Antonio Canova, "Orfeo ed Euridice", 1775 - 1776
Gruppo scultoreo in pietra di Vicenza (altezza 2,03 m),
Gruppo scultoreo in pietra di Vicenza (altezza 2,03 m),
custodito nel Salone da ballo del Museo Correr a Venezia.
A la musique
Place de la Gare, à Charleville.
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
− L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
− Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : "En somme !..."
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde − vous savez, c'est de la contrebande ; −
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
− Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
− Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
− Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...
Arthur Rimbaud - Poésies
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
− L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
− Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : "En somme !..."
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde − vous savez, c'est de la contrebande ; −
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
− Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
− Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
− Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...
Arthur Rimbaud - Poésies
Fantaisie (1)
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber (2),
Un air très-vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue... et dont je me souviens !
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber (2),
Un air très-vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue... et dont je me souviens !
Note 1: publié initialement en 1832 dans les Annales romantiques, ce poème fait partie en
1834 du recueil Odelettes, dont Nerval déclarait qu'elles étaient inspirées de Ronsard.
1834 du recueil Odelettes, dont Nerval déclarait qu'elles étaient inspirées de Ronsard.
Note 2 : dans le deuxième vers, Weber se prononce " Wèbre".
Gérard de NERVAL Odelettes (1808-1855)
Marcel Proust "Un amour de Swan" (1913)
Il trouvait ouvert sur son piano quelques-uns des morceaux
qu’elle préférait : la Valse des Roses ou Pauvre Fou de Tagliafico
(qu’on devait, selon sa volonté écrite, faire exécuter à son enterrement),
il lui demandait de jouer à la place la petite phrase de la sonate de
Vinteuil, bien qu’Odette jouât fort mal, mais la vision la plus belle d’une
œuvre est souvent celle qui s’éleve au-dessus des sons faux tirés par
des doigts malhabiles, d’un piano désaccordé. La petite phrase
continuait de s’associer pour Swann à l’amour qu’il avait pour Odette.
Il sentait bien que cet amour, c’était quelque chose qui ne correspondait
à rien d’extérieur, de constatable par d’autres que lui ; il se rendait
compte que les qualités d’Odette ne justifiaient pas qu’il attachât tant
de prix aux moments passés auprès d’elle. Et souvent, quand c’était
l’intelligence positive qui régnait seule en Swann, il voulait cesser
de sacrifier tant d’intérêts intellectuels et sociaux à ce plaisir imaginaire.
Mais la petite phrase, dès qu’il l’entendait, savait rendre libre en lui
l’espace qui pour elle était nécessaire, les proportions de l’âme de
Swann s’en trouvé changées ; une marge y était réservée à une
jouissance qui elle non plus ne correspondait à aucun objet extérieur
et qui pourtant, au lieu d’être purement individuelle comme celle de
l’amour, s’imposait à Swann comme une réalité supérieure aux
choses concrètes. Cette soif d’un charme inconnu, cette petite
phrase l’éveillait en lui, mais ne lui apportait rien de précis pour
l’assouvir. De sorte que ces parties de l’âme de Swann où la petite
phrase avait effacé les soucis des intérêts matériels, les considérations
humaines et valables pour tous, elle les avait laissées vacantes et en
blanc, et il était libre d’y inscrire le nom d’Odette. Puis à ce que l’affection
d’Odette pouvait avoir d’un peu court et décevant, la petite phrase
venait ajouter, amalgamer son essence mystérieuse. A voir le visage
de Swann pendant qu’il écoutait la phrase, on aurait dit qu’il était en
train d’absorber un anesthésique qui donnait plus d’amplitude à sa
respiration. Et le plaisir que lui donnait la musique et qui allait bientôt
créer chez lui un véritable besoin, ressemblait, en effet, à ce moment-là
au plaisir qu’il aurait eu à expérimenter des parfums, à entrer en contact
avec un monde pour lequel nous ne sommes pas fait ; qui nous semble
sans forme parce que nos yeux ne le perçoivent pas, sans signification
parce qu’il échappe à notre intelligence, que nous n’atteignons que par
un seul sens.
Cesare Pavese "I dialoghi con Leucò"
Orfeo: E’ andata così. Salivamo il sentiero tra il bosco delle ombre. Erano già lontani Cocito,
lo Stige, la barca, i lamenti. S’intravvedeva sulle foglie il barlume del cielo. Mi sentivo
alle spalle il fruscìo del suo passo. Ma io ero ancora laggiù e avevo addosso quel
freddo. Pensavo che un giorno avrei dovuto tornarci, che ciò ch’è stato sarà ancora.
Pensavo alla vita con lei, com’era prima; che un’altra volta sarebbe finita. Ciò ch’è stato sarà.
Pensavo a quel gelo, a quel vuoto che avevo traversato e che lei si portava nelle ossa, nel midollo,
nel sangue. Valeva la pena di rivivere ancora? Ci pensai, e intravvidi il barlume del giorno.
Allora dissi “Sia finita” e mi voltai. Euridice scomparve come si spegne una candela. Sentii
soltanto un cigolìo, come d’un topo che si salva.
Bacca: Strane parole, Orfeo. Quasi non posso crederci. Qui si diceva ch’eri caro agli dèi e
alle muse. Molte di noi ti seguono perché ti sanno innamorato e infelice. Eri tanto innamorato che
– solo tra gli uomini – hai varcato le porte del nulla. No, non ci credo, Orfeo. Non è stata tua colpa
se il destino ti ha tradito. Orfeo: Che c’entra il destino. Il mio destino non tradisce. Ridicolo che
dopo quel viaggio, dopo aver visto in faccia il nulla, io mi voltassi per errore o per capriccio.
Bacca: Qui si dice che fu per amore.
Orfeo: Non si ama chi è morto.
Bacca: Eppure hai pianto per monti e colline – l’hai cercata e chiamata – sei disceso nell’Ade.
Questo cos’era?
Orfeo: Tu dici che sei come un uomo. Sappi dunque che un uomo non sa che farsi della morte.
L’Euridice che ho pianto era una stagione della vita. Io cercavo ben altro laggiù che il suo amore.
Cercavo un passato che Euridice non sa. L’ho capito tra i morti mentre cantavo il mio canto.
Ho visto le ombre irrigidirsi e guardar vuoto, i lamenti cessare, Persefòne nascondersi il volto,
lo stesso tenebroso-impassibile, Ade, protendersi come un mortale e ascoltare. Ho capito che
i morti non sono più nulla.
Bacca: Il dolore ti ha stravolto, Orfeo. Chi non rivorrebbe il passato? Euridice era quasi rinata.
Orfeo: Per poi morire un’altra volta, Bacca. Per portarsi nel sangue l’orrore dell’Ade e tremare
con me giorno
e notte. Tu non sai cos’è il nulla.
Bacca: E così tu che cantando avevi riavuto il passato, l’hai respinto e distrutto. No, non ci posso
credere.
Orfeo: Capiscimi, Bacca. Fu un vero passato soltanto nel canto. L’Ade vide se stesso soltanto
ascoltandomi. Già salendo il sentiero quel passato svaniva, si faceva ricordo, sapeva di morte.
Quando mi giunse il primo barlume di cielo, trasalii come un ragazzo, felice e incredulo, trasalii
per me solo, per il mondo dei vivi. La stagione che avevo cercato era là in quel barlume.
Non m’importò nulla di lei che mi seguiva. Il mio passato fu il chiarore, fu il canto e il mattino.
E mi voltai.
Bacca: Come hai potuto rassegnarti, Orfeo? Chi ti ha visto al ritorno facevi paura. Euridice
era stata per te un’esistenza.
Orfeo: Sciocchezze. Euridice morendo divenne altra cosa. Quell’Orfeo che discese nell’Ade,
non era più sposo né vedovo. Il mio pianto d’allora fu come i pianti che si fanno da ragazzo
e si sorride a ricordarli. La stagione è passata. Io cercavo, piangendo, non più lei ma me
stesso. Un destino, se vuoi. Mi ascoltavo.
Bacca: Molte di noi ti vengon dietro perché credevano a questo tuo pianto. Tu ci hai dunque ingannate?
Orfeo: O Bacca, Bacca, non vuoi proprio capire? Il mio destino non tradisce. Ho cercato me stesso.
Non si cerca che questo.
Bacca: Qui noi siamo più semplici, Orfeo. Qui crediamo all’amore e alla morte, e piangiamo e ridiamo
con tutti. Le nostre feste più gioiose sono quelle dove scorre del sangue. Noi, le donne di Tracia,
non le temiamo queste cose.
Orfeo: Visto dal lato della vita tutto è bello. Ma credi a chi è stato tra i morti… Non vale la pena.
Bacca: Un tempo non eri così. Non parlavi del nulla. Accostare la morte ci fa simili agli dèi. Tu stesso
insegnavi che un’ebbrezza travolge la vita e la morte e ci fa più che umani… Tu hai veduto la festa.
Orfeo: Non è il sangue ciò che conta, ragazza. Né l’ebbrezza né il sangue mi fanno impressione.
Ma che cosa sia un uomo è ben difficile dirlo. Neanche tu, Bacca, lo sai.
Bacca: Senza di noi saresti nulla, Orfeo.
Orfeo: Lo dicevo e lo so. Ma poi che importa? Senza di voi sono disceso all’Ade…
Bacca: Sei disceso a cercarci.
Orfeo: Ma non vi ho trovate. Volevo tutt’altro. Che tornando alla luce ho trovato.
Bacca: Un tempo cantavi Euridice sui monti…
Orfeo: Il tempo passa, Bacca. Ci sono i monti, non c’è più Euridice. Queste cose hanno un nome, e si
chiamano uomo. Invocare gli dèi della festa qui non serve.
Bacca: Anche tu li invocavi.
Orfeo: Tutto fa un uomo, nella vita. Tutto crede, nei giorni. Crede perfino che il suo sangue
scorra alle volte in vene altrui. O che quello che è stato si possa disfare. Crede di rompere il destino
con l’ebbrezza. Tutto questo lo so e non è nulla.
Bacca: Non sai che farti della morte, Orfeo, e il tuo pensiero è solo morte. Ci fu un tempo che la festa
ci rendeva immortali.
Orfeo: E voi godetela la festa. Tutto è lecito a chi non sa ancora. E’ necessario che ciascuno scenda
una volta nel suo inferno. L’orgia del mio destino è finita nell’Ade, finita cantando secondo i miei modi la
vita e la morte.
Bacca: E che vuol dire che un destino non tradisce?
Orfeo: Vuol dire che è dentro di te, cosa tua; più profondo del sangue, di là da ogni ebbrezza. Nessun
dio può toccarlo.
Bacca: Può darsi, Orfeo. Ma noi non cerchiamo nessuna Euridice. Com’è dunque che scendiamo
all’inferno anche noi?
Orfeo: Tutte le volte che s’invoca un dio si conosce la morte. E si scende nell’Ade a strappare
qualcosa, a violare un destino. Non si vince la notte, e si perde la luce. Ci si dibatte come ossessi.
Bacca: Dici cose cattive… Dunque hai perso la luce anche tu?
Orfeo: Ero quasi perduto, e cantavo. Comprendendo ho trovato me stesso.
Bacca: Vale la pena di trovarsi in questo modo? C’è una strada più semplice d’ignoranza e di gioia.
Il dio è come un signore tra la vita e la morte. Ci si abbandona alla sua ebbrezza, si dilania o si vien
dilaniate. Si rinasce ogni volta, e ci si sveglia come te nel giorno.
Orfeo: Non parlare di giorno, di risveglio. Pochi uomini sanno. Nessuna donna come te, sa cosa sia.
Bacca: Forse è per questo che ti seguono, le donne della Tracia. Tu sei per loro come il dio.
Sei disceso dai monti. Canti versi di amore e di morte.
Orfeo: Sciocca. Con te si può parlare almeno. Forse un giorno sarai come un uomo.
Bacca: Purché prima le donne di Tracia…
Orfeo: Di’.
Bacca: Purché non sbranino il dio.
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