal.

Stendhal, Le Rouge et le Noir(1830)


Document 3

Pour une surprise, c'en fut une. À travers la brume, c'était tellement étonnant ce qu'on découvrait soudain que nous nous refusâmes d'abord à y croire et puis tout de même quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu'on était1 on s'est mis à bien rigoler, en voyant ça, droit devant nous...
Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout.  On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes.  Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l'Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante2 du tout, raide à faire peur.
On en a donc rigolé comme des cornichons. Ça fait drôle forcément, une ville bâtie en raideur.  Mais on n'en pouvait rigoler nous du spectacle qu'à partir du cou, à cause du froid qui venait du large pendant ce temps-là à travers une grosse brume grise et rose et rapide et piquante à l'assaut de nos pantalons et des crevasses de cette muraille, les rues de la ville, où les nuages s'engouffraient aussi à la charge du vent. 

1 Malgré notre situation de galérien.
2La ville couchée évoque la femme couchée.

Céline, Le Voyage au bout de la nuit(1932)



Document 4  

Un bubbolio lontano...

Rosseggia l'orizzonte,
Come affocato, a mare;
Nero di pece, a monte,
Stracci di nubi chiare:
Tra il nero un casolare:
Un'ala di gabbiano.

Giovanni Pascoli, “Temporale”, Myricae(1891)

Un roulement dans le lointain...

L'horizon qui rougeoie,
Tel un brasier, du côté de la mer;
D'un noir de poix, vers les montagnes,
Des lambeaux de nuages clairs:
Dans tout ce noir une chaumière:
Une aile éployée de mouette.

Giovanni Pascoli, “Temps d'orage”, Myricae (1891)

Traduction de Maurice Javion
(Anthologie bilingue de la poésie italienne, La Pléiade, Gallimard)



Document 5



Caspar David Friedrich,
Kunsthalle de Hambourg (1817)




Pour cet artiste  « l’art se présente comme médiateur entre la nature et l’homme », et  « le peintre ne doit pas peindre seulement ce qu’il voit en face de lui, mais aussi ce qu’il voit en lui ».



mardi 23 juin 2015

Marguerite Duras "Un barrage contre le pacifique" (1950)




Dans l'attente de l'épreuve ESABAC 2015 

quelques éléments pour l'analyse de l'extrait 



Introduction 


   SON TITRE

Il est symbolique. Le Pacifique est un des plus vastes océans du monde, avec des mers bordières, la mer de Chine et le golfe du Siam.  Ce sont elles qui inondent la concession de la mer. Mais le roman ne les mentionne jamais, insistant au contraire sur la puissance de « l’océan » (cf. pp. 32-33)  qui détruit les barrages, toujours évoqués au pluriel (cf. p. 30, p. 250). Le singulier du titre prend donc une valeur particulière en soulignant l’aspect dérisoire d’ »un barrage » contre un océan. C’est un projet démesuré, une folie, un rêve irréalisable qui ne peut qu’échouer. Le titre illustre, de ce fait, la résistance, perdue d’avance, contre une force plus puissante, image de l’impuissance des individus contre le système colonial tout entier, de la lutte sans espoir de « la mère » contre « les agents du cadastre » qui lui ont accordé sa concession incultivable. (cf. pp. 289-290)    












" Il leur avait semblé à tous les trois que c'était une bonne idée d'acheter ce cheval. Même si ça en devait servir qu'à payer les cigarettes de Joseph. D'abord, c'était une idée, ça prouvait qu'ils pouvaient encore avoir des idées. Puis ils se sentaient moins seuls, reliés par ce cheval au monde extérieur, tout de même capables d'en extraire quelque chose, de ce monde, même si c'était misérable, d'en extraire quelque chose qui n'avait pas été à eux jusque-là, et de l'amener jusqu'à leur coin de plaine saturée de sel, jusqu'à eux trois saturés d'ennui et d'amertume. c'était ça les transports : même d'un désert, où rien ne pousse, on pouvait encore faire sortir quelque chose, en le faisant traverser à ceux qui vivent ailleurs, à ceux qui sont du monde.
Cela dura huit jours. Le cheval était trop vieux, bien plus vieux que la mère pour un cheval, un vieillard centenaire. Il essaya honnêtement de faire le travail qu'on lui demandait et qui était bine au dessus de ses forces depuis longtemps, puis il creva.
Ils en furent dégoûtés, si dégoûtés, en se retrouvant sans cheval sur leur coin de plaine, dans la solitude et la stérélité de toujours, qu'ils décidèerent le soir même qu'ils iraient tous les trois le lendemain à Ram, pour essayer de se consoler en voyant du monde.
Et c'est le lendemain à Ram qu'ils devaient faire la renconre qui allait changer leur vie à tous.
Comme quoi une idée est toujours une bonne idée, du moment qu'elle fait faire quelque chose, même si tout est entrepris de travers, par exemple avec des chevaux moribonds. Comme quoi une idée de ce genre est toujours une bonne idée, même si tout échoue lamentablement, parce qu'alors il arrive au moins qu'on finisse par devenir impatient, comme on ne le serait jamais devenu si on avait commencé par penser que les idées qu'on avait étaient de mauvaises idées."












lundi 22 juin 2015

Michel Leiris "L' âge d' homme"









J'ai retrouvé sur la toile des  références bien  intéressantes 

sur  mon livre de chevet  actuel.  

J'avais entrepris cette lecture poussé par le dossier du 

Magazine Littéraire d'avril  "Michel Leiris l'indiscipliné"

où j'ai apprécié le thème de l'introspection et cet acharnement 

à se présenter, qui parfois me rappelle

 "Les confessions" de J.J. Rousseau,

 et je me suis dit que je pourrais  proposer cet 

autoportrait  aux élèves de IV D de l'année prochaine

et  on ne sait jamais...

ce serait une bonne proposition pour l' ESABAC !!!




Francis Bacon Portrait de Michel Leiris, 1976.



MICHEL LEIRIS – L’Âge d’homme (1939)

L’autoportrait ouvre cette autobiographie où l'introspection prend souvent la forme d'une exploration inquisitrice: Michel Leiris s’y observe minutieusement, sans s'idéaliser, peut‑être avec une pointe de masochisme.

Je viens d'avoir trente‑quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique (si l'on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines tempo­rales exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de front est en rapport (selon le dire des astrologues) avec le signe du Bélier ; et en effet je suis né un 20 avril, donc aux confins de ces deux signes: le Bélier et le Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau lui­sante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées, mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans mon caractère.
Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant ; j'ai ten­dance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté ; ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles. J'aime à me vêtir avec le maximum d'élé­gance ; pourtant, à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d'ordinaire profondément inélégant ; j'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante. [ ... ]
Mon activité principale est la littérature, terme aujourd'hui bien décrié. Je n'hésite pas à l'employer cependant, car c'est une question de fait : on est lit­térateur comme on est botaniste, philosophe, astro­nome, physicien, médecin. À rien ne sert d'inventer d'autres termes, d'autres prétextes pour justifier ce goût qu'on a d'écrire : est littérateur quiconque aime penser une plume à la main. Le peu de livres que j'ai publiés ne m'a valu aucune notoriété. Je ne m'en plains pas, non plus que je ne m'en vante, ayant une même horreur du genre écrivain à succès que du genre poète méconnu.

Michel Leiris "L' âge d' homme" ED. FOLIO p. 23-25

On devine chez Michel Leiris un homme qui ne s'apprécie guère. Dans cet autoportrait on peut facilement relever des termes péjoratifs avec lesquels il se caractérise. Prenons l'exemple d'un extrait de «l'âge d'homme». Cette description de lui même n'est que physique, mais on devine là dessous une personne malheureuse, sans pitié pour lui même. Il se dénigre:


          « Je viens d'avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique (si l'on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de front est en rapport (selon les dires des astrologues) avec le signe du Bélier ; et en effet, je suis né le 20 avril, donc aux confins de ces deux signes : le Bélier et le Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord de paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurset à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées ; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans mon caractère.
          Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant ; j'ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté : ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles. J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance ; pourtant à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d'ordinaire profondément inélégant ; j'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante. »


          Sous cette description noire que Michel LEIRIS fait de lui même, le lecteur qui n'aurait jamais vu à quoi il ressemble, s'attendrait à un personnage d'une laideur incroyable. Des portraits de celui-ci ont d'ailleurs été peint, dont celui de Francis Bacon :










Michel Leiris et Francis Bacon en 1970.








dimanche 21 juin 2015

Samuel Beckett "En attendant Godot" Scène d'exposition











Route à la campagne, avec arbre. Soir. Estragon, assis sur une pierre, essaie d'enlever sa chaussure.
 Il s'y acharne des deux mains, en ahanant. Il s'arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence. Même jeu. Entre Vladimir.

ESTRAGON (renonçant à nouveau) : Rien à faire.
VLADIMIR (s'approchant à petits pas raides, les jambes écartées) : Je commence à le croire. 

(Il s'immobilise.) J'ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Vladimir, sois raisonnable. 
Tu n'as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. (Il se recueille, songeant au combat. 
A Estragon.) Alors, te revoilà, toi.
ESTRAGON : Tu crois ?
VLADIMIR : Je suis content de te revoir. Je te croyais parti pour toujours.
ESTRAGON : Moi aussi.
VLADIMIR : Que faire pour fêter cette réunion ? (Il réfléchit.) Lève-toi que je t'embrasse.

 (Il tend la main à Estragon.)
ESTRAGON (avec irritation) : Tout à l'heure, tout à l'heure.
Silence. 
VLADIMIR (froissé, froidement) : Peut-on savoir où monsieur a passé la nuit ?
ESTRAGON : Dans un fossé.
VLADIMIR (épaté) : Un fossé ! Où ça ?
ESTRAGON (sans geste) : Par là.
VLADIMIR : Et on ne t'a pas battu ?
ESTRAGON : Si... Pas trop.
VLADIMIR : Toujours les mêmes ?
ESTRAGON : Les mêmes ? Je ne sais pas.
Silence. 
VLADIMIR : Quand j'y pense... depuis le temps... je me demande... ce que tu serais devenu... 

sans moi... (Avec décision) Tu ne serais plus qu'un petit tas d'ossements à l'heure qu'il est, 
pas d'erreur.
ESTRAGON (piqué au vif) : Et après ?
VLADIMIR (accablé) : C'est trop pour un seul homme. (Un temps. Avec vivacité.) D'un autre 

côté, à quoi bon se décourager à présent, voilà ce que je me dis. Il fallait y penser il y a une 
éternité, vers 1900.
ESTRAGON : Assez. Aide-moi à enlever cette saloperie.
VLADIMIR : La main dans la main on se serait jeté en bas de la tour Eiffel, parmi les premiers.

 On portait beau alors. Maintenant il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. 
(Estragon s'acharne sur sa chaussure.) Qu'est-ce que tu fais ?
ESTRAGON : Je me déchausse. Ça ne t'est jamais arrivé, à toi ?
VLADIMIR : Depuis le temps que je te dis qu'il faut les enlever tous les jours. Tu ferais 

mieux de m'écouter.
ESTRAGON (faiblement) : Aide-moi !
VLADIMIR : Tu as mal ?
ESTRAGON : Mal ! Il me demande si j'ai mal !
VLADIMIR (avec emportement) : Il n'y a jamais que toi qui souffres ! Moi je ne compte pas.

 Je voudrais pourtant te voir à ma place. Tu m'en dirais des nouvelles.
ESTRAGON : Tu as eu mal ?
VLADIMIR : Mal ! Il me demande si j'ai eu mal !
ESTRAGON (pointant l'index) : Ce n'est pas une raison pour ne pas te boutonner.
VLADIMIR (se penchant) : C'est vrai. (Il se boutonne.) Pas de laisser-aller dans les 

petites choses.
ESTRAGON : Qu'est-ce que tu veux que je te dise, tu attends toujours le dernier moment.
VLADIMIR (rêveusement) : Le dernier moment... (Il médite) C'est long, mais ce sera bon. 

Qui disait ça ?
ESTRAGON : Tu ne veux pas m'aider ?
VLADIMIR : Des fois je me dis que ça vient quand même. Alors je me sens tout drôle.

 (Il ôte son chapeau, regarde dedans, y promène sa main, le secoue, le remet.) Comment 
dire ? Soulagé et en même temps... (il cherche) ...épouvanté. (Avec emphase.) E-POU-VAN-TE. 
(Il ôte à nouveau son chapeau, regarde dedans.) Ca alors ! (Il tape dessus comme pour en faire 
tomber quelque chose, regarde à nouveau dedans, le remet.) Enfin... (Estragon, au prix d'un 
suprême effort, parvient à enlever sa chaussure. Il regarde dedans, y promène sa main, 
la retourne,  la secoue, cherche par terre s'il n'en est pas tombé quelque chose, ne trouve rien, 
passe sa main à nouveau dans sa chaussure, les yeux vagues.) Alors ?
ESTRAGON : Rien
VLADIMIR : Fais voir.
ESTRAGON : Il n'y a rien à voir.



Samuel Beckett  En attendant Godot  













Commentaire littéraire


I. Le cadre spatio-temporel

1- Temps

La pièce commence le soir, peu commun (unité de temps => une pièce devait durer une journée, l’action commençait donc le matin).

Une seule allusion au passé (1900).

Peu d’indications qui permettent de situer la pièce, époque incertaine.
Répétition de ce qui est déjà connu (« revoilà », « revoir », « de même »).
2- Lieu
Des vagabonds sur une route.
Décor : un arbre, une pierre très sobre, => décor dépouillé,  qui figure la misère.
Cadre neutre et indéfini.
=> Non-respect des règles classiques
II. La relation entre les deux personnages
Les deus personnages forment une sorte de « couple », allusion à un passé glorieux mais révolu : « on portait beau alors » « maintenant on ne nous laisserait même pas monter » => les personnages se connaissent depuis longtemps. A l'inverse, le présent est fait d'errances.
Des personnages malmenés par la vie, vagabonds. Dans le théâtre classique, ces personnages ne seraient pas des héros => Ce sont des antihéros, allant à l'encontre des pièces de théâtre plus classiques.
Les objets ont une importance symbolique : les chaussures (Estragon) => très terre à terre, le chapeau (Vladimir), côté plus cérébral.
La relation entre les deux personnages semble tendue : Vladimir est enthousiaste alors qu'Estragon est cassant, ce qui crée un décalage entre les personnages.
=> Relation compliquée entre les deux personnages, peut-être inspirée par des héros célèbres.
Personnages qui communiquent mal : silence, répliques courtes => non dialogue, récurent chez Beckett et Ionesco.
III. La négation de l'action
Impression de farce. Registre comique quand les personnages veulent s’embrasser.
Aucune action : dénuement du décor, actions insignifiantes (ex.: fermeture de braguette « pas de laisser aller dans les petites choses »), mais qui ont de l’importance puisqu’il ne se passe rien d’autre.
Rien qui indique un projet : on est aux antipodes du théâtre traditionnel, les personnages vivent au jour le jour, aucune réflexion sur le futur.
Tout est fait pour dérouter le spectateur.
Actions vides de sens, qui stagnent, il ne se passe rien.
La pièce commence avec une expression paradoxale : « rien à faire » => double sens.
Les personnages manquent de repère : le flou du décor, du temps, cela tourne à vide, d’où théâtre de l’absurde.
Conclusion
En attendant Godot de Beckett est donc en rupture avec le théâtre dramatique et s'inscrit dans le théâtre de l'absurde, fruit des bouleversements du siècle, avec un décor dénué, un cadre temporel confus et cyclique, des personnages anti-héros et une action qui restera niée tout au long du récit.
Le théâtre de l’absurde dit beaucoup plus que ce qu’il n’y parait aux premiers abords, il faut voir la dimension métaphysique.

samedi 20 juin 2015

Ana Sota " Les parfums, les couleurs et les sons se répondent"




Il y a des rencontres qui marquent à jamais ...

Celle avec la famille Gonçalves / Sota

Fait partie de celles-ci.





Le  livre est en vente à "La libreria del corso " à Varese







Je n'ai pas oublié...






Le rentrée du lycée avec cet agréable parfum vivant






qui souvent montaient avec moi le long de l'escalier ...






Non, je n'ai pas oublié






Notre  maison  tranquille 






les  soirées de nos dîners longs et joyeux.





mercredi 17 juin 2015

Saggio breve :Villes : Espèce d’espaces




2015: 4ième année d'ESABAC 

au lycée "Cairoli" à Varese




Saggio breve :
Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole).



Blade Runner


Villes :   Espèce d’espaces


Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.

II est doux, à travers les brumes, de voir naître
L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
L'Emeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre;
Car je serai plongé dans cette volupté
D'évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.

Charles Baudelaire Paysage Les Fleurs du mal (1857)
           

Villes

Tous les chemins vont vers la ville.
Du fond des brumes,
Avec tous ses étages en voyage
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d'un rêve, elle s'exhume.

Là-bas,
Ce sont des ponts musclés de fer,
Lancés, par bonds, à travers l'air ;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que décorent Sphinx et Gorgones ;
Ce sont des tours sur des faubourgs ;
Ce sont des millions de toits
Dressant au ciel leurs angles droits :
C'est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.

Des clartés rouges
Qui bougent
Sur des poteaux et des grands mâts,
Même à midi, brûlent encor
Comme des oeufs de pourpre et d'or ;
Le haut soleil ne se voit pas :
Bouche de lumière, fermée
Par le charbon et la fumée.

Un fleuve de naphte et de poix
Bat les môles de pierre et les pontons de bois ;
Les sifflets crus des navires qui passent
Hurlent de peur dans le brouillard ;
Un fanal vert est leur regard
Vers l'océan et les espaces. (… )

Emile Verhaeren, Les forces tumultueuses


Zone

A la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme
L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers
J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J'aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thieville et l'avenue des Terne (…)

Guillaume Apollinaire,  Alcools


L’uomo cammina per giornate tra gli alberi e le pietre. Raramente l’occhio si ferma su una cosa, ed è quando l’ha riconosciuta per il segno d’un’altra cosa: un’impronta sulla sabbia indica il passaggio della tigre, un pantano annuncia una vena d’acqua,  fiore dell’ibisco la fine del’inverno. Tutto il resto è muto e intercambiabile; alberi e pietre sono soltanto ciò che sono. Finalmente il viaggio conduce alla città di Tamara. Ci si addentra per vie fitte d’insegne che sporgono dai muri. L’occhio non vede cose ma figure di cose che significano altre cose: la tenaglia indica la casa del cavadenti, il boccale la taverna, le alabarde il corpo di guardia, la stadera l’erbivendola. Statue e scudi rappresentano leoni delfini torri stelle: segno che qualcosa – chissà cosa – ha per segno un leone o delfino o torre o stella. Altri segnali avvertono di ciò che in un luogo è proibito – entrare nel vicolo 
con i carretti, orinare dietro l’edicola, pescare con la canna dal ponte – e di ciò che è lecito – abbeverare le zebre, giocare a bocce, bruciare i cadaveri dei parenti. Dalla porta dei templi si vedono le statue degli dei, raffigurati ognuno coi suoi attributi: la cornucopia, la clessidra, la medusa, per cui il fedele può riconoscerli e rivolgere loro le preghiere giuste. Se un edificio non porta nessuna insegna o figura, la sua stessa forma e il posto che occupa nell’ordine della città bastano a indicarne la funzione: la reggia, la prigione, la zecca, la scuola pitagorica,il bordello. Anche le mercanzie che i venditori mettono in mostra sui banchi valgono non per se stesse ma come segni d’altre cose: la benda ricamata per la fronte vuol dire eleganza, la portantina dorata potere, i volumi di Averroè sapienza, il monile per la caviglia voluttà. Lo sguardo percorre le vie come 
pagine scritte: la città dice tutto quello che devi pensare, ti fa ripetere il suo discorso, e mentre credi di visitare Tamara non fai che registrare i nomi con cui essa definisce se stessa e tutte le sue parti. 
Come veramente sia la città sotto questo fitto involucro di segni, cosa contenga o nasconda, l’uomo esce da Tamara senza averlo saputo. Fuori s’estende la terra vuota fino all’orizzonte, s’apre il cielo dove corrono le nuvole. Nella forma che il caso e il vento danno alle nuvole l’uomo è già intento a riconoscere figure: un veliero, una mano, un elefante … 

Italo Calvino Le città invisibili Tamara




 Blade Runner

Dans les dernières années du 20ème siècle, des milliers d'hommes et de femmes partent à la conquête de l'espace, fuyant les mégalopoles devenues insalubres. Sur les colonies, une nouvelle race d'esclaves voit le jour : les répliquants, des androïdes que rien ne peut distinguer de l'être humain. Los Angeles, 2019. Après avoir massacré un équipage et pris le contrôle d'un vaisseau, les répliquants de type Nexus 6, le modèle le plus perfectionné, sont désormais déclarés "hors la loi". Quatre d'entre eux parviennent cependant à s'échapper et à s'introduire dans Los Angeles. Un agent d'une unité spéciale, un blade-runner, est chargé de les éliminer. Selon la terminologie officielle, on ne parle pas d'exécution, mais de retrait...