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l'Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l'argile
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l'argile
Peu
à peu
S'affranchir
des sols et des racines
Gravir
lentement le fût
Envahir
la charpente
Se
greffer aux branchages
Puis
dans un éclat de feuilles
Embrasser l'espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit
Embrasser l'espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit
Evoquer
ensuite
Au cœur d'une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l'asphalte Éloigné des jardins
Orphelin des forêts
Au cœur d'une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l'asphalte Éloigné des jardins
Orphelin des forêts
Un
arbre
Au
tronc rêche
Aux
branches taries
Aux
feuilles longuement éteintes
S'unir
à cette soif
Rejoindre cette retraite
Ecouter ces appels
Rejoindre cette retraite
Ecouter ces appels
Sentir
sous l'écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies
Cheminer
d'arbre en arbre
Explorant l'éphémère
Aller d'arbre en arbre
Dépistant la durée.
Explorant l'éphémère
Aller d'arbre en arbre
Dépistant la durée.
"L’Arbre », source de la vie et de la renaissance, se révèle allégorie de la
vie humaine.
- Le
cheminement d’arbre en arbre dévoile un itinéraire spirituel et un retour vers
l’intérieur, en témoigne la circularité du poème : le verbe « parcourir » (v.1)
fait écho au verbe « cheminer »
(v.35)
; le thème du temps évoqué par « l’argile » originelle et par le verbe «
renaître » est repris par les expressions antithétiques « éphémère » et « durée
». Le titre « destination » fait écho au voyage initiatique et au vocabulaire
du cheminement : de « parcourir » à « cheminer, explorer, aller, dépistant ».
-
Cette promenade revient à explorer la vie et la condition humaine : de nos
racines (« racines » ou « argile » mythique) à la découverte de l’énigme du
monde et de la vie (« déchiffrer les soleils ») ; de nos expériences
douloureuses (les « orages », la solitude, le déracinement) aux expériences
fécondes (les « rêves tenaces / Qui fortifient nos vies »). La racine donne
naissance et permet de renaître des profondeurs. Si l’arbre peut incarner l’éphémère
(rythme des saisons), il incarne aussi la durée : la sève circule, assure le
dynamisme et la régénération, la continuité, y compris dans l’arbre qui semble
tari. Il est ainsi à l’image de la vie humaine : l’homme est soumis au temps,
mais il transmet la vie, cette vie qui affleure, même dans les moments
difficiles, notamment quand l’homme est exilé, coupé de ses racines. La
dernière strophe, construite sur des parallélismes, souligne l’équilibre entre
le passage et la durée, entre l’éphémère et le permanent.
-
Une double métaphore associe alors l’arbre et l’humanité : l’arbre comme vie
féconde, palpable, invincible à laquelle l’humain peut puiser sa force, son
énergie, sa vitalité et qui peut déboucher sur des capacités nouvelles («
embrasser l’espace », « déchiffrer », « résister », « affronter ») et l’arbre à
l’image de l’être humain : « La montée des sèves / La pression des bourgeons /
Semblables aux rêves tenaces » qui nous fécondent et nous fortifient.
L’arbre,
symbole de l’expérience de la création poétique ?
-
Création comme cheminement et exploration ouvrant la voie à la découverte et à
la connaissance d’un au-delà, du mystère de la vie qui ne se donne pas
facilement, mais que l’écriture poétique explore : « Embrasser l’espace », «
Déchiffrer les soleils ».
- La
poésie comme expérience de l’autre, comme expérience de la solidarité ; le
verbe « évoquer » l’arbre seul (v.16) est révélateur : il s’agit d’appeler, de
faire venir pour faire vivre, en s’unissant, en rejoignant, en écoutant la
détresse de l’autre (strophe 6).
- La
poésie est ainsi acte créateur donnant vie aux êtres et aux choses, comme la
racine mère, la sève qui circule ou l’argile originelle dont on forme toute
chose.
-
L’itinéraire poétique se lit aussi graphiquement : la longueur du poème et la
brièveté des vers se donnent à voir comme un chemin qui se déroule ; les
espaces (vers 11 et 18) matérialisent le saut vers l’espace ou la solitude de
l’arbre isolé du reste.