Buste d'Aloysius Bertrand, poète français (1807-1841), Jardin de l'Arquebuse, Djon
Fantaisies à la manière de Rembrandt et de callot
Avant d'aborder Le Spleen de Paris
Il nous faut introduire Aluysius Bertrand
qui, selon Charles Baudelaire,
a été son mentor
"C'est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux
Gaspard de la Nuit, d'Aloysius Bertrand
(un livre connu de vous, de moi et de quelques-uns de nos amis, n'a-t-il pas
tous les droits à être appelé fameux?) que l'idée m'est venue de tenter quelque
chose d'analogue, et d'appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt
d'une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu'il avait appliqué à la peinture
de la vie ancienne, si étrangement pittoresque."
tous les droits à être appelé fameux?) que l'idée m'est venue de tenter quelque
chose d'analogue, et d'appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt
d'une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu'il avait appliqué à la peinture
de la vie ancienne, si étrangement pittoresque."
comme il affirme dans dans la lettre/dédicace
qu'il écrit pour Arsène Houssaye.
Gustave Courbet (Musée Fabre Monpellier)
Un rêve
J'ai rêvé tant et plus, mais je n'y entends note.
Pantagruel, livre III.
Il était nuit. Ce furent d'abord, - ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, - une abbaye aux murailles lézardées par la lune, - une forêt percée de sentiers tortueux, - et le Morimont(*) grouillant de capes et de chapeaux.
Ce furent ensuite, - ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, - le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, - des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque fleur le long d'une ramée, - et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnent un criminel au supplice.
Ce furent enfin, - ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, - un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, - une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, - et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.
Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.
Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, - et je poursuivais d'autres songes vers le réveil.
(*) C'est à Dijon, de temps immémorial, la place aux exécutions.
Pantagruel, livre III.
Il était nuit. Ce furent d'abord, - ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, - une abbaye aux murailles lézardées par la lune, - une forêt percée de sentiers tortueux, - et le Morimont(*) grouillant de capes et de chapeaux.
Ce furent ensuite, - ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, - le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, - des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque fleur le long d'une ramée, - et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnent un criminel au supplice.
Ce furent enfin, - ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, - un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, - une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, - et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.
Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.
Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, - et je poursuivais d'autres songes vers le réveil.
(*) C'est à Dijon, de temps immémorial, la place aux exécutions.
Aloysius Bertrand - Gaspard de la nuit - Livre III - 1842
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