Les prépondérents : un roman enrichissant
La narration se déroule, au début des années 1920, dans
une ville imaginaire appelée Nahbès, où Arabes et Français vivent les uns avec les autres.
La relation entre eux sera inévitablement déséquilibrée par un événement
vraiment inattendu: Hollywood arrive à Nahbès pour le tournage d’un film, “Guerrier des
sables”.
L’accrochage
entre Orient et Occident est exacerbé. La conduite de ces Américains heurte Arabes et Français; la
modernité
qu'ils amènent
va bouleverser la ville; tout va se mélanger et entrer en collision: langues, moeurs, cultures… Il y a la
rencontre de trois univers : les “prépondérants”, club français d'élite, les
aristocrates arabes et le cinéma américain.
Et alors, les protagonistes,
du moment qu’ils
appartiennent à
des différentes
cultures, sont bien différentes l’un des autres.
Il y a Rania, jeune femme de
19 ans, trop cultivée
pour le modèle
qui se convient aux femmes, et qui refuse de se remarier.
Il y a Raouf, cousin de
Rania, cultivé “à l’occidentale”.
Il y a Gabrielle Conti,
journaliste parisienne libre et curieuse. Il y a Ganthier, colon intelligent et autoritaire.
À des personnages si peu monotones, correspond un
changement de lieu de la narration un peu brusque et sûrement inattendu: maintenant
on n'est plus à
Nahbès.
On est en Europe, d’abord
en France et après
en Allemagne, en suivant les aventures de Raouf, qui a dû s'en aller de son propre
pays.
C'est seulement à la fin qu’on retourne à Nahbès, qui
maintenant n'est plus la même qu'avant.
Dans “Les prépondérants”, troisième roman de Hédi Kaddour,
la caractérisation
des personnages, parfaitement dessinés, et le style jouent un rôle de protagonistes.
Les pensées des personnages ne sont
jamais banales, mais toujours justifiées, et donc compréhensibles pour le lecteur. Leur conduite est
vraisemblable et cohérente.
Les relations entre eux sont intéressantes et convaincantes.
La narration peut résulter
parfois un peu trop lente, parfois un peu trop accélérée (comme dans le brusque
changement “Nahbès-Europe”), mais l’exposition
est vraiment claire et linéaire.
Le contexte politique,
culturel et social est bien décrit par l’auteur.
Pour conclure, “Les prépondérants” est un roman
intelligent est bien réussi,
qui affronte des thématiques
modernes, comme l’intégration des étrangers, de
façon
intéressante
et originale.
Une lecture agréable et
enrichissante.
Alice Prestint
Les Prépondérants : des prix bien mérités
Les Prépondérants, le dernier livre du
romancier franco-tunisien Hédi Kaddour, a obtenu beaucoup de succès et
d’attention grâce aux deux prix qu’il a gagnés, c’est-à-dire le Prix Jean-Freustié et le Grand prix du roman de l'Académie française, et a sa place dans les quatre
finalistes du prix Goncourt en France.
La narration,
qui est divisée en trois parties, commence au début des années 1920 à Nahbès,
une ville imaginaire du Maghreb tunisien, où les arabes et les français qui ont
colonisé la région (dont les plus influents forment la « Cercle des
Prépondérants ») vivent ensemble, mais séparés par une barrière invisible.
La population, en particulier Raouf (le fils du caîd), Rania (une jeune veuve
de guerre cultivée et intelligente), Gabrielle Conti (une aventureuse
journaliste parisienne) et Ganthier (« le seul Français que la domination
n'a pas rendu idiot »), connaît un choc quand une troupe d’acteurs
américains arrivent en ville pour tourner un film, « Le guerrier de
sable ». Parmi eux, l’œil de l’auteur se concentre sur les personnages de
Kathryn et Neil.
Cet
événement marque le début d’un bouleversant contact entre la modernité d’outre-Atlantique
et la vie quotidienne de Nahbès qui va changer profondément les rapports entre
ses habitants. Pour nous faire mieux comprendre les deux mentalités qui se
rencontrent, deux histoires secondaires, une pour chaque partie (l’affaire
Fatty et e le mariage de Belkhodja), s’entrelacent à la principale, laquelle
voit enfin Raouf, en danger pour ses positions politiques, partir avec Ganthier
pour un long voyage-fugue en Europe. Kathryn et Gabrielle aussi s’unissent au
voyage, qui touche Paris, Strasbourg, Berlin et l’Allemagne occupée.
L’histoire
se termine dans une Nahbès turbulente, où Raouf a fait retour un an après avoir
commencé son voyage.
Les
personnages sont le plus riche trésor de ce roman. Kaddour réussit parfaitement
à nous faire assumer le regard de chacun d’eux, et notamment celui des
protagonistes, de façon que même si on ne les aime pas on peut arriver à
comprendre leur point de vue. L’analyse de leurs mentalités est fine et profonde
et ne tombe jamais dans la banalité : pour cette raison, on ne pourra pas
dire, après avoir lu ce livre, de n’avoir rien retenu de la partie du monde
arabe qui y est décrite, ce qui est peut-être l’aspect le plus intéressant pour
un lecteur occidental. A travers leur ville et eux-mêmes, Raouf et Rania nous
conduisent dans un réalité vivante et
inconnue qui, par contre, est accueillie surtout par la compréhension à la fois
difficile, mais curieuse et attentive, de Kathryn. La situation se renverse
avec le voyage en Europe, qui rend Raouf aussi plus mûr.
Le style
utilisé convient à ce type de roman : des séquences narratives très
analytiques forment la majorité du texte et les phrases souvent très longues
donnent à l’histoire un rythme lent et réfléchi pur la plupart de l’œuvre. Cette
technique, associé aux nombreuses pages du roman (460), peut rendre la lecture
à la fois un peu difficile mais elle est compensée par les contenus.
Les Prépondérants est donc une lecture
qui va certainement nous laisser quelque chose.
Federico Podano
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