vendredi 30 novembre 2018

Valéry Larbaud : Les Poésies d'A.O. Barnabooth (1913) : Ode




Chicago 


Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons,

De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!


Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!

Charles Beaudelaire "Le voyage"



Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée,
Ô train de luxe ! et l’angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapest,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
Ô Harmonika-Zug !

J’ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow.
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Etaient vêtus de peaux de moutons crues et sales…
(Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j’ai vu passer la Sibérie et les monts du Samnium,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie tiède !

Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn, prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourds et
Vos vibrantes voix de chanterelle ;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d’or
Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses…

Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D’enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.


(1)  : Larbaud invente le personnage de A.O.Banabooth, milliardaire
 américain en perpétuelle errance et écrivain.
(2) :Noms de prestigieux trains de luxe
(3) :Virbalis, en Lituanie
(4) :Ville de Biélorussie
(5) : Région montagneuse de l’Italie ancienne








dimanche 25 novembre 2018

France Théâtre / MATER LINGUA: "Révolution" 13 décembre 2018 : Zombie - Maître Gims - Le coeur éléphant - Fréro Delavega -Un peu de rêve - Vitaa - Non non rien n'a changé - Les Poppys - Viens on s'aime - Slimane




Siena -Piazza del Campo 



Ma raison somnolait

Ma conscience me conseillait

Mon subconscient m'déconseillait

Mais mon esprit veut s'envoler
Ma raison somnolait

Ma conscience me conseillait

Mon subconscient m'déconseillait

Mais mon esprit veut s'envoler
Stop, repense à tes mômes

De quoi tu me parles?

Mâche un peu tes mots

T'es parano
Manipulé par un autre
Qui t'laisse croire que le monde est noir
Mais trop tard
Perdu dans un brouillard
T'es parano
Manipulé par un autre
Tu n'es que l'ombre de toi-même
Ta raison se déchire
Tu défies tes désirs
Laisse-toi tomber
Retire ces chaînes
Qui te freinent, qui te freinent

Stop, je tisse des liens, j'en perds le fil

Bâtis ma vie, construis dans l'vide

Les gens me disent, "L'espoir fait vivre"

Comment m'faire vivre, je suis un zombie
Je suis un zombie

Je suis…




Au-delà des orages

Je pars en voyage

Mon âme au vent

Le cœur éléphant
Je suis parti d’ici
Pour rencontrer la vie
Être vivant
Énormément
Sur les épaules des géants
Le cœur éléphant
Voir au-delà de nos vies

Pause sur un rocher

Se laisser aller

À pas de géants

Le cœur éléphant
On prendra notre temps
Pour découvrir la vie
Aimer les gens
Énormément
Sur les épaules des géants
Le cœur éléphant
Voir au-delà de nos vies
Le cœur ébahi

Coûtez-la voit lactée

Le cœur léger

Le cœur léger

Je mettrais tout mon poids

Pour faire pencher la vie

Du bon côté

Le cœur léger
Voir les hommes
Comme les doigts
D’une main qui construit
Pour toi et moi
Nos utopies

J’ai le cœur éléphant

Énormément

J’ai le cœur éléphant

Au-delà des orages

Je pars en voyage

Mon âme au vent

Le cœur éléphant
Je suis parti d’ici
Pour rencontrer la vie
Être vivant







Claudio:
Comme on se couche on se lève
Regarde c'qu’ils nous ont fait
Ils veulent tirer sur nos rêves
Ils le font pour de vrai

Vitaa:
Le mal ne connait pas la grève
Le mal est dans l’excès
Les petits préparent la relève 
Pendant qu’on cherche la paix

Vitaa & (Claudio):
(Ce monde n’a plus d’âme)
Ce monde n’a plus d’âme

(Refrain:)
(Tendez-moi un peu de rêve)
J’ai plus l'temps
(Sauvez-moi, ici je crève)
J’ai plus le cran
(Je veux déployer mes ailes)

M’envoler
(J'suis tellement sale ça m’obsède)
Je cherche la paix
(On fait semblant nos cœurs saignent)
On est tous les mêmes
(Avant que la lumière s’éteigne)
J’ai tout à donner
(Et vendez-moi un peu de rêve)
Moi j’ai plus de cran

Je cherche la paix
(Je cherche la paix)
(Les choix c’est marche ou crève)
On veut juste exister
(Ils ont peur qu’on s’élèvent)
Comme ça vous négliger
Et toutes nos séquelles 
Que rien n'peut réparer
Dis-moi des pantins c’est lequel 
Qui dit la vérité
(Ce monde n’a plus d’âme)
Ce monde n’a plus d’âme

(Refrain)
Ils veulent nous contrôler
Ils veulent nous faire perdre
(Je cherche la paix)
Tout miser pour toucher nos rêves
(Je cherche la paix)
Et qu’est-ce que ça peut faire
Si on veut quitter l’enfer
(Comme les ailes pour toucher nos rêves)

(Refrain)
Ensemble:
Je cherche la paix, le bonheur
Quitter l’enfer, ici j’ai peur
Je cherche la paix, le bonheur
Non, non, non, 
Non, non, non
Je cherche la paix, le bonheur
Quitter l’enfer, ici j’ai peur
Je cherche la paix, le bonheur
Non, non, non, 

Non, non, non




C'est l'histoire d'une trêve

Que j'avais demandée

C'est l'histoire d'un soleil

Que j'avais espéré
C'est l'histoire d'un amour
Que je croyais vivant
C'est l'histoire d'un beau jour
Que moi petit enfant
Je voulais très heureux
Pour toute la planète
Je voulais, j'espérais
Que la paix règne en maître
En ce soir de Noël
Mais tout a continué
Mais tout a continué
Mais tout a continué

Non, non, rien n’a changé

Tout, tout a continué

Non, non, rien n’a changé

Tout, tout a continué
Hey ! Hey ! Hey ! Hey !

Et pourtant bien des gens

Ont chanté avec nous

Et pourtant bien des gens

Se sont mis à genoux
Pour prier, oui pour prier 
Pour prier, oui pour prier

Mais j'ai vu tous les jours

A la télévision

Même le soir de Noël

Des fusils, des canons
J'ai pleuré, oui j'ai pleuré
J'ai pleuré, oui j'ai pleuré
Qui pourra m'expliquer que ...

Non, non, rien n’a changé

Tout, tout a continué

Non, non, rien n’a changé

Tout, tout a continué
Hey ! Hey ! Hey ! Hey !

Moi je pense à l'enfant

Entouré de soldats

Moi je pense à l'enfant

Qui demande pourquoi
Tout le temps, oui tout le temps 
Tout le temps, oui tout le temps

Moi je pense à tout ça

Mais je ne devrais pas

Toutes ces choses-là

Ne me regardent pas
Et pourtant, oui et pourtant
Et pourtant, je chante, je chante

Non, non, rien n’a changé

Tout, tout a continué

Non, non, rien n’a changé

Tout, tout a continué
Hey ! Hey ! Hey ! Hey !







Ils pourront tout nous enlever
Ils pourront bien essayer
De nous monter l'un contre l'autre
À contre sens pour qu'on se vautre
Ils pourront nous raconter
Qu'on a eu tort qu'on s’est trompé
Ils pourront pointer du doigt
Pointer l'amour coupable de quoi

Viens on s'aime
Viens on s'aime
Allez viens on s'aime, on s'en fout
De leurs mots, de la bienséance 

Viens on s'aime, on s'en fout
De leurs idées, de ce qu'il pensent
Viens on s'aime, et c'est tout
On fera attention dans une autre vie
Viens on s'aime, on est fou
Encore un jour, encore une nuit

Ils pourront parler du ciel
Dire que notre histoire n'est pas belle
Prier pour qu'on abandonne
Qu'il y ait une nouvelle donne
Ils pourront bien nous avoir
Le temps d'un doute le temps d'un soir
Mais après la peine et les cris
Sèche les larmes qui font la pluie
Viens on s'aime
Viens on s'aime
Allez viens on s'aime, on s'en fout
De leurs mots, de la bienséance
Viens on s'aime, on s'en fout
De leurs idées, de ce qu'ils pensent
Viens on s'aime, et c'est tout
On fera attention dans une autre vie
Viens on s'aime, on est fou
Encore un jour, encore une nuit
Ana nahebek nahebek nahebek
Ana nahebek nahebek nahebek
Allez viens on s'aime, on s'en fout
De leurs mots de la bienséance
Viens on s'aime, on s'en fout
De leurs idées, de ce qu'ils pensent
Viens on s'aime, et c'est tout
On fera attention dans une autre vie
Viens on s'aime, on est fou
Encore un jour, encore une nuit






mercredi 21 novembre 2018

Marguerite Yourcenar : L'oeuvre au noir




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LICEO CLASSICO “E. CAIROLI” VARESE
SEZIONE ESABAC
BAC BLANC

Prova di  LINGUA E LETTERATURA FRANCESE

Svolga il candidato una delle seguenti prove a scelta tra:
a)      analisi di un testo
b)      saggio breve

           analisi di un testo

Dopo avere letto il testo rispondete alle domande elaborate una riflessione personale sul tema proposto.

Personnage historique fictif comme l’écrit Marguerite  Yourcenar Zénon parcourt l’Europe de la Renaissance déchirée par les guerres de religion et le fanatisme. Alchimiste et médecin, il incarne les valeurs fondatrices de l’humanisme. Nous sommes ici au début du roman : Zénon et Henri-Maximilien Ligre, son cousin, ont quitté Bruges où ils ont été élevés,  leurs routes se séparent.

 — J'ai seize ans, dit Henri-Maximilien. Dans quinze ans, on verra bien si je suis par hasard légal d'Alexandre. Dans trente ans, on saura si je vaux ou non feu César. Vais-je passer ma vie à auner (1) du drap dans un boutique de la rue aux Laines (2) ?   Il s'agit d'être homme.
— J'ai vingt ans, calcula Zénon. À tout mettre au mieux, j'ai devant moi cinquante ans d'étude avant que ce crâne se change en tête de mort. Prenez vos fumées (3)  et vos héros dans Plutarque (4), frère Henri. Il s'agit pour moi d'être plus qu'un homme.
 — Je vais du côté des Alpes. Dit Henri Maximilien.
— Moi, du côté des Pyrénées.
Ils se turent. La route plate, bordée de peupliers, étirait devant eux un fragment du libre univers.
L’aventurier de la puissance et l’aventurier du savoir marchaient côte à côte. 
— Voyez, continua Zénon. Par-delà ce village, d’autres villages, par-delà cette abbaye, d’autres abbayes, par-delà cette forteresse, d’autres forteresses. Et dans chacun de ces châteaux d’idées, de ces masures (5) d’opinions superposés aux masures de bois et aux châteaux de pierre, la vie emmure les fous et ouvre un pertuis (6) aux sages. Par-delà les Alpes, l’Italie. Par-delà les Pyrénées, l’Espagne. D’un côté, le pays de La Mirandole (7), de l’autre, celui d’Avicenne (8). Et, plus loin encore, la mer, et, par-delà la mer, sur d’autres rebords de l’immensité, l’Arabie, la Morée (9), l’Inde, les deux Amériques. Et partout, les vallées où se récoltent les simples (10), les rochers où se cachent les métaux dont chacun symbolise un moment du Grand Œuvre (11), les grimoires (12) déposés entre les dents des morts, les dieux dont chacun a sa promesse, les foules dont chaque homme se donne pour centre à l’univers. Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ? Vous le voyez, frère Henri, je suis vraiment un pèlerin. La route est longue, mais je suis jeune.
 — Le monde est grand, dit Henri-Maximilien. — Le monde est grand, dit gravement Zénon. Plaise à Celui qui Est peut-être de dilater le cœur humain à la mesure de toute la vie.(13)

1)mesurer 2)rue de Bruges 3)rêves, illusions 4)auteur de la Vie des hommes illustres 5)  Édifice, maison en ruines; habitation misérable, délabrée 6)porte 7)philosophe humaniste italien 8)philosophe et médecin iranien 9)Autre nom du Péloponnèse, région de la Grèce 10)herbes médicinales 11)transmutation des métaux en or. 12)Livres à l’écriture mystérieuse


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13)Son épitaphe dan son "éternité" : « Plaise à Celui qui Est peut-être de dilater le cœur de l'homme à la mesure de toute la vie. » (tirée de L'Œuvre au noir)

Marguerite Yourcenar , L’Oeuvre au noir, Ed. Gallimard 1968



COMPRÉHENSION

1)Comment la romancière met-elle en valeur l’ opposition entre les deux personnages ?

2)Que refuse chacun d’eux ?

INTERPRÉTATION

1)Relevez les notations de lieu des lignes 16 à 20 : que veut souligner l’auteur ?

2)De quelles valeurs de l’humanisme Zénon est-il porteur ? Qu’est-ce qui le pousse à partir ?

RÉFLEXION PERSONNELLE

Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ?

Développez ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres que vous avez lues.  (300 mots environ).


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Quatrième de couverture

En créant le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle, Marguerite Yourcenar, l'auteur de Mémoires d'Hadrien, ne raconte pas seulement le destin tragique d'un homme extraordinaire. C'est toute une époque qui revit dans son infinie richesse, comme aussi dans âcre et brutale réalité ; un monde contrasté où s'affrontent le Moyen-Age et la Renaissance, et où pointent déjà les temps modernes, monde dont Zénon est issu, mais dont peu à peu cet homme libre se dégage et qui pour cette raison même finira par le broyer. L'Oeuvre au Noir a obtenu en 1968 le prix Femina à l'unanimité.









b) Saggio breve

Dopo avere analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole)

Paysages : reflet du monde, reflet de l’âme ?

Document 1 

Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encore, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.

Alphonse de Lamartine, « L'Automne », 
Méditations poétiques (1820)


Document 2 

Julien poursuivait son chemin gaiement au milieu des plus beaux aspects que puissent présenter les scènes de montagnes. Il fallait traverser la grande chaîne au nord de Vergy. Le sentier qu’il suivait, s’élevant peu à peu parmi de grands bois de hêtres, forme des zigzags infinis sur la pente de la haute montagne qui dessine au nord la vallée du Doubs. Bientôt les regards du voyageur, passant par-dessus les coteaux moins élevés qui contiennent le cours du Doubs vers le midi, s’étendirent jusqu’aux plaines fertiles de la Bourgogne et du Beaujolais. Quelque insensible que l’âme de ce jeune ambitieux fût à ce genre de beauté, il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter de temps à autre, pour regarder un spectacle si vaste et si imposant.
Enfin il atteignit le sommet de la grande montagne, près duquel il fallait passer pour arriver, par cette route de traverse, à la vallée solitaire qu’habitait Fouqué, le jeune marchand de bois son ami. Julien n’était point pressé de le voir, ni aucun autre être humain. Caché comme un oiseau de proie, au milieu des roches nues qui couronnent la grande montagne, il pouvait apercevoir de bien loin tout homme qui se serait approché de lui. Il découvrit une petite grotte au milieu de la pente presque verticale d’un des rochers. Il prit sa course, et bientôt fut établi dans cette retraite. Ici, dit-il avec des yeux brillants de joie, les hommes ne sauraient me faire de mal.


Stendhal, Le Rouge et le Noir(1830)


Document 3

Pour une surprise, c'en fut une. À travers la brume, c'était tellement étonnant ce qu'on découvrait soudain que nous nous refusâmes d'abord à y croire et puis tout de même quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu'on était1 on s'est mis à bien rigoler, en voyant ça, droit devant nous...
Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout.  On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes.  Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l'Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante2 du tout, raide à faire peur.
On en a donc rigolé comme des cornichons. Ça fait drôle forcément, une ville bâtie en raideur.  Mais on n'en pouvait rigoler nous du spectacle qu'à partir du cou, à cause du froid qui venait du large pendant ce temps-là à travers une grosse brume grise et rose et rapide et piquante à l'assaut de nos pantalons et des crevasses de cette muraille, les rues de la ville, où les nuages s'engouffraient aussi à la charge du vent. 

Malgré notre situation de galérien. 2La ville couchée évoque la femme couchée.

Céline, Le Voyage au bout de la nuit(1932)




Document 4  

Un bubbolio lontano...

Rosseggia l'orizzonte,
Come affocato, a mare;
Nero di pece, a monte,
Stracci di nubi chiare:
Tra il nero un casolare:
Un'ala di gabbiano.

Giovanni Pascoli, “Temporale”, Myricae(1891)

Un roulement dans le lointain...

L'horizon qui rougeoie,
Tel un brasier, du côté de la mer;
D'un noir de poix, vers les montagnes,
Des lambeaux de nuages clairs:
Dans tout ce noir une chaumière:
Une aile éployée de mouette.

Giovanni Pascoli, “Temps d'orage”, Myricae (1891)

Traduction de Maurice Javion
(Anthologie bilingue de la poésie italienne, La Pléiade, Gallimard)




Document 5




Caspar David Friedrich,
Kunsthalle de Hambourg (1817)


Pour cet artiste  « l’art se présente comme médiateur entre la natureet l’homme », et  « le peintre ne doit pas peindre seulement ce qu’ilvoit en face de lui, mais aussi ce qu’il voit en lui ».

Noël approche ...
Qui sait si mes élèves  sauront profiter de  ce petit cadeau ?