Saint-Germain-des-Prés
est une petite enclave qui se trouve dans le 6° arrondissement de Paris. Il
s'étend sur la Rive Gauche de la Seine face au Louvre et à l'Île de la Cité.
Pour petit qu’il soit, il a très vite occupé une place importante dans la
capitale. Les intellectuels ont toujours trouvé ici un lieu accueillant et
enclin au débat d’idées.
Petite
histoire de Saint-Germain-des-Prés, quartier culturel
Déjà au XVII siècle, les
Encyclopédistes se réunissaient au café Landelle, rue de Buci ou au Procope qui
existe toujours, de même les futurs révolutionnaires Marat, Danton, qui
habitaient le quartier. Dès le 17ème siècle, le quartier se développe pour
devenir le foyer du monde artistique et dramatique mais c’est surtout au 19ème
siècle que le quartier de Saint-Germain-des-Prés devient le lieu de rencontre des
écrivains (Racine, Balzac, Georg Sand) , des peintres (Delacroix, Ingres et
Manet) et des acteurs (Mounet-Sully).
Sa notoriété reste stable
au début du XXème siècle, de nombreux artistes trouvent à Paris et spécialement
dans ce quartier un véritable et refuge et une bulle de liberté et
d’expression.
Pendant la seconde guerre
mondiale, malgré les couvre-feux, les cafés de Saint-Germain-des-Prés sont les derniers
endroits de rencontre et d’échange de la capitale, fréquentés par Jean-Paul
Sartre et Simone de Beauvoir. Le café du quartier, les Deux Magots, est
fréquenté par Giacometti, Queneau, Adamov aux pieds toujours nus même l'hiver,
par le le réalisateur Jean Grémillon, Jean Vilar, encore inconnu ; et le Flore,
par Picasso, Eluard, Dora Marr, Brassaï et la bande de Jacques Prévert.
Un
quartier mythique dans les années 50s et 60s
C’est la générale de la
pièce de Sartre “Huis-Clos” qui fut l'événement ouvrant l'âge d'or de
Saint-Germaindes-Prés des années post guerre : Raymond Rouleau qui monte la
pièce et la joue pour la première fois le 27 mai 1944 au Théâtre du Vieux
Colombier. Le quartier devient alors le haut lieu de la culture à Paris et en
France, où chaque forme d’art semble pouvoir se développer en liberté.
La
littérature
Au cours du XXème siècle,
le quartier de Saint-Germain-des-Prés reste synonyme de vie littéraire et
artistique et de nombreux cafés créent leur propre cercle ou même leur prix
littéraire. Le café des Deux Magots fonde le prix de Saint-Germain-des-Prés
dont le premier lauréat est Raymond Queneau pour Le Chiendent. L’importance
des cafés s’accroît et Léon-Paul Fargue, dans Le piéton de Paris, qualifie
ainsi les trois grands cafés de Saint-Germain (Le Flore, Les Deux Magots et la
brasserie Lipp) de " véritables institutions aussi célèbres que des
institutions d’Etat ".
Les différents mouvements
littéraires se rencontrent à la terrasse des cafés : l’existentialisme porté
par Jean-Paul Sarte, le féminisme avec sa compagne Simone de Beauvoir et son
roman Le Deuxième Sexe. Mais l’auteur qui certainement a le mieux dépeint
l’état d’esprot du quartier est Boris Vian dans L’Ecume des Jours, véritable
hymne à Saint-Germain-des-Prés et au jazz. Il est allé jusqu’à publier Le
Manuel de Saint-Germain des Prés.
La
littérature des années 50s ; entre existentialisme et féminisme
Qu’est-ce
que l’existentialisme ?
Le dictionnaire nous dit
: « existentialisme , nom masculin : Doctrine fondée sur le fait que l’homme
est libre et responsable de ses actes » Mais encore ? Né de la philosophie sartrienne,
l'existentialisme joue dans l'immédiat après-guerre un rôle considérable dans
le développement des lettres françaises. Novateur dans sa vision du monde, ce
mouvement ne suscite pourtant pas de poétique originale. Il est, de plus,
divers dans les options personnelles des auteurs qui y participent. Sympathies
marxistes et engagement politique chez Jean-Paul Sartre, engagement plus modéré
et humanisme moderne pour Albert Camus. Simone de Beauvoir ouvre la voie à une
réflexion sur la recherche de l'identité et de la liberté féminine. Un peu en
marge des affrontements d'idées entre existentialistes, marxistes et humanistes
chrétiens, Boris Vian, superficiellement influencé par la pensée de Sartre et
des éléments du surréalisme, résume l'état d'esprit d'une fraction de la
jeunesse (Saint-Germain-des Prés); en outre, il popularise en France la bande
dessinée américaine, la science-fiction, le jazz. C’est une philosophie de la
liberté (individuelle). Tout homme est bâti sur un choix initial, qui définit
ses valeurs et auquel sa vie doit être fidèle (authenticité). Ce choix est
au-delà de la raison. Il se découvre en cherchant la logique implicite du
parcours suivi par l'individu. Il se révèle aussi lors de crises (nausée,
angoisse existentielle) : l’homme confronté au néant, découvre ce qui compte
réellement pour lui: il ne sera un homme à proprement parler que s’il refuse le
cours qui semble lui être imposé, s’il transcende son sort. Il se construira,
par ses décisions et son action, en conformité à son choix fondateur
(l’existence précède l’essence : on devient ce que l’on doit être, par
l’engagement). Cette liberté a beaucoup d’ennemis : la faiblesse de l’homme,
qui a peur des conséquences de ses choix existentiels, le conformisme, le
déterminisme (Freud) qui la nie, la pensée abstraite (Marxisme, religions) qui exige
l’obéissance…En somme, c’est un retour à l’homme, qui prône que l’homme n’a
d’autre choix que d’exercer sa liberté. Cette philosophie existentialiste
domine la pensée française dans les années qui suivent la libération et règne
sur la totalité de la production littéraire (essais, mais aussi roman, théâtre,
poésie).
Il reprend les grandes
valeurs philosophiques françaises, à savoir un retour à l’homme et à la raison
après des périodes obscures, faisant ainsi écho d’une certaine manière aux
Humanistes de la Renaissance ou encore aux Lumières juste avant la Révolution
française. Les grandes figures de ce mouvement sont Jean-Paul Sarte et Albert
Camus. Pour le premier, le refus est la fondation de la liberté humaine. Le
refus de la censure, le refus de la pensée préconçue, le refus de la doctrine…
Il faut s’opposer, se confronter, échanger pour pouvoir exercer sa liberté.
Pour le second, face à l’absurdité de nos vies, dans un monde sans Dieu ni
valeurs, l’homme est plus libre de se révolter. Cette révolte peut se
concrétiser par diverses formes, pour Camus elle passe par la création
artistique. L’existentialisme est profondément lié à l’idée de débat. En effet,
les écrivains se retrouvaient souvent pour échanger sur leurs idées, en
arrivant parfois même à des luttes intellectuelles. Ainsi Sartre et Camus
étaient-ils divergents sur la définition même de l’existentialisme. Ces débats
ont aussi permis de donner aux femmes une position importante dans la création
littéraire, à l’image de Simone de Bauvoir et de son libre féministe Le
Deuxième sexe.
« L’existentialisme
athée, que je représente, est plus cohérent. Il déclare que si Dieu n’existe
pas, il y a au moins un être chez qui l’existence précède l’essence, un être
qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c’est
l’homme ou, comme dit Heidegger, la réalité humaine. Qu’est-ce que signifie ici
que l’existence précède l’essence? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se
rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’homme, tel que le
conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est
d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait. Ainsi,
il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la concevoir.
L’homme est seulement, non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se
veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan
vers l’existence; l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. »
Jean-Paul
Sartre, L’existentialisme est un humanisme (1946), Éd. Nagel, 1970, pp.
17-24. DR.
« Qu’est-ce qu’un homme révolté ?
C’est d’abord un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce
pas : c’est aussi un homme qui dit oui. Entrons dans le détail
avec le mouvement de révolte. Un fonctionnaire qui a reçu des ordres toute sa
vie juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Il se dresse et
dit non. Que signifie ce non ? » ([Essais)