J'ai retrouvé sur la toile des références bien intéressantes
sur mon livre de chevet actuel.
J'avais entrepris cette lecture poussé par le dossier du
Magazine Littéraire d'avril "Michel Leiris l'indiscipliné"
où j'ai apprécié le thème de l'introspection et cet acharnement
à se présenter, qui parfois me rappelle
"Les confessions" de J.J. Rousseau,
et je me suis dit que je pourrais proposer cet
autoportrait aux élèves de IV D de l'année prochaine
et on ne sait jamais...
ce serait une bonne proposition pour l' ESABAC !!!
Francis Bacon Portrait de Michel Leiris, 1976.
MICHEL LEIRIS – L’Âge d’homme
(1939)
L’autoportrait ouvre cette autobiographie où
l'introspection prend souvent la forme d'une exploration inquisitrice: Michel
Leiris s’y observe minutieusement, sans s'idéaliser, peut‑être avec une pointe
de masochisme.
Je viens d'avoir trente‑quatre
ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit.
J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent, par
crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse
en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très
droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque
classique (si l'on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe
du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales
exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de front est en rapport
(selon le dire des astrologues) avec le signe du Bélier ; et en effet je
suis né un 20 avril, donc aux confins de ces deux signes: le Bélier et le
Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement
enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux
rougeurs et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des
veines très dessinées, mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter
quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans mon caractère.
Ma tête est plutôt grosse
pour mon corps ; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les
épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps
incliné en avant ; j'ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le
dos voûté ; ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles.
J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance ; pourtant, à cause des
défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans
que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d'ordinaire
profondément inélégant ; j'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace
car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur
humiliante. [ ... ]
Mon activité principale est la
littérature, terme aujourd'hui bien décrié. Je n'hésite pas à l'employer
cependant, car c'est une question de fait : on est littérateur comme on est
botaniste, philosophe, astronome, physicien, médecin. À rien ne sert
d'inventer d'autres termes, d'autres prétextes pour justifier ce goût qu'on a
d'écrire : est littérateur quiconque aime penser une plume à la main. Le peu de
livres que j'ai publiés ne m'a valu aucune notoriété. Je ne m'en plains pas,
non plus que je ne m'en vante, ayant une même horreur du genre écrivain à
succès que du genre poète méconnu.
Michel Leiris "L' âge d' homme" ED. FOLIO p. 23-25
On devine chez Michel Leiris un homme qui ne s'apprécie guère. Dans cet autoportrait on peut facilement relever des termes péjoratifs avec lesquels il se caractérise. Prenons l'exemple d'un extrait de «l'âge d'homme». Cette description de lui même n'est que physique, mais on devine là dessous une personne malheureuse, sans pitié pour lui même. Il se dénigre:
« Je viens d'avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique (si l'on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de front est en rapport (selon les dires des astrologues) avec le signe du Bélier ; et en effet, je suis né le 20 avril, donc aux confins de ces deux signes : le Bélier et le Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord de paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurset à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées ; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans mon caractère.
Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant ; j'ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté : ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles. J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance ; pourtant à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d'ordinaire profondément inélégant ; j'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante. »
Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant ; j'ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté : ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles. J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance ; pourtant à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d'ordinaire profondément inélégant ; j'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante. »
Sous cette description noire que Michel LEIRIS fait de lui même, le lecteur qui n'aurait jamais vu à quoi il ressemble, s'attendrait à un personnage d'une laideur incroyable. Des portraits de celui-ci ont d'ailleurs été peint, dont celui de Francis Bacon :
Michel Leiris et Francis Bacon en 1970.
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