dimanche 13 mars 2016

MARCO CAMPANA "L'ENNEMI" BAC BLANC







Algarve cz


L'Ennemi


Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

— Ô douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

Charles Baudelaire

           Compréhension

1.     Quelles sont les deux périodes de la vie que le poète évoque ?

Le poète évoque la jeunesse dans la première strophe et la maturité, le début de la vieillesse dans la deuxième, maturité dans laquelle le poète doit s’appliquer à réparer les dommages de sa jeunesse.

2.     Qui est l’ennemi ?  Sous quelle forme allégorique est-il personnifié ?

L’ennemi est le temps, il est personnifié sous la forme d’un parasite semblable à une sangsue qui se nourrit de notre sang, comme le temps qui coule nous enlève la vie à petits morceaux.


Interprétation


1.     Montrez que le premier tercet reprend la métaphore de la première strophe et en réoriente le sens. Quel est l’espoir ici exprimé ?

Le premier tercet reprend la métaphore de l’orage dans l’image du sol lavé, qui est ce qu’il reste du jardin auquel le poète fait référence dans la première strophe. Dans le tercet il y a toutefois un nouvel espoir : que des fleurs nouvelles  puissent croître après la dévastation de la jeunesse, en s’alimentant de ce mal.

2.     Quel est le sentiment éprouvé à la fin du poème ? Par quels procédés d’écriture est-il exprimé ?

La souffrance est le sentiment du poète à la fin du sonnet ; elle est exprimée par la phrase exclamative et surtout par l’anaphore de l’ expression  « ô douleur! », qui comme un cri désespéré transmet toute l’affliction de Baudelaire face à la fuite du temps.

3.     Quel lien le poète semble-t-il établir entre les souffrances de la vie et la création poétique ? En quoi cela renvoie-t-il au titre même du recueil ?

Le poète instaure un possible lien entre la souffrance et la poésie dans le premier tercet , il énonce sous forme de question que les souffrance peuvent être nourriture pour la poésie (les fleurs). Le rapport avec le titre du recueil est clair : dans  «Les fleurs du mal » la préposition « du » introduit le complément d’origine, les fleurs donc viennent du mal.



Réflexion personnelle


La création poétique permet-elle d’échapper à l’angoisse de la fuite du temps et de la mort ? Développez ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres que vous avez lues.


 Plusieurs  poètes ont écrit dans le but d’échapper à la fuite du temps . Mais cette évasion des lois du temps et de la vie est-elle possible ? 
Il y a ceux qui répondraient oui, notamment Percy Shelley, qui dans le sonnet : « Ozymandias », décrit la ruine de toute puissance, empire ou règne; il reste seulement un désert là où il y avait le grand empire de Ramses II (Ozymandias), la seul chose qui reste est sa statue , donc une œuvre artistique. Pour lui l’art est le seul moyen qui permet à l’homme d’achever l’éternité. Si pour Shelley l’art entier a cette valeur, la poésie va néanmoins plus loin. Horace dans l’ode III, 30 a écrit : « J’ai achevé un monument, plus éternelle que le bronze, plus haut que la régale grandeur des pyramides ». Ainsi l’œuvre poétique (le monument) est-elle la plus éternelle parmi les formes d’art en étant immatérielle. Dans le même poème Horace exprime avec les mots : « Non omnis moriar » la valeur de sa production d’une façon explicite, elle lui permettra qu’une partie de lui continue à vivre après sa mort.
L’objection qu’on peut faire à cette thèse est qu’il pourrait être indifférent pour nous après notre mort d’être souvenus , cependant, même si la poésie ne peut pas nous consentir d’échapper à la mort elle peut lénifier notre angoisse, en raison du fait que le désir d’être remémoré est dans la nature humaine. Voilà pourquoi  la valeur d’éterniser de la poésie se réalise toute dans le présent, et non dans le futur.    


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